Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
TRON : ARES ★★☆☆☆
De Joachim Ronning
L’essentiel
Malgré ses qualités visuelles, et une bande-son géniale signée Nine Inch Nails, le nouveau volet de la franchise manque cruellement d’humanité.
Quatorze ans après Tron : L’héritage, nous revoilà donc plongés dans le monde de Tron. La société ENCOM, fondée par Kevin Flynn (Jeff Bridges), cartonne toujours dans les jeux vidéo. Elle est désormais dirigée par Eve Keem (Greta Lee), une humaniste travaillant en parallèle à sauver le monde grâce aux nouvelles technologies. Son grand rival, Julian Dillinger (Evan Peters), le petit-fils de l’antagoniste du Tron de 1982, a lui des ambitions moins nobles. Il veut donner vie à son programme informatique de défense, Ares (Jared Leto), pour en faire un super soldat à la RoboCop. Le principal problème de ce nouveau Tron tient dans son scénario trop basique et simpliste. On se rattrape sur les visuels, assez impressionnants et la musique de Nine Inch Nails, modèle de techno indus qui rehausse chaque séquence du film. Tout ce beau verni ne peut malheureusement pas sauver Tron : Ares à cause de son casting mal fagoté et de sa morale dépassée qui voudrait que l’innovation (ici l’intelligence artificielle) finira un jour par régler tous les problèmes qu’elle a causé à notre planète. Un scientisme un peu à côté de la plaque à l’heure où l’on investi des centaines de milliards dans des data centers pour faire tourner ChatGPT…
Edouard Orozco
Lire la critique en intégralitéPREMIERE A BEAUCOUP AIME
L’INVASION ★★★★☆
De Sergei Loznitsa
D’abord présenté sous la forme d’une série de 28 épisodes, L’Invasion trouve le chemin des salles de cinéma avec un montage synthétique d’un peu plus de deux heures. Plus d’actualité que jamais, réalisé dans l’urgence, ce film documente la vie chamboulée mais toujours quotidienne du peuple ukrainien, les effets concrets de la guerre sur la vie de tous les jours. Au moyen de multiples plans séquences saisissants, Loznitsa capture la transformation forcée de son pays par l’invasion russe. Mais si la guerre semble parfois invisible ou le front relégué hors-champ, l’acte de filmer l’Ukraine au quotidien revient à un cri retentissant de résistance, d’une culture, d’un pays et d’un mode de vie, contre un modèle que souhaite imposer le pays envahisseur. Un jour à son tour, L’Invasion deviendra un film d’archive, et l’on y retrouvera toujours des visages qui défient la brutalité de l’Histoire.
Nicolas Moreno
PREMIÈRE A AIME
NOUVELLE VAGUE ★★★☆☆
De Richard Linklater
Richard Linklater vient à Paris reconstituer la fabrication d’A Bout de Souffle, le Godard inaugural qui fit de la Nouvelle Vague un raz-de-marée, début 1960. Le réalisateur de Boyhood, roi du coming-of-age movie, envisage cette mythologie française comme le prétexte d’un nouveau film d’apprentissage. C’est Génération rebelle délocalisé dans le Quartier Latin. Son talent pour recréer des petites bulles d’espace-temps dans lesquelles il fait bon vivre fonctionne ici à plein, et se double d’un extraordinaire exercice de style « à la manière de », un pastiche superbement confectionné, porté par des comédiens irrésistibles, qui donne à ce Nouvelle Vague des airs de vrai-faux film de Godard – celui des sixties, primesautier et fantaisiste. On n’a ainsi jamais accès à l’intériorité du cinéaste qui restera jusqu’au bout cette silhouette sortie d’une BD ligne claire. Mais ce n’est pas l’intention du film, qui se veut pédago mais cool, un cours d’histoire du cinéma pour rire et en accéléré.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéMETEORS ★★★☆☆
De Hubert Charuel
On attendait avec impatience le deuxième long d’Hubert Charuel, huit ans après le carton de Petit paysan. Avec Claude Le Pape (sa complice d’écriture de toujours), il propose de nouveau une plongée documentée dans un milieu professionnel. Celui d’une usine de traitement des déchets nucléaires, seul débouché en termes de boulot pour les habitants de ce coin de Haute- Marne où se déroule l’action. Et dont l’un de ses employés réussit à faire embaucher deux de ses potes forcés de justifier d’un emploi après un cambriolage improvisé qui a mal tourné. Par- delà son talent de directeur d’acteurs (la complicité du trio Kircher- Azougli – Cissé fait merveille), Charuel séduit surtout par la fluidité de sa mise en scène basculant peu à peu du réalisme vers le fantastique pour épouser l’étouffement vécu par ses héros. Mais son scénario ouvre trop de pistes pour parvenir à les embrasser toutes en 1h50. Il aurait gagné à épurer son propos pour toucher aussi juste que son premier long.
Thierry Cheze
NOS JOURS SAUVAGES ★★★☆☆
De Vasilis Kekatosa
Chassée de chez elle par un frère violent, quelques heures suffisent à Chloé pour se retrouver à la merci d’un inconnu sur le parking vide d’une station- service. Son sauvetage in extremis par une bande de parias marque le début d’un road trip dans un van trop petit, à arpenter les villages isolés de la Péloponnèse. En s’aventurant émerveillée dans cette vie de bohème, Chloé s’adoucit à mesure que se déploie le charme envoûtant de son interprète, Daphné Patakia (Benedetta). Par exemple, dans cette scène de sexe inaccoutumée qui regorge de poésie, telle une accalmie au milieu du chaos. Mais un tout autre aspect de ce coming of age émeut davantage : la pluralité de ses personnages. Entre le naturel déconcertant de leurs interactions, l’intense camaraderie, et l’harmonie de leurs corps filmés de près, difficile de ne pas s’attacher à cette troupe qui vit d’amour et de rébellion.
Lucie Chiquer
HORS- SERVICE ★★★☆☆
De Jean Boiron- Lajous
Comment raconter le service public en déshérence sans bégayer avec les chaînes info ? C’est après un long séjour à l’hôpital, au contact donc d’une de ces institutions en crise, que Jean Boiron- Lajous a eu l’idée de s’emparer de cette question via un prisme original. Celui de réunir cinq fonctionnaires démissionnaires (un médecin, un postier, une juge, un policier et une enseignante) dans un hôpital abandonné et de les laisser investir les lieux en échangeant sur le pourquoi de cette décision de quitter un métier qu’ils exerçaient par passion. Boiron- Lajous a fait le pari – gagnant - que l’artificialité de la situation ferait surgir la plus profonde des sincérités. Car cette déambulation très cinématographique dans les espaces vides et les recoins sombres de ce lieu- métaphore d’un secteur laissé à l’abandon permet à chacun de libérer ce qui leur était jusque là impossible à formuler. De mettre des mots sur leurs maux. Pour un résultat aussi pertinent que poignant.
Thierry Cheze
BERLINGUER, LA GRANDE AMBITION ★★★☆☆
De Andrea Segre
Son nom reste méconnu de ce côté- ci des Alpes. Mais 41 ans après sa disparition, Enrico Berlinguer reste une figure et une référence majeures en Italie, pour avoir tout fait – comme secrétaire du PC le plus influent du monde occidental – afin de réconcilier le communisme et la démocratie, en coupant les ponts avec l’URSS bien avant tout le monde. Ce film d’Andrea Segre (La Petite Venise) a connu un immense succès chez nos voisins transalpins. Et il en mérite un équivalent en France tant grâce à son parti pris de se concentrer sur 5 ans de sa vie (de 73 où il échappe à un attentat des services secrets bulgares à 78 où son allié essentiel, Aldo Moro, est tué par les Brigades Rouges), toutes les thématiques abordées résonnent avec notre époque actuelle, en particulier cette quête du compromis qui vaut excommunication de la gauche par sa partie la plus extrême. Le tout avec une mise en scène soignée et dynamique et une composition magistrale d’un Elio Germano, puissamment habité par le rôle
Thierry Cheze
ONE TO ONE : JOHN & YOKO ★★★☆☆
De Kevin Macdonald et Sam Rice-Edwards
Après ses docus consacrés à Bob Marley ou Whitney Houston, Kevin Macdonald se penche sur le cas John Lennon & Yoko Ono. Pas sur leur histoire au long cours mais sur une période précise de leur vie : quand ils quittèrent l’Angleterre pour s’installer à New York, dans un petit appartement du West Village, entre 1971 et 1973. Depuis ce camp de base bohême, ils deviendront l’une des forces vives de l’agitation politico-culturelle US, qui nourrira ensuite l’album Some Time in New York City. One to One s’enroule autour des images restaurées de leurs concerts du 30 août 72 au Madison Square Garden, déambule dans l’appartement en question (reconstitué en studio) et prend pour prétexte le fait que John et Yoko adoraient regarder la télé pour organiser un grand zapping entre les images d’actualités, les pubs et les talk-shows de l’époque. Un mélange, donc, de concert film électrisant et de chronique historique affûtée, bourré d’archives passionnantes.
Frédéric Foubert
ALGER ★★★☆☆
De Chakib Taleb- Bendiab
Le récit s’inspire de faits réels autour d’une série d’enlèvements de fillettes en plein cœur d’Alger. Un commissaire est plus ou moins contraint de s’adjoindre des services d’une psychiatre pour résoudre l’affaire. L’efficacité de la mise en scène et les sinuosités du scénario distillent une tension permanente. A la façon des Nuits de Mashhad d’Ali Abbasi, par exemple, le genre criminel est censé ici révéler les contradictions d’une société patriarcale et corrompue. Un premier long-métrage prometteur.
Thomas Baurez
EGOIST ★★★☆☆
De Daishi Matsunaga
Alors que le cinéma japonais parle rarement d’homosexualité, Daishi Matsunaga s’en empare en adaptant le roman semi-autobiographique de Makoto Takayama. Il raconte une histoire d’amour entre deux hommes de milieu social opposé : le très aisé Kōsuke qui travaille pour un prestigieux magazine de mode et Ryūta, coach sportif qui peine à joindre les deux bouts et multiplie les petits boulots pour aider sa mère malade. La grande réussite du film tient dans son élégance et son refus de tout sentimentalisme, tant dans les prémisses de ce coup de foudre amoureux que dans les moments qui suivent le choix de Ryūta de mettre brutalement fin à cette relation. Car ce ton épouse à merveille ce qui se joue à l’écran : les dynamiques contradictoires des sentiments et du pouvoir. Avec au centre de tout, cet argent que Kōsuke donne à Ryūta pour soulager son quotidien et que ce dernier va vivre comme une dépendance altérant peu à peu la passion qui les unit. Un film aussi délicat que cruel.
Thierry Cheze
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première Go
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
C’ETAIT MIEUX DEMAIN ★★☆☆☆
De Vinciane Millereau
Hélène et Miche et leurs deux enfants, coulent des jours heureux dans l’insouciance des années 1950 avant de se retrouver soudainement propulsés en 2025, un monde moderne à l’opposé de celui qu’ils connaissent. A commencer par les rapports hommes- femmes, source d’épiphanie inattendue pour Hélène jusque là dans l’ombre de son époux, se retrouvant à un poste de direction et de cataclysme pour Michel qui perd tous ses avantages. Dire que cette comédie autour du voyage dans le temps façon Les Visiteurs révolutionne le genre serait mentir. Affirmer que Didier Bourdon force son pourtant immense talent tout autant. Mais en dépit d’un scénario qui martèle trop les choses au lieu de les suggérer, on se situe cependant des coudées au- dessus du niveau moyen des comédies populaires françaises qui squattent nos grands écrans avec un désintérêt croissant du public (cf 100 millions avec Kad Merad ou Le Million avec Christian Clavier pour ne citer que des exemples récits). Grâce à une direction artistique bossée, un souffle féministe bienvenue et au talent d’Elsa Zylberstein, décidément irrésistible en comédienne de comédie.
Thierry Cheze
GLACIERS D’ARCTIQUE, ETAT DES LIEUX ★★☆☆☆
De Pierre Dugowson
Le dérèglement climatique fait fondre les glaciers à vitesse grand V, et la glaciologue Heïdi Sevestre fait le point sur cette situation inquiétante depuis un archipel norvégien. Peu intéressé par la forme (à l’exception des plans des dits glaciers, sublimes), le réalisateur Pierre Dugowson signe un trac scientifique. Une énième alerte, et un rappel salvateur que la géo-ingénierie et ses idées farfelues (rideaux contre les courants marins chauds, barrières solaires…) ne nous sauveront pas.
François Léger
SUPER GRAND PRIX ★★☆☆☆
De Waldemar Fast
Mascottes du parc allemand Europa Park, les souris Ed et Edda déboulent pour la première fois sur grand écran avec ce film d’animation inspiré d’une attraction du lieu qui fête cette année son demi- siècle d’existence. Les aventures d’un as de la course automobile et de sa plus grande fan – non moins douée – qui se retrouve à prendre sa place incognito après sa blessure pour tenter de remporter le championnat qu’il dispute. Et malgré son énergie du film qui séduira les plus petits, son scénario ultra- prévisible et son animation passe- partout le privent de toute pole position.
Thierry Cheze
DETOURS ★★☆☆☆
De Philippe Petit
Dans ce drôle de documentaire, Philippe Petit se met lui-même en scène dans sa propre réalité qui, en fin de compte, se révèle peu amusante. Avec sa valise comme seul compagnon de voyage, il nous emmène dans ses errances au bord de l’autoroute, des PMU et des appartements de ses amis, dans l’unique but de retarder sa véritable destination : la maison de retraite où séjourne sa mère. Dommage que la réflexion sur la culpabilité et la charge mentale qu’implique la détérioration d’un parent arrive sur le tard.
Lucie Chiquer
VOUS N’ÊTES PAS SEULS ★★☆☆☆
De Marie- Hélène Viens et Philippe Lupien
Un extraterrestre infiltré sur Terre collecte dans son frigo les âmes esseulées, jusqu’à ce que sa nouvelle cible lui complique la tâche : Léo, un livreur de pizza maussade, tombe brusquement amoureux de Rita. Si l’usage de la science-fiction comme métaphore de la solitude libère une imagerie ésotérique et expérimentale, les questionnements symboliques qu’il introduit peinent à fusionner avec l’aspect romantique du scénario. Les deux genres alternent sans jamais fusionner, dégradant l'harmonie du récit.
Lucie Chiquer
Et aussi
Gabby et la maison magique- le film, de Ryan Crego
La Princesse et le rossignol, programme de courts métrages
Les reprises
La Ferme des animaux, de John Halas et Joy Batchelor
Gatsby le magnifique, de Jack Clayton
Insaisissables, de Louis Leterrier







Commentaires