Adaptations de Simenon au cinéma
Alfama Films- Yannick Casano- DR

Alors qu’Arte diffuse ce soir La Chambre bleue, retour sur 4 adaptations de Simenon qui ont connu des fortunes diverses au festival de Cannes

Equateur de Serge Gainsbourg (1983)

Sept ans après Je t’aime moi non plus, Serge Gainsbourg décide de repasser derrière la caméra en adaptant Le Coup de lune, le roman policier écrit par Georges Simenon cinquante ans plus tôt. L’histoire d’un jeune Français partant à l’aventure au Gabon où la réalité se révèle bien loin de ses rêves d’exotisme avant qu’il se retrouve au cœur d’une histoire de meurtre, suite à sa rencontre avec la tenancière d’un hôtel de Libreville. Plus Gainsbarre que Gainsbourg, le chanteur connaît alors une passe difficile tant dans sa vie personnelle (la séparation douloureuse avec Jane Birkin) que professionnelle (bien que Disque d’or, Mauvaises nouvelles des étoiles, son deuxième album reggae consécutif, a reçu un accueil peu enthousiaste). Et ce film réunissant en têtes d’affiche Francis Huster – dans un rôle prévu pour Patrick Dewaere avant qu’il ne se donne la mort - et Barbara Sukowa ne va pas arranger les choses. Présenté en compétition à Cannes, Equateur y est hué puis massacré par la critique qui le compare à sous- remake des Orgueilleux. Il réunira cependant un demi-million de spectateurs

Monsieur Hire de Patrice Leconte (1989)

Trois ans après son Prix d’interprétation pour Tenue de soirée, Michel Blanc revient en compétition sur la Croisette avec le premier rôle de composition de sa carrière : un misanthrope soupçonné d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Patrice Leconte est aux commandes de cette adaptation des Fiançailles de Monsieur Hire, écrit en 1933 par Georges Simenon et remake d’un de ses films de chevet, le Panique de Julien Duvivier avec Michel Simon, tourné en 1946. Leconte avait au départ songé à Coluche pour le rôle principal avant que celui- ci ne trouve la mort dans un accident de moto et qu’il offre donc à son complice des Bronzés, Viens chez moi, j’habite chez une copine, Ma femme s’appelle reviens et Circulez y a rien à voir un personnage marqueur de sa carrière. Celui qui modifiera le regard de la profession et lui permettra d’évoluer régulièrement loin de la pure comédie qui l’a faite roi. Il sera nommé aux César (dont le film repartira avec une seule statuette, celui du son, en dépit de ses 8 nominations) où il s’inclinera face au Philippe Noiret de La Vie est rien d’autre. Et ce après que Monsieur Hire ait réuni plus de 600 000 entrées


L’Homme de Londres de Béla Tarr (2007)

Le Hongrois Béla Tarr n’est pas le premier cinéaste étranger à s’attaquer à l’œuvre de Georges Simenon. Henry Hathaway (Le Fond de la bouteille), Phil Karlson (Les Frères Rico), Mario Landi (Le Commissaire Maigret à Pigalle), Alfred Weindenmann (Maigret fait mouche) s’y sont déjà essayé avant lui. Mais cet adepte des longs plans séquences hypnotiques a, lui, jeté son dévolu sur ce roman publié en 1934 et déjà porté à l’écran par Henri Decoin en 1943. L’intrigue met en scène le dilemme moral de l’employé d’un port se retrouvant en possession d’une mallette d’argent qui ne lui appartient pas. Et ce projet tourné à Bastia va mettre près de quatre ans à voir le jour, suite à la disparition aussi tragique que soudaine de son producteur Humbert Balsan. Adoubé par John Simenon, le fils de l’écrivain, ce film au noir et blanc sublime divise la critique entre ceux conquis son intelligence sensible et les autres qui y voient un maniérisme, source d’ennui abyssal. Le jury cannois - où L’Homme de Londres était présenté en compétition – présidé par Stephen Frears tranchera : il repartira bredouille.


La Chambre bleue de Mathieu Amalric (2014)

Dans la foulée de Tournée qui lui a valu le Prix de la mise en scène au festival de Cannes, ce n’est pas Simenon mais Stendhal que Mathieu Amalric a envie de porter à l’écran. Mais son adaptation du Rouge et le noir est lourde à monter financièrement (elle ne verra d’ailleurs jamais le jour). Et Amalric et son producteur Paulo Branco décident alors de se lancer dans une aventure plus simple et rapide à mettre en œuvre. Amalric opte pour un de ses romans préférés de Simenon, cette Chambre bleue écrite cinquante ans plus tôt. Une œuvre alors libre de droits alors que, par le passé, Maurice Pialat, André Téchiné ou encore Claude Chabrol (avec Gérard Depardieu dans le rôle central) avaient essayé de la porter à l’écran. L’histoire d’un homme accusé de la mort suspecte de son épouse qui, au court de son interrogatoire, va évoquer sa relation adultère avec une amie d’enfance que la vie a remis sur sa route. Amalric tient le rôle central de son intrigue qu’il écrit avec Stéphanie Cléau (sa compagne d’alors), qui interprètera sa maîtresse à l’écran. Et dans cette idée d’un film tourné vite et sans peu de moyens (une équipe réduite à 15 personnes, 1 million d’euros de budget), Amalric choisit de transposer l’intrigue à notre époque, s’évitant ainsi tout souci de reconstitution. Sous influence revendiquée de Nightfall de Jacques Tourneur, Un si doux visage d’Otto Preminger et La Femme d’à côté de François Truffaut, La Chambre bleue décroche une sélection dans la section Un Certain Regard où il reçoit un accueil enthousiaste. Le travail d’adaptation d’Amalric et Stéphanie Cléau sera l’année suivante récompensé par une nomination aux César