What Richard Did

Ce portrait d’un ado « idéal » qu’un geste transforme en monstre atteint de suffocants pics d’intensité. Mais trop d’ellipses en brident l’impact

Cette réalisation irlandaise est un film initiatique coup de poing et une poignante surprise.

Dans ce film convaincant inspiré du roman Bad Day in Blackrock, de Kevin Power, ainsi que de la vie des jeunes acteurs, le réalisateur du remarqué Garage (2007) montre qu’il en va des catastrophes individuelles comme des désastres collectifs : on en perçoit rarement les signes avant-coureurs, et on ne sait jamais comment en affronter les conséquences.

Richard (Jack Reynor, ici avec Lorraine Pilkington) est un garçon sans histoire, jusqu'à ce que sa brutalité soit à l'origine d'une sale histoire. Sur une trame proche du Paranoid Park de Gus Van Sant, la confirmation du talent de Lenny Abrahamson découvert avec Garage.

Lenny Abrahamson se penche intelligemment sur la loyauté, la culpabilité, le remords, ces sentiments qui arrachent l'enfance avec les dents.

Du climat anxiogène de « We need to talk about Kevin » à la descente aux enfers de « La Chasse », il règne dans ce drame tout ce qu’on a pu trouver de plus réussi dans les meilleurs thrillers psychologiques de ces dernières années. Avec, en prime, Lars Mikkelsen, le frère de Mads, dans le rôle du père. Pour savoir ce que Richard a fait, allez le voir !

Portrait incisif d’une jeunesse irlandaise rayonnante de perfection jusqu’au dérapage dans la monstruosité...

Le film possède autant de qualités que de défauts : l'intensité du jeu des comédiens compense quelques facilités d'écriture (une trajectoire scénaristique trop programmatique).

« What Richard Did » s’inscrit dans la lignée de « Boy A » (de John Crowley), sorti il y a quatre ans, autre plongée intime au cœur d’une culpabilité aliénante, portée par la révélation d’un acteur ultraprometteur. C’est ici la limite du film, trop sage et ténu, qui se repose beaucoup sur la présence du jeune Jack Reynor.

Inspiré par un authentique fait divers, un film très tenu, au risque d'une certaine raideur.

Quand Richard commet l’irréparable, le tempo change et le film montre les affres de la culpabilité dans une seconde partie sensible mais trop étirée. La question de l’identité est abordée avec finesse.

Dans What Richard Did, le pathétique est roi. Mais, sans poésie, il laisse froid.

Devant What Richard Did, on se demande en fait si cet adolescent, comme l’idiot de Garage, comme les junkies d’Adam & Paul (2004), ne sont pas pour Lenny Abrahamson que des prétextes pour observer le monde avec une froide distance, une désagréable supériorité et un réalisme scolaire, comme on observe des poissons dans un bocal. Espérons que ce troisième long n’est qu’un accident.