Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
ZOOTOPIE 2 ★★☆☆☆
De Jared Bush et Bryan Howard
L’essentiel
Un grand numéro deux pour un film d’animation Disney, ce n’est pas encore pour cette fois.
Lors de la sortie de Zootopie, en 2016, la critique de Première annonçait un « futur classique ». On avait vu juste. Le long-métrage a franchi la barre du milliard de dollars de recettes en salle et décroché l’Oscar du meilleur film d’animation. Neuf ans après, Zootopie est enfin de retour. Enchaînant les gags et les scènes d’action enlevées pendant 1h47, tout en explorant de nouvelles facettes de son univers, et visuellement très plaisant, Zootopie 2 a tout d’une suite réussie. Et on ne doute pas qu’elle va ravir le public, notamment les enfants et les adolescents qui ont grandi avec le premier film. Mais là où le film original nous avait séduit par son concept et son inventivité, la suite peine à injecter de nouvelles idées et se repose sur ce qui avait déjà marché. Disney n’a jamais vraiment su comment aborder les numéros deux. On verra si Encanto 2 parviendra à afficher une vraie ambition artistique. Mais ce nouveau Zootopie, aussi mignon soit-il, en manque cruellement.
Edouard Orozco
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
BUGONIA ★★★☆☆
De Yorgos Lanthimos
Pour son troisième film en deux ans à peine, Yorgos Lanthimos s’inspire de l’ovni sud-coréen halluciné Save the Green Planet !, l’histoire d’un apiculteur qui séquestre le PDG d’une entreprise pharmaceutique car il est convaincu que celui-ci est un extra-terrestre belliqueux. Ce qui était il y a vingt ans une variation zinzin sur Les Envahisseurs mêlant polar et torture-porn, devient ici une fable politique et éminemment contemporaine sur le conspirationnisme, les guerres culturelles et les méfaits de la Big Pharma. Les acteurs y sont exceptionnels, à commencer par Emma Stone, qui joue la cheffe d’entreprise à la démarche robotique en passant par tous les états, crâne rasé, enduite de diverses substances, torturée sur du Green Day et balançant ses escarpins avec une souplesse démente pour mettre à profit ses leçons d’auto-défense !
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéVIE PRIVEE ★★★☆☆
De Rebecca Zlotowski
Découvert à Cannes, ce Vie privée constitue sans doute le film le plus déroutant de Rebecca Zlotowski. Celui où ce que ses personnages vivent à l’écran – cette difficulté à distinguer le vrai du faux – dialogue avec la manière dont lui- même se métamorphose au fil du récit. Dans son entame, Vie privée a en effet des allures de Cluedo, dans les pas de Lilian, une psychiatre qui se persuade à la mort soudaine de l’une de ses patientes qu’il s’agit d’un meurtre et décide de mener sa propre enquête. Sauf que peu à peu, cette traque du tueur va se muer en comédie, assumant un côté burlesque voire totalement perché avant de prendre sa véritable forme. Une vraie comédie de remariage, née des péripéties que Lilian traverse avec son ex- mari ophtalmo, partenaire devenant de plus en plus impliqué dans son enquête. Il y a dans ce geste une infinie malice, celle qui caractérise le duo que forme Jodie et Daniel Auteuil, particulièrement généreux, inventif et ludique dans chacune de leurs scènes.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéJE N’AVAIS QUE LE NEANT ★★★☆☆
De Guillaume Ribot
Œuvre- monstre par sa durée (9 heures 30), œuvre-monde par sa portée universelle. Shoah de Claude Lanzmann témoignait en 1985 de l’extermination des juifs d’Europe par les nazis durant la Seconde Guerre Mondiale sans avoir recours à l’archive. Le documentaire de Guillaume Ribot, fort et éclairant, rend compte de la dynamique intellectuelle, physique et cinématographique qui ont permis la réalisation ce grand œuvre… La place centrale qu’occupe ici Lanzmann, jusqu’au « Je » du titre, traduit la puissance d’un geste qui l’inclut tout entier. Il y a les yeux qui ont vu et ceux qui essaient de voir à travers eux. Tout n’est qu’archives qui forment un making-of assez sidérant.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéSILVER STAR ★★★☆☆
De Lola Bessis et Ruben Amar
Onze ans après Swim Little Swim Fish située dans le milieu culturel underground de New- York, les frenchies Lola Bessis et Ruben Amar scrutent de nouveau les Etats- Unis. Mais en une décade, les temps ont changé. A la légèreté des années Obama a succédé la tension des années Trump. Et Silver Star embrasse ces bouleversements via la cavale électrique à travers le pays de Billy, une jeune Afro-Américaine qui braque une banque pour aider ses parents dans le besoin et Franny, 18 ans, enceinte jusqu’aux dents, qu’elle a prise en otage. Il y a du Thelma et Louise et du Sweet East de Sean Price Williams dans ce « road buddy movie » où le duo Bessis- Amar parvient à mêler un regard quasi documentaire et ce sens de l’humour malicieux qui dominait Swim Little Swim Fish. Le tout porté par l’énergie et la complicité de ses deux formidables interprètes principales : Grace Van Dien et Troy Leigh- Anne Johnson.
Thierry Cheze
ROOM TEMPERATURE ★★★☆☆
De Dennis Cooper et Zac Farley
Un ovni, un vrai. Le troisième long métrage du duo de réalisateurs formé par l’écrivain Dennis Cooper et l’artiste Zac Farley est intrigant, inquiétant, assez passionnant. Situé dans un lotissement désespérément anonyme aux portes du désert californien, Room Temperature raconte comment chaque année, pour Halloween, une famille transforme sa propriété en une maison hantée, que la population locale est invitée à visiter, moyennant 15 dollars. On comprend peu à peu, au fil de scènes laconiques, traversées d’une légère brise d’épouvante, que la demeure ainsi transformée, à mi-chemin de la fête foraine home-made et de l’installation d’art contemporain, est un prétexte qu’utilise le père pour exercer sa tyrannie, et peut-être bien sa folie homicide… Entre humour cringe, horreur engourdie et contemplation un peu poseuse, le film instaure un vrai malaise, qui se prolonge longtemps après la projection.
Frédéric Foubert
HOMELESSLY IN LOVE ★★★☆☆
De Ariane Mohseni- Sadjadi et Lalita Clozel
Armées d’une caméra embarquée, deux amies s’engouffrent au cœur de l’Amérique rurale et y croisent la route de trois femmes qui n’ont rien en commun, si ce n’est leur combat respectif pour s’extirper de la rue. Quand Alyssa jongle entre l’éducation de ses deux fils et sa relation avec leur père, Lorraine s’occupe de son mari en situation de handicap et Michelle passe ses journées à attendre que son amant daigne la rejoindre. Cinq années d’errance durant lesquelles ces drôles de dames tentent de concilier précarité et relation amoureuse, tout en se réinventant une féminité à coups de perruques et de colorations flashy. Mais hors de question ici de laisser le sans-abrisme les définir : ce qu’il y a de plus beau reste sans aucun doute la manière dont le dispositif documentaire, auquel elles imposent leur propre rythme, les amène doucement vers la reconstruction d’un amour-propre longtemps égaré.
Lucie Chiquer
DIS PAS DE BÊTISES ! ★★★☆☆
De Vincent Glenn
« Pas un film « sur » mais « avec » » annonce Vincent Glenn, fils de Pierre-William, un des plus grands chef-opérateur français décédé en 2024. Un film « sur » aurait impliqué de dérouler le fil d’une filmo longue comme le bras qui passe de Jacques Rivette, François Truffaut à Bertrand Tavernier, Yves Boisset ou Claude Lelouch. On aurait aussi un peu parlé du Glenn-cinéaste et donc de Terminus (1987), improbable Mad Max avec Johnny Hallyday. Un film « avec » n’exclut pas d’évoquer tout ça mais se vit surtout au présent. Pierre-William Glenn qui flirte alors avec les 80 ans n’est plus le cowboy d’antan, la maladie a fragilisé l’armure. Reste ce regard perçant et cette humeur vagabonde qui protège les grands timides. Le fils Vincent entreprend un dernier voyage, un road-trip au bord de la mer. C’est drôle, émouvant, tendre… Une façon de rappeler que les pères s’en vont et qu’il faut savoir les regarder avant le grand saut.
Thomas Baurez
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
RENAÎTRE ★★☆☆☆
De Rémi Lange
Celles et ceux qui avaient découvert Omelette en 1998 se souviennent forcément du réalisateur Rémi Lange qui signait là un journal intime et filmé ultra-sensible. Depuis le cinéaste a poursuivi sa route dans la marge, son cinéma tutoyant celui de Paul Vecchiali, fictions réalisées avec trois fois rien et beaucoup d’amour. Renaître c’est tout ça. Marseille, passions clandestines gentiment tarifiés, lieu de dragues, corps réveillés… Si le côté amateur ne rend toujours justice à la poésie ambiante, la liberté d’action mérite qu’on partage cette aventure très humaine.
Thomas Baurez
PREMIÈRE N’A PAS AIME
LA VOIX DE HIND RAJAB ★☆☆☆☆
De Kaouther Ben Hania
La Voix de Hind Rajab part d’une véritable archive sonore dont Kaouther Ben Hania (Les Filles d’Olfa) cherche, par les outils du cinéma, à retrouver la dynamique du moment auquel elle appartient. Le 29 janvier 2024 le centre d’appel du Croissant-Rouge Palestinien recevait l’appel paniqué d’une petite Gazaouie de cinq ans, prisonnière d’un véhicule bombardé par l’armée israélienne. A l’autre bout du fil, l’humanitaire désemparé cherchait à mettre tout en œuvre pour organiser son sauvetage. C’est cette course contre la montre chargée d’une tension maximale que Kaouther Ben Hania a reconstitué en huis clos. Il en résulte un pur moment d’angoisse qui voit des acteurs agrippés à la voix fragile d’une enfant personnifiée sur l’écran d’ordinateur par une ligne dont les violents soubresauts traduisent l’effroi. Guidée par l’immédiateté de la réalité, Kouther Ben Hania cherche à rendre compte le plus intensément possible de la tragédie palaisienne en cours. Sauf qu’en sanctuarisant ainsi l’archive forcément terrassante, tout ce qui l’encadre - fabriqué pour l’occasion - devient encombrant. Car quel que soit l’issue du drame, le spectateur pourra à bon droit s’interroger sur le degré d’efficacité de ce scénario « à l’américaine ». Et lorsque la cinéaste nous montre sur des écrans de téléphones portables les vrais humanitaires filmés par leurs collègues lors de ce jour atroce, elle fournit sans le savoir les preuves de son impuissance à témoigner de la tragédie.
Thomas Baurez
L’INTERMEDIAIRE (RELAY) ★☆☆☆☆
De David Mckenzie
Sarah (Lily James) est une lanceuse d’alerte repentie. Pas de cynisme là-dedans, juste la peur légitime de ne récolter que les ennuis d’un combat à priori perdu d’avance. Elle passe donc la porte d’un cabinet qui lui propose illico les services d’une agence très secrète dont la mission est d’organiser la restitution de documents compromettants en toute sécurité. David Mackenzie (Comancheria) s’amuse comme un fou à jouer la partition classique du thriller parano où tout n’est que dissimulations, messages codés et solitude forcée… L’originalité tiendrait dans le profil antihéroïque de notre protagoniste qui paradoxalement nous la rend plus humaine. Ça marche pas mal au début, jusqu’à ce que le scénario sentant de l’ennui tourner joue au petit malin, s’aventure vers une love-story semi-virtuelle (Riz Ahmed en intermédiaire au grand cœur) pour s’enliser dans l’impasse du : « Ahaha, j’vous ai bien eu ! » Dès lors les masques tombent, le scénario n’était en réalité qu’un concept froid à la chaleur artificielle. On a connu mieux comme twist.
Thomas Baurez
HELL IN PARADISE ★☆☆☆☆
De Leïla Sy
Révélée par Banlieusards (gros hit Netflix de 2019) co- réalisé avec Kerry James, Leïla Sy signe son premier long métrage en solo sur un scénario de Karine Silla. On y suit une jeune Française qui quitte Marseille après avoir décroché un job de réceptionniste dans un hôtel de luxe de l’Océan Indien. Mais comme le titre l’indique, le rêve va virer au cauchemar suite à la mort accidentelle de la fille de clients huppés et aux dommages collatéraux que cette tragédie va provoquer quand la direction du lieu fait reposer toute la responsabilité sur son employée. Tiré d’une histoire vraie, ce film souffre d’une écriture maladroite qui réduit ses personnages des archétypes. Mais aussi d’une réalisation trop tape à l’œil doublée d’une BO épuisante et sur- signifiante qui donne l’impression que Leïla n’a pas su regarder ce que Nora Arnezeder exprime dans son jeu. Une série B aussi vite vue qu’oubliée, comme il en déboule par paquet chaque semaine sur les plate- formes.
Thierry Cheze
FOLLEMENT(E) ★☆☆☆☆
De Paolo Gevonese
Trois ans après le déjà guère folichon Amants super héroïques, Paolo Genovese s’aventure de nouveau sur le terrain de la comédie romantique en essayant de réinventer la manière de raconter et de filmer un premier rendez- vous. Celui entre Piero et Lara qu’elle invite dans son appartement romain avec des papillons dans le ventre. Et au lieu de le suivre de façon linéaire, Genovese nous donne accès façon Vice- Versa de Pixar aux pensées qui traversent leurs esprits en personnifiant ces émotions contradictoires (l'érotisme, la tendresse, la rationalité, le pessimisme ou la paranoïa) dans quatre hommes et quatre femmes qui devisent et se challengent de leur côté. Un film- concept donc dont on peine à comprendre comment il a pu cartonner en Italie tant l’artificialité de l’ensemble saute aux yeux d’emblée. Et plus les minutes passent, plus le récit se perd dans un tunnel de monologues verbeux peuplés de clichés allant du pénible à l’insupportable. Un océan d’ennui.
Thierry Cheze
QUEERPANORAMA ★☆☆☆☆
De Jun Li
L’idée est belle – un jeune homme gay qui dissimule son identité à chaque rencontre avec un nouvel amant, en s’inventant à chaque fois un passé inspiré de l'histoire de vie de son précédent partenaire – et le noir et blanc des images, magnifique. Sauf qu’à ne jamais chercher à donner accès à son personnage, Queerpanorama s’abime dans une cérébralité qui transforme ses atouts en défauts. A savoir un côté poseur et paradoxalement assez désincarné alors que les corps y sont frontalement exposés, dénudés. Et on finit par s’ennuyer ferme au fil de ses 1h27 qui paraissent le double.
Thierry Cheze
Et aussi
La Petite fanfare de Noël, programme de courts métrages
Les reprises
Heidi, de Alain Gsponer
The Killer, de John Woo
Malina, de Werner Schroeter
Un été chez grand- père, de Hou- Hsiao- hsien







Commentaires