Et plus si affinités Peu convaincu par Jumeaux mais pas trop, le premier long du duo Ducray- Meance et encore moins par Sentimental, le film espagnol insupportablement moralisateur qu’ils ont choisi de remaker, on attendait avec scepticisme le grand triomphateur du festival de l’Alpe d’Huez (Prix du public et double prix d’interprétation pour Isabelle Carré et Bernard Campan). A tort. |
Thierry Chèze | |
Dieu est une femme Ce documentaire est une porte ouverte sur un autre. Celui sur la communauté des Kunas du Panama (où la femme est sacrée) réalisé en 75 par Pierre- Dominique Gaisseau invisible jusque là pour cause de faillite mais dont une copie a été miraculeusement retrouvée. Andrés Peyrot raconte l’histoire de ce film et l’excitation des Kunas d’enfin le découvrir dans un geste à la fois cinématographique, sociologique et ethnologique. Mais dont une certaine primauté à la cérébralité tient un peu trop à distance. |
Thierry Chèze | |
La Base Vadim Dumesh nous embarque dans un monde peu exploré par les caméras : la base de taxis de l’aéroport de Roissy où les chauffeurs attendent d’être dispatchés dans les terminaux. Un travail de longue haleine indispensable pour se faire accepter qui s’est étalé sur plusieurs années (COVID inclus). Mais le temps de son documentaire joue contre lui et en 72 minutes, il doit se contenter d’empiler les témoignages et portraits de chauffeurs sans aller plus loin que le simple constat des choses. On en ressort frustré. |
Thierry Chèze | |
Agra Dix ans après Titli, une chronique indienne, le quadragénaire Kanu Behl poursuit sa fougueuse exploration du Nord de l’Inde avec ce drame familial où un jeune homme à la libido explosive sème la confusion quand il annonce à ses parents vouloir se marier avec une collègue de travail. Habile, le scénario imagine une configuration spatiale originale dans laquelle le héros vit au rez-de-chaussée avec sa mère pendant que son père loge à l’étage avec sa maîtresse. |
Damien Leblanc | |
Yurt Il faut bien s’y faire : situer un film dans les années 1990 relève désormais du récit historique et de la chronique d’un passé révolu. C’est le cas pour le réalisateur Nehir Tuna, qui raconte ici de façon semi-autobiographique le tournant de l’année 1996 en Turquie à travers l’histoire d’Ahmet, garçon de 14 ans envoyé dans un internat religieux par son père qui cherche à inculquer à son fils pureté et droiture. |
Damien Leblanc | |
Black flies La New York des urgences, des gyrophares dans la nuit, des vies brisées aperçues à la volée, le temps de charger le brancard dans l'ambulance, direction l'hôpital le plus proche… C'est un matériau connu, une iconographie balisée (d’A Tombeau ouvert à la série New York 911) dont s'empare dans Black Flies (découvert en compétition à Cannes) Jean-Stéphane Sauvaire, adaptant un livre de Shannon Burke, romancier qui a lui-même été paramedic à New York. |
Frédéric Foubert | |
La Théorie du boxeur Qu’est-ce que la théorie du boxeur ? La thèse s’applique aux combattants qui ne parviennent plus à encaisser les coups. Ici, la doctrine caractérise l’évanouissement de la faune et de la flore française, qui ne parviennent plus à écoper les catastrophes liées au réchauffement climatique. Ce documentaire didactique morcelle un panorama hexagonal, où des artisans livrent, non sans inquiétude, leurs constatations sur l’état des sols, taris par les fortes chaleurs. |
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La Promesse verte Plus qu’un succès, un phénomène de société ! Avec Au nom de la terre, Edouard Bergeon a marqué durablement les esprits comme on a pu le constater lors de la récente crise agricole où il apparaît toujours comme une référence. S’il a touché aussi juste, c’est parce qu’il connaissait son sujet sur le bout des doigts, la tragédie qu’il racontait ayant été vécue par sa famille. Pour son deuxième long, au lieu de creuser le même terrain, il a choisi de partir ailleurs. |
Thierry Chèze | |
Paternel L’incapacité de l’Eglise à se moderniser inspire les cinéastes. Dans Magnificat, Virginie Sauveur racontait l’histoire d’une femme devenue prêtre en réussissant à garder le secret sur son sexe. Ronan Tronchot met, lui, en scène un prêtre qui voit débouler dans sa vie son ex et l’enfant de 11 ans qu’il a eu avec elle avant d’entrer dans les ordres. Porté par un Gregory Gadebois une fois encore remarquable, le film reste trop scolaire dans la conduite de son récit pour aller au- delà de la simple illustration de son sujet |
Thierry Chèze | |
Jour de merde Harcelée par son ex-mari toxique, rabaissée par sa boss et accompagnée par son gosse insupportable, Maude doit se rendre en plein milieu de la forêt québécoise pour apporter 7,5 millions de dollar à Gaétan Dubois, gagnant du loto, et l’interviewer. A bout de nerf et noyée par les obligations, elle se confronte à un homme déconnecté de la réalité. Ce qui devait être un rapide aller-retour se transforme en une journée interminable lorsque l’heureux bénéficiaire se révèle être aussi étrange que déconcertant. Après une vingtaine de court-métrages, Kevin T. |
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O'Corno: Une histoire de femmes Dans l’intimité d’une chambre, une femme en aide une autre à avorter. Cette scène d’ouverture constitue le point névralgique de ce drame choc, qui raconte le destin d’une infirmière reconvertie dans l’avortement clandestin en période Franquiste. Si le sujet est important, le film trimballe son héroïne d’un lieu à l’autre sans savoir où aller. De l’avortement à la prostitution, de l’exil à la libération sexuelle, on peine à cerner les intentions de la réalisatrice dans ce trop-plein de canevas. Yohan Haddad |
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Los Delincuentes Morán, employé de banque sans histoire, décide un beau jour de voler une grosse somme d’argent dans le coffre de son lieu de travail. Son plan ? Après avoir purgé une courte peine de prison, Morán pourra profiter de l’argent caché au préalable par son collègue Roman, homme discret qui sait se faire oublier. De ce postulat délirant, Rodrigo Moreno contourne le film de casse pour se pencher sur les conséquences d’un acte aussi démesuré, préférant ignorer la bêtise du geste afin de mieux se concentrer sur ses exécutants. |
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Apolonia, Apolonia Né du coup de foudre de la réalisatrice Lea Glob pour son sujet (l’artiste Apolonia Sokol), Apolonia, Apolonia suit le parcours de cette peintre danoise sur treize années, de ses études aux Beaux-Arts de Paris au début de sa carrière aux États-Unis, jusqu’à sa pleine consécration. S’il reste quelque chose de fondamentalement irrésolu dans ce film (pourquoi avoir suivi cette peintre plutôt qu’une autre ? Qu’a-t-elle de particulier ?), la trajectoire d’Apolonia Sokol s’avère, au bout du compte, plutôt passionnante. |
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L'Affaire Abel Trem Tout commence par un bobard. Celui que va naïvement raconter Abel (Gáspár Adonyi-Walsh, magnétique) pour justifier son échec au baccalauréat d’histoire, sans se rendre compte qu’il vient d’activer une réaction en chaîne. Car en expliquant à son père nationaliste qu’il ne s’est pas simplement planté à son oral mais qu’il en a été injustement recalé par son professeur libéral car il portait une cocarde, le jeune homme dépassé par les événements va déclencher un virulent scandale médiatique. De là, Gábor Reisz s’amuse. |
Lucie Chiquer | |
Le Jeu de la Reine Le Brésilien Karim Aïnouz, célébré notamment pour son fabuleux mélo La Vie invisible d’Euridice Gusmao (2019), change d’air et de braquet avec ce projet de prestige, tourné en anglais, avec stars au générique (Alicia Vikander, Jude Law) et sélection en compétition au Festival de Cannes. Mais ce qui faisait la singularité de son cinéma se dissout dans un film de facture passe-partout, plus formaté que véritablement porté par une vision d’auteur. |
Frédéric Foubert | |
Pas de vagues Pas simple de débarquer en salles avec un vent contraire surtout de manière aussi injuste ! En février, la bande- annonce de Pas de vagues a enflammé le net, ses contempteurs reprochant, à sa vision, au film… tout ce qu’il n’est pas : le portrait à charge, sans nuance, d’une collégienne semblant accuser à tort de harcèlement son professeur dont l’autorité suffirait à ce que l’on croit lui et pas elle. Comme un geste provocateur sur un sujet de société brûlant. |
Thierry Chèze | |
Kung Pu Panda 4 Huit ans se sont écoulés depuis Kung Fu Panda 3. Les enfants nés à l’époque du premier volet seront bientôt adultes. Le temps file. Ça s’entend d’ailleurs dans la voix de Maître Shifu – celle de Dustin Hoffman, en VO, de plus en plus caverneuse. Et dans ses propos, aussi, quand il annonce au début du film qu’il est temps pour Po, le panda expert ès-kung-fu, de céder à quelqu’un d’autre son titre de « Guerrier Dragon » et d’envisager une reconversion en chef spirituel de la Vallée de la Paix. |
Frédéric Foubert | |
Cabrini En 1946, Sœur Francesca Cabrini est canonisée pour avoir dévoué sa vie aux droits des immigrés italiens sur le sol américain. Après Sound of Freedom, Alejandro Monteverde décide de raconter son histoire. Par ignorance ou simple paresse d’écriture, il semble cependant oublier qu’un personnage central féminin ne rend pas un film automatiquement militant… Mais quoi de mieux que de surfer sur la vague féministe pour porter un discours religieux. La finalité : un récit qui tourne en rond et donne le vertige. |
Lucie Chiquer | |
Une famille En 2018, Catherine Corsini s’attaquait au récit d’autofiction de Christine Angot, Un amour impossible, qui remontait à la racine de sa tragédie : la rencontre de ses parents, menant à l’inceste que lui fera subir son père. Cinq ans plus tard, Angot reprend les rênes de sa propre histoire. Exorciser son traumatisme par l’écriture ne semble plus suffisant, il s’agit maintenant de chercher réparation. Alors, l’autrice devient réalisatrice. La plume devient caméra. Une caméra embarquée avec laquelle Christine Angot confronte un ennemi de taille : le silence. |
Lucie Chiquer | |
Smoke sauna sisterhood Au loin, une cabane isolée au fond d’un bois enneigé où plusieurs femmes s’engouffrent, laissant derrière elles le froid glacial de l’hiver estonien. À l’intérieur, une chaleur étouffante : celle du sauna à fumée, lieu sacré purificateur du corps et de l’âme. C’est au cœur de ce rituel ancestral fennique que la réalisatrice Anna Hints plonge sa caméra. Et alors que des silhouettes nues s’extirpent de l’obscurité et se forment dans les nuages de vapeur, les sens s’activent et la parole, elle, se délie. |
Lucie Chiquer | |
Le monde est à eux « C’est différent, mais ça a pour but qu’on réussisse.» Le moins que l’on puisse dire, en effet, c’est que c’est différent. Au lycée Delacroix de Drancy, Jérémie Fontanieu, prof d’économie aux allures de jeune loup de la finance tente une « expérimentation inédite ». Chaque année, les élèves de terminale les moins prometteurs de ce lycée de banlieue défavorisée subissent un intensif coaching afin d’obtenir le saint-graal: baccalauréat et, si affinités, admission en classe préparatoire. La méthode - et le film, réalisé par le prof lui-même - laissent parfois songeur. |
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Laissez-moi Mère très dévouée à un fils en situation de handicap, Claudine (Jeanne Balibar) s’accorde chaque semaine un jour de liberté en couchant avec des hommes de passage dans un hôtel de montagne... Avec ce portrait d’une quinquagénaire qui aspire à une vie romanesque, Maxime Rappaz élabore pour son premier film une atmosphère mélancolique et hors du temps (même si le récit se passe en 1997). Mais la thématique du fantasme est traitée d’une manière vue et revue, au sein d’une direction artistique qui nous laisse sur notre faim. |
Damien Leblanc | |
Karaoké Une chanteuse d’opéra ridiculement bourgeoise est recueillie par la femme de chambre de son hôtel luxueux, après un badbuzz médiatique. Cette dernière l’entraine dans une compétition de karaoké et en profite pour lui ouvrir les yeux sur la réalité de la France populaire. Même si le duo Michèle Laroque/Claudia Tagbo convainc, Karaoke se limite à une comédie bourrée de clichés sur la confrontation des classes au discours faussement politique comme on en voit tant et trop. Bastien Assié |
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La Jeune fille et les paysans Après La Passion Van Gogh, les Welchman reviennent dépoussiérer le cinéma d’animation. Dans un style pictural fin 19ème inspiré des peintres de la Jeune Pologne, le duo brosse le portrait de l’enivrante Jagna, jeune femme indomptable prisonnière d’un mariage forcé. Mais au rythme des récoltes saisonnières, sa révolte va peu à peu faire trembler la terre de son village putréfié par le patriarcat… Adapté du Prix Nobel de littérature Les Paysans de Wladyslaw Reymont, ce film-tableau fascine d’emblée par la richesse de son animation. |
Lucie Chiquer | |
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant Un bon film, ça ne tient à rien : une phrase qui fait rire, un joli plan, de super acteurs, quelque chose d’évident qui vous saute aux yeux… Vampire humaniste cherche suicidaire consentant arrive justement à accomplir ça dès ses dix premières minutes : on assiste à une fête d’anniversaire chez la famille vampire, qui va manger un clown un peu nul -et surtout réaliser que leur petite fille, trop émotive (« elle s’émeut d’vant une roche ! », se désole sa mère) n’est pas très chaude à l’idée de boire le sang d’autres êtres humains. |
Sylvestre Picard | |
Immaculée Cecilia (Sydney Sweeney), une jeune religieuse américaine, est recueillie par un couvent au fin fond de l’Italie. À mesure qu’elle s’intègre au groupe et s’occupe des sœurs mourantes, elle observe une atmosphère étrange, qui atteint son paroxysme lorsqu’un miracle survient : bien que vierge, elle serait tombée enceinte. Concis et efficace, ce long-métrage étonne de prime abord par son scénario. |
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Bis Repetita Delphine (Louise Bourgoin) est prof de latin dans un lycée de province. Elle a cinq élèves qu’elle occupe pendant quelques heures hebdomadaires selon un contrat tacite. Contre une paix royale, la prof leur colle d’office un 19 de moyenne. Et au fond, qui pour la blâmer ? Les ennuis commencent quand sa classe est sélectionnée pour un concours d’excellence à Naples. Les cinq branleurs et leur enseignante démissionnaire vont donc devoir représenter la France à cette compétition. |
Gael Golhen | |
Averroès et Rosa Parks Quand un film en appelle un autre… et même deux (La Machine à écrire qui sortira le 17 avril). En renouant, vingt- cinq ans après La Moindre des choses, avec le thème de la psychiatrie avec Sur L’Adamant, Ours d’Or à Berlin l’an passé, Nicolas Philibert n’avait sans doute pas anticipé qu’il ne s’arrêterait pas en si bon chemin, qu’il avait tiré un fil qui allait le pousser à aller rencontrer ailleurs que sur cette péniche, offrant un cadre de soins et des ateliers culturels, des malades en souffrance psychique. |
Thierry Chèze | |
Hors-saison On a tendance à l’oublier mais avant son exploration du monde du travail avec La Loi du marché, En guerre et Un autre monde, Stéphane Brizé a commencé par parler d’amour. Dans Le Bleu des villes, son premier long en 1999, suivi de Je ne suis pas là pour être aimé, Entre adultes et Mademoiselle Chambon, qui lui a valu son seul César à ce jour. |
Thierry Chèze | |
La Beauté du geste- Danse et éternité Une thématique traverse l’essentiel des documentaires mis en scène par Xavier de Lauzanne : le long chemin de la reconstruction des sociétés marquées dans leur chair et traumatisées par les guerres. Après avoir traité de la Syrie (9 jours à Raqqa, son meilleur film) et de l’Irak (En toute liberté), il s’intéresse cette fois- ci au Cambodge par un prisme singulier : le ballet royal du Cambodge qui ayant traversé l’histoire mouvementée du pays sans jamais être démantelé ou mis en sommeil, est considéré comme un véritable socle identitaire immuables pour ses habitants. |
Thierry Chèze |