Récit d’un amour contrarié, porté par les magnétiques Paul Mescal et Josh O’Connor, le film d’Oliver Hermanus est une méditation subtile sur l’amour et les regrets.
L’argument de The History of Sound évoque celui du Secret de Brokeback Moutain. Dans les années 1910, aux Etats-Unis, un chanteur doué de l’oreille absolue né dans une ferme du Kentucky (Paul Mescal) rencontre dans un bar de Boston un étudiant en musique (Josh O’Connor). Ensemble, ils vont bientôt partir dans les forêts de l’Est du pays, en quête de folk songs chantées par les locaux, et dont ils veulent garder la trace en les enregistrant sur des cylindres de cire. Le temps d’une trop brève saison, ils vivront une passion amoureuse, bientôt contrariée par les répercussions de la Première Guerre mondiale et les conventions sociales du temps.
Après Vivre, son beau remake du classique de Kurosawa, Oliver Hermanus s’empare de nouvelles de l’Américain Ben Shattuck pour poursuivre sa peinture sensible de vies empêchées, de regrets ravalés et de sentiments tus à jamais. Quelque chose comme une poésie de l’indicible. Quelle trace peut laisser l’amour dans nos existences quand il a à peine eu le temps de se cristalliser, quand il a été vécu en secret, demande Hermanus – en écho au travail d’ethnomusicologie de ses protagonistes, à ces chants qui se transmettent depuis la nuit des temps mais qui, s’ils n’avaient pas été gravés sur disque, n’auraient pas pu être entendus par le reste du monde.
La forme choisie pour raconter cette histoire est celle de la fresque, le film opérant des sauts dans le temps et s’étendant sur plusieurs décennies, passant de l’Amérique rurale aux églises de Rome, puis à l’Angleterre chic des cercles universitaires et mondains. Mais parce qu’il est question de choses jamais dites, de rêves enfuis, c’est une fresque sans emphase. Le ton est distancié, comme chuchoté, dans un style qui évoque la finesse de trait de James Ivory ou de Terence Davies. Hermanus n’évite pas toujours une sorte de joliesse publicitaire (dans les séquences romaines, notamment) mais il y a une vraie audace dans la construction de son film : si la première heure (celle de la quête des chants traditionnels au cœur de l’Amérique profonde) est la plus belle, c’est peut-être fait exprès : on passe ainsi la deuxième partie du film, comme le héros joué par Paul Mescal, à vivre dans le regret de ce moment magique.
Une autre audace, c’est cette façon de toujours rester à distance de l’émotion, de ne jamais s’épancher, et de travailler ainsi une sorte de mélo aux yeux secs, qui prend le risque de laisser le spectateur à la porte. Cet art de la retenue trouve un écho très fort dans la prestation contenue, hyper subtile, de Paul Mescal – qui conclut ici une sorte de trilogie informelle sur la puissance du souvenir, après Aftersun et Sans jamais nous connaître (pas grand-chose à voir en revanche avec Gladiator II). Baignant dans une lumière mélancolique, celle d’un jour magnifique qui se serait achevé trop vite, le film s’emploie à repousser le moment où l’émotion saisira son héros, adepte de la fuite en avant. Et quand celle-ci surgit, venue de très loin, comme ces chansons oubliées qui résonnent longtemps après avoir été enregistrées, alors The History of Sound vous brise – délicatement, mais très sûrement – le cœur.
The History of Sound, d’Oliver Hermanus, avec Paul Mescal, Josh O’Connor, Molly Price… Au cinéma le 14 janvier 2026.







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