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Les projections de films s’enchaînent sans discontinuer, à un rythme dingue. On saute de l’une à l’autre. Par Benjamin Rozovas.De bon matin, le visage dans les fesses, on se presse au cinéma Scotiabank pour se faire enterrer vivant avec Ryan Reynolds. Hier, c’était l’heure et demie coincés sous la roche avec James Franco. Ou comment chercher l’évasion en restant cloué sur place. Une métaphore du cinéma ? La nouvelle profession de foi de réalisateurs en mal de défi (technique, dramaturgique) ? Les films qui prétendent nous accrocher à nos sièges dans un espace de 4 mètres carré récoltent parfois ce qu’ils ont semé. Buried est la sensation hyper buzzée du moment, ce qui ne l’empêche pas d’être très chiant. Le suspense au cordeau du type enterré vivant avec un blackberry tourne à l’affreux gimmick lorsqu’on comprend qu’il passera le film entier pendu au téléphone. La performance engageante de Reynolds colmate les fuites du scénario (poussif) et de la mise en scène (inerte). Bizarre de se réclamer d’Hitchcock avec autant d’insistance (le pavé de critiques US en remet une couche sur l’affiche Saul Bassienne) lorsqu’on n’arrive même pas à la cheville de Larry Cohen.En salle 2, un nouveau film de Robert Redford, une valeur qui a perdu un peu de crédit depuis trois-quatre essais (rappelez-vous Quiz Show, c’était pas mal). The Conspirator emballe pourtant d’entrée de jeu avec une reconstitution sèche et nerveuse de l’assassinat d’Abraham Lincoln par John Wilkes Booth et sa bande de mauvais perdants Sudistes. Un morceau d’Histoire quasi inédit au cinéma (on se souvient du révisionniste The Lincoln Conspiracy de 77, qui penchait pour la théorie du complot politique), mais ce qui suit l’est encore plus : le procès de Mary Surrat (Robin Wright, dans un grand numéro de madone meurtrie), mère de l’un des complices de Booth, désignée par l’Etat Major et livrée à l’opinion publique comme la conspiratrice en chef. Le résultat est un film de prétoire avec James MacAvoy en avocat idéaliste dénonçant l’absence de morale du gouvernement américain lorsqu’il décide d’ignorer la constitution au nom de la vengeance collective. Evidemment, ça parle en transparence de l’après-11 septembre, mais sans le côté pamphlet didactique qui plombait par exemple Lions and Lambs. Le feeling "d’époque" transmis par la photo blanchie de Newton Thomas Sigel (chef op attitré de Bryan Singer) est saisissant. Bam, direction Bunraku de Guy Moshe, grosse tambouille "de genre(s)" estampillée Midnight Madness, à la direction artistique ambitieuse mais très vite envahissante. Josh Hartnett est l’Etranger en manteau long, Woody Harrelson tient le bar du coin, Ron Perlman sème la terreur sous son grand chapeau de paille… Une sorte de western chambara dans les costumes de "Dick Tracy". C’est encore pire que ça en a l’air… On choisit à mi-chemin d’embarquer dans The Trip, le dernier film de Michael Winterbottom depuis son précédent (à l’origine une série semi improvisée en six épisodes apparemment exploitée en film – mystère quant à l’existence ou non de la série). Steve Coogan, dans son propre rôle, s’improvise critique culinaire pour l’Observer et part sur les routes en compagnie de son ami Rob Brydon, grosse personnalité des médias en Angleterre, qui remplace au pied levé sa petite amie. C’est simple, filmé en DV, dans la lignée des autoportraits de comiques narcissiques qui fourmillent à la télé depuis Ricky Gervais et Larry David. Et souvent à mourir de rire grâce à l’alchimie non feinte de Coogan et Brydon. Et étrangement touchant. Pendant ce temps, le Bell Lightbox, nouvelle maison du cinéma de Toronto sponsorisée par le TIFF, ouvrait enfin ses portes au beau milieu d’une Block Party géante (fête de quartier ouverte à tous). Il paraît que c’était bien. On n’y était pas. "C’était chouette ! Des gens de tous les âges, réunis par l’amour du cinéma. K’naan était sur scène il y a deux minutes, vous venez de le rater", renseigne Michèle, qui distribue les hot dogs. La première mondiale très attendue de Hereafter de Clint Eastwood a lieu ce soir à 21h dans le grand théâtre Elgin. Mini-film catastrophe en ouverture, scènes de l’au-delà filmées par Clint, Matt Damon romantique… Demain, le verdict. Stay tuned. Festival de Toronto : jour 1Festival de Toronto : jour 2