Toutes les critiques de Le silence de Lorna

Les critiques de Première

  1. Première
    par Stéphanie Lamôme

    Si le cinéma des Dardenne est à ce point poignant, c’est qu’il allie à sa puissance physique perpétuellement en marche une assise morale qui le transcende à chaque plan. Pour narrer ce terrible drame de l’immigration sur fond de trafic de papiers et d’êtres humains, les cinéastes belges ont choisi une mise en scène plus ample. Du super-16 mm, ils passent au 35 mm. La caméra, moins mobile, se détache du dos des personnages pour prendre du recul sur l’histoire. Ce que l’on perd en urgence, on le gagne en scénographie. Mais le pouls est toujours là, calé sur le cœur de Lorna et sur la foi jamais désavouée des Dardenne dans les voies impénétrables du pardon.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Les les frères dardenne décortiquent méthodiquement l'inhumanité de nos sociétés mercantiles. Soutenu par une mise en scène efficace et l'intensité d'interprétation d'un formidable duo d'acteur (Jéremie Renier et Arta Dobroshi), ce récit éprouvant a séduit le festival de Cannes (Prix du Scénario), une habitude.Entre son petit boulot et son petit appartement, Lorna, une jeune albanaise, discute de la façon dont elle va se séparer de son « mari », un junkie paumé. Une fois devenue belge, elle pourra, à son tour, monnayer sa nouvelle nationalité en épousant un russe, avant d'ouvrir avec Sokol, son (vrai) amoureux, un petit commerce. Lorna semble avoir le sens des affaires pour assurer sa survie mais a-t-elle les épaules pour supporter cet odieux ballet ?L'argent, drogue en liquideDes billets échangés au guichet d'une banque posent d'emblée l'élément principal : l'argent. Donné, imposé, repris, rarement partagé, il lie chacun des protagonistes et détermine des rapports de pouvoir, de subordination ou d'humiliation. Omniprésent, il conditionne tout, circule sans arrêt des uns aux autres et entraîne la compromission. Lorna, en bas de cette triste chaîne, réalise peu à peu combien il symbolise sa déchéance morale et la nécessitée de s'en affranchir. Les rapports convergent autour de cette idée d'une société monétarisée qui hiérarchise, aliène et oblige à des comportements qui ne correspondent pas à la nature des individus. Ainsi mis en scène, l'argent liquide s'apparente à la drogue qui irrigue un corps malade : il maintient en vie de manière illusoire mais pourrit de l'intérieur une société déjà bien gangrénée.Des corps éprouvés...Un drogué, un russe, une albanaise, de l'argent et un meurtre... Le silence de Lorna, malgré des éléments de film noir, continue de creuser le sillon du réalisme social cher aux les frères dardenne. Certes, leur univers, âpre et tendu, est toujours un peu le même à la différence près que la caméra, cette fois, reste inhabituellement statique. Si elle observe plus qu'elle ne poursuit les personnages, elle parvient pourtant, grâce au jeu physique de Jérémie Renier, excellent en drogué perdu, et à celui, plus retenu et intériorisé, d'Arta Dobroshi, à capter la tension qui parcourt ces corps éprouvés. Lorna, comme l'indique le titre, est d'abord contrainte de garder le silence et de contenir ses émotions. Avant le moment charnière qui scinde le récit en deux parties distinctes, les scènes ont tendance à s'étirer, parfois jusqu'au malaise. Ainsi, pénètre-t-on parfaitement dans l'univers sordide de la jeune femme, obligée de se comporter en machine froide pour intégrer un monde qui ne fait pas de sentiment....et déshumanisésElle accepte ce rôle pour, enfin, appartenir à une société susceptible de lui offrir un meilleur avenir. Mais que de contraintes, de silence morbide et d'oubli de soi pour devenir cette « autre » qui aura le droit à ses papiers et donc à sa légitimité. Le coût de ce droit à exister ici et maintenant en devient d'ailleurs à peine supportable. Quand la bulle éclate dans une saine libération physique pleine de rage, d'amour et de désespoir contenus, le moment est beau et émouvant. Et dans son immédiat prolongement, une ellipse inattendue achève de nous déstabiliser. Ce parti-pris narratif se justifie pleinement car il permet au spectateur d'intégrer et de ressentir, presque physiquement, le basculement psychologique de l'héroïne et l'insupportable vide qui s'ouvre devant elle. Cette magnifique construction témoigne du talent des Dardenne à agencer des éléments d'une affreuse banalité sans que leur dramatisation ne paraisse artificielle et justifie, à elle seule, le déplacement dans une salle de cinéma. Un univers sombre, une société folle qui court à sa perte, des héros fatigués... et si vous vous trompiez de salle en allant voir Batman ?A défaut de faire rêver, ce beau film éprouvant illustre de façon pertinente l'inhumaine absurdité d'une société malade. Je dis, argent, trop cherTrop grandLa vie n'a pas de prix(...)Prends ton meilleur amiFais-en un ennemiJe t'achète et je te vendsVautré dans le comaDu commun des mortelsMon pote, t'es comme un ratT'es commun, c'est mortel Paroles de Jean-Louis Aubert, Téléphone, 1980 "Au coeur de la nuit" Le Silence de LornaDe jean-pierre dardenne et Luc DardenneAvec Jérémie Rénier, Arta Dobroshi, Fabrizio RongioneSortie en salles le 27 août 2008 Illus. © Diaphana Films  - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire les fils festival de cannes, sélection officielle sur le blog cinéma- Lire les critiques de L'enfant, Rosetta, Le Fils

  2. Pariscope
    par Virginie Gaucher

    Rigueur, dépouillement, noirceur, et quelques éclats bouleversants de lumière sont les caractéristiques du Prix du scénario du festival de Cannes 2008 : Lorna (sublime Arta Dobroshi), est la petite sœur du Jérémie Rénier (ici intense et poignant) de « L’enfant », prête à tout pour s’en sortir, y compris au crime. Partant d’une réalité sociale -les trafics d’êtres humains- et de son processus, le film introduit à petites touches, quelques grains de sable bienvenus, des sentiments, de la chair et peint une rédemption puissante et lumineuse, passant par la rébellion des corps. Lorna la dure, la blindée, la docile, gagne sa liberté, retranchée dans une sombre forêt, réchauffée à un fantasme. Dépouillée de tout, exceptée de son humanité.

  3. Le JDD
    par Danielle Attali

    Tourné à Liège, Le silence de Lorna révèle une puissance émotionnelle qui va crescendo. Face à Darta Dobroshi, une révélation, Jérémie Rénier se montre impeccable en homme perdu et drogué. Les deux cinéastes belges signent une fable sociale, poignante et emblématique de leur cinéma plein d'humanité mais sans pathos. Leur mise en scène sans fioritures explore au plus près les tourments d'une jeune femme dévorée par la culpabilité et soucieuse de rédemption. Une superbe et déchirante histoire d'amour, un grand film qui a fait du bruit dans nos coeurs.

  4. Télé 7 jours
    par Viviane PESCHEUX

    Si la manière de filmer des frères Dardenne a quelque peu changé, elle enregistre toujours la même réalité de l'horreur économique, ici le drame de l'immigration, avec une implacable fluidité et une extrême simplicité. Et quand le duo cinéaste, à mi-chemin de son film, ose une incroyable rupture, le spectateur n'a rien vu venir, rivé qu'il est au visage et au corps de Lorna. Magistralement construit, ce conte social a obtenu le prix du scénario à Cannes.