Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
THE PHOENICIAN SCHEME ★★★☆☆
De Wes Anderson
L’essentiel
Wes Anderson dérange un peu son univers pour faire de la place à des tribulations façon Tintin. À la fois amusant et étonnamment sombre.
Vous êtes lassés du cinéma de Wes Anderson ? The Phoenician pourrait bien vous réconcilier avec un réalisateur toujours aussi maniaque, mais qui prend un malin plaisir à fissurer légèrement le moule. On est en 1950 et le richissime et impitoyable industriel Anatole "Zsa-zsa" Korda (l’impeccable Benicio Del Toro), lancé dans l’ultime phase d’un projet d’infrastructure maritime et terrestre, voyage de pays en pays pour convaincre ses investisseurs de rester dans le coup, tout en tentant de renouer avec sa fille et en évitant les tueurs à gage lancés à ses trousses… Une sorte de Tintin en terres andersoniennes, où complots, tentatives d’empoisonnement et sens de l’aventure dopent le récit. Très BD, très rigolo et surtout moins bien rangé que ses deux précédents films : The Phoenician Scheme s’autorise à foutre un coup de pied dans la maison de poupées, avançant coûte que coûte en injectant des explosions et du chaos. Un film absurde sur l’absurdité d’un monde peuplé d’hommes violents et nombrilistes, grand gamins obsédés par leur pouvoir.
François Léger
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
ELSE ★★★☆☆
De Thibault Emin
Vous reprendrez bien une tranche de body horror ? Au diapason d’une nouvelle génération de cinéastes français s’interrogeant sur nos identités mutantes, Thibault Emin filme le huis-clos d’un couple menacé par une épidémie qui voit les humains fusionner avec les objets. Avec une inventivité plastique remarquable, il passe de la comédie rose bonbon au cauchemar noir et blanc, en convoquant aussi bien Gondry que Cronenberg ou Caro & Jeunet. Inédite, très risquée, miraculeusement réussie : une vraie greffe de savant fou.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéL’ULTIME BRAQUAGE ★★★☆☆
De Frederik Louis Hviid
Dans les entrailles d'un Danemark frappé par la crise financière, Frederik Louis Hviid signe un thriller inspiré du plus grand braquage de l'histoire du pays. On suit Kasper, boxeur raté aux cicatrices révélatrices, manipulé par Slimani, un cerveau criminel aussi charismatique qu’effrayant (Reda Kateb, magnétique). La mise en scène nerveuse, la photo aux teintes glaciales et les cadres de plus en plus erratiques amplifient l'atmosphère désespérée du film. Si certains personnages secondaires manquent cruellement d'épaisseur (notamment les femmes, réduites à des faire-valoir) la tension entre les deux personnages masculins suffit à tracer une ligne droite jusqu’à la résolution sanglante. Malgré un scénario qui emprunte parfois trop aux clichés du genre, L'Ultime braquage s'impose comme un polar où violence urbaine et masculinité toxique s'entrechoquent dans une spirale inexorable.
Gaël Golhen
ANOTHER END ★★★☆☆
De Piero Messina
Pour son deuxième long (dix ans après L’Attente), Piero Messina s’essaie à une dystopie dont le héros, Sal, incapable de faire son deuil de la femme de sa vie, fait appel à une nouvelle technologie qui inocule le temps de quelques jours la conscience de la personne décédée… dans le corps d’un autre. Mix entre un épisode de Black mirror et la mélancolie de Her, Another end séduit par la capacité de son auteur à trancher entre les différents genres que son récit convoque. A privilégier le mélo au fantastique à travers cette incapacité de Sal à limiter l’expérience au laps de temps prévu au point de traquer, quand elle redevient elle- même, la call- girl qui accueille l’âme de la défunte. Le minimalisme assumé de la mise en scène offre un écrin parfait à cette quête questionnant les fondements du sentiment amoureux où Gael Garcia Bernal tout en intériorité et Reinate Reinsve, impressionnante dans l’incarnation corporelle de son double rôle, forment le plus poignant des duos.
Thierry Cheze
CHIME ★★★☆☆
De Kiyosshi Kurosawa
Au Japon, un étudiant explique avoir choisi des cours de cuisine pour oublier le carillon qu’il est le seul à entendre dans sa tête. À la symétrie des fourneaux et la propreté des postes se fixe donc une résistance : l’homme appelle à l’aide par tous les moyens, tandis qu’il suscite gêne et rejet auprès de ses comparses. À la fois gaslight movie et film-contamination, Chime joue sur les peurs interne (ressentie par le protagoniste) et externe (celle qu’il procure aux autres) pour questionner l’isolation de l’individu dans la société japonaise. En partant d’une folie dont ne peut sortir son personnage et en ayant recours aux ellipses, Kiyoshi Kurosawa (décidément ultra- actif car de nouveau présent en salles le 5 juin avec Cloud) convoque les fantômes de ses films passés tout en offrant à son récit une absence de résolution terrifiante. Avec du neuf, il continue de faire comme avant : ceci s’appelle une (jolie) impasse.
Nicolas Moreno
DIPLODOCUS ★★★☆☆
De Wojtek Wawszczyk
Ca commence comme un film d’animation pour enfants très classique. Une famille de dinos, le petit qui rêve d’ailleurs et… l’écran se strie de blanc. On passe alors en live pour suivre les galères d’un dessinateur. Les histoires de son dinosaure (Diplodocus) n’ont aucune chance d’être publié. Alors il faut gommer (les aplats blancs du début). Mais Diplo échappe à l'effacement et traverse différents mondes imaginaires… Parfaitement rythmé, enchaînant les aventures avec fluidité, ce film déborde d'imagination et d'humour et ravira petits et grands.
Gaël Golhen
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE N’A PAS AIME
HOT MILK ★☆☆☆☆
De Rebecca Lenkiewicz
Sur la côte espagnole, alors qu’elle accompagne sa mère paralysée consulter un énième médecin, Sofia (Emma Mackey) rencontre l’énigmatique Ingrid (Vicky Krieps). Mais ne vous laissez pas duper par cette promesse de vagabondage en bord de mer : ce n’est pas le soleil ibérique qui confère à Hot Milk son atmosphère pesante, mais bel et bien son récit alambiqué entre idylle lesbienne et relation mère-fille. Un film davantage troublé que troublant, qui ne se déploie que sur le tard lors d’une intense scène finale.
Lucie Chiquer
Et aussi La Mitad de Ana, de Marta Nieto
Shimla, une fugue des temps modernes, de Victoria Guillomon et Johan Reboul
Les reprises Lili Marleen, de Rainer Werner Fassbinder
Monsieur Constant, de Alan Simon
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