Squid Game le défi
Netflix

Faut-il se lancer dans la télé-réalité qui vient de débuter et qui singe de manière sordide la cinglante série coréenne ? Ou la cause du divertissement justifie-t-elle n'importe quoi ?

Et ? Vous seriez prêt à quoi pour 4,56 millions de dollars ? C'est avec ce postulat bien pratique que débarque le jeu Squid Game, lancé sur Netflix ce mardi. Un prémisse finalement applicable à n'importe quelle télé-réalité, un genre qui s'est construit - dès Big Brother ou Loft Story - sur cette idée que les gens sont prêts à faire n'importe quoi devant une caméra pour un quart d'heure de gloire et un peu d'argent... Là, on leur demande de faire semblant de mourir, dans un fac-similé de Battle Royal, où tous les coups sont permis, surtout ceux prévus par la production. La somme à la clé est colossale (5 millions d'euros, ça change une vie) et justifie tous les coups bas possibles, à capturer sous tous les angles, pour mieux montrer aux abonnés les aspects les plus vils de l'Humanité. Vous avez dit malaise ?



CONTRE

Moralement sordide

Squid Game : le défi provoque indéniablement une forme de gêne. Il y a un inconfort moral évident à regarder 456 candidats courir vers une poupée géante, la peur au ventre, dans une variante coréenne de "Un, deux, trois soleil". Surtout qu'à chaque fois qu'un candidat est éliminé, une capsule de simili-hémoglobine - qui lui a été collée sur la poitrine au préalable - explose sous son t-shirt, reproduisant l'impact d'une balle. Et pour accentuer la chose, la production a eu la bonne idée de demander à tous les perdants de s'écouler au sol, comme une mort en direct ! Oui, c'est malsain. Quand on sait que l'idée derrière Squid Game, la série, était de dénoncer la perversité de la société du divertissement ou la manipulation des moins fortunés, il y a comme un paradoxe glauque à dévorer du pop-corn devant des sacrifiés de la vie réelle...

Squid Game
Netflix

POUR

Spectaculairement mis en scène

Mais il ne sert à rien de jouer les spectateurs effarouchés. L'émission existe, et on l'a regardée. Et il faut lui reconnaître, malgré son cynisme, de vraies qualités. Notamment dans la mise en scène. Squid Game : le défi a été produite avec une ambition impressionnante. Chaque décor de la série a été reproduit à l'identique, avec de nombreux détails. Les jeux sont (presque) tous les mêmes et sont d'une intensité folle, offrant une base d'affrontement spectaculaire entre candidats... qu'on attend comme on attend sur TF1 les épreuves d'immunité dans Koh-Lanta.

CONTRE

Narrativement confus

Sauf que dans Koh-Lanta, il y a (le plus souvent) deux équipes, les jaunes et les rouges. Les règles sont claires. La première team à franchir la ligne gagne l'épreuve. Point final. Dans Squid Game : le défi, il y a 456 candidats sur la ligne de départ. Soit 456 équipes. Et on n'en a pas vu la moitié ! Dans un chaos improbable, ils se sont tous élancés sans qu'on comprenne qui était qui. La première épreuve du premier épisode fut, en cela, une déception. De manière visiblement aléatoire (à la tête du client ?), la production a éliminé 250 pauvres bougres en 20 minutes d'émission, au terme d'un "Un, deux, trois soleil" particulièrement confus.

Squid Game : le défi
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POUR

Solidement incarné

Ceci étant dit, il restait quand même 200 candidats après ça. Dont quelques personnalités marquantes. Trey et sa maman par exemple, pourraient parfaitement être des personnages de la saison 2 de la série. Bryton, le terrible numéro 432, fait un parfait vilain, à la fois cinglant et imbu de lui-même (mais une méchanceté justifiée par une enfance douloureuse...). Et puis il y a les gentils ("le gang Gganbu" emmené par le vétéran de l'émission), les rebelles, les vicieux... La galerie est complète.

CONTRE

Bêtement radical

Mais une galerie qui a du mal à tenir sur la durée, en raison du concept de base : les éliminations s'enchaînent à vitesse grand-V. Et si la production tente bien de faire ressortir telle ou telle figure parmi la masse, elle ne peut rien quand ce personnage casse son biscuit lors de l'épreuve Dalgona... Autant, dans Koh-Lanta, il est toujours possible d'imaginer une île annexe pour repêcher les candidats qu'on veut garder. Autant, là, l'élimination est brutale. Inexorable. Dans ces conditions, il est presque impossible de s'attacher à qui que ce soit dans cette télé-réalité qui ne nous en laisse simplement pas le temps.

Squid Game : le défi
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POUR

Sociologiquement carcéral

Heureusement pour Squid Game : le défi, le jeu est plus fort que ceux qui y jouent. Le décorum se suffit à lui-même. Les épreuves, certes. Mais aussi ce dortoir gigantesque, où les candidats passent le plus clair de leur temps. Un loft glacial, aux lignes brutes, au mobilier sommaire, baigné d'une froide lumière blanche. Ambiance prison assumée, rehaussée par les numéros attribués à chaque joueur et qui font d'ailleurs souvent office de patronyme. Dans cette salle immense, on ne peut pas vraiment se cacher. Pas d'intimité. Comme dans la cour d'un Pénitencier à l'heure de la promenade quotidienne, chacun sur son lit superposé toise l'autre, d'un bout à l'autre de la pièce. Les clans se forment. Par affinité. Par défaut. Et les alliances du jour ne sont pas la vérité du lendemain. De trahison en coups bas, les éliminations internes (hors des épreuves) ont des airs de coups de poinçons assénés entre détenus au moment d'aller à la douche. Une atmosphère carcérale absolument fascinante, qui ressort naturellement, encore plus que dans la série fictionnelle.

CONTRE

Malheureusement trop américain

On regrettera que les participants soient presque tous issus des Etats-Unis. Comble de l'injure, il n'y a même pas un Sud-Coréen au casting. Si l'on comprend bien la nécessité de parler impeccablement la langue de Shakespeare, Squid Game : le défi nous était présentée au départ comme une compétition internationale, avec un casting venu des quatre coins de la planète. Mais hormis un Italien et une Anglaise ici ou là, le jeu se limite à un affrontement entre Etats de l'Oncle Sam, insistant même parfois sur l'opposition entre ceux issus de l'Amérique profonde, ayant une revanche à prendre sur ceux de l'Amérique des côtes... Voilà qui limite la possibilité de s'identifier aux candidats pour le reste du monde.

Squid Game : le défi
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BILAN

Finalement divertissant ?

Au bout du compte, Squid Game : le défi s'effondre quelque peu sur lui-même. D'épisode en épisode, le concept anarchiste et tellement incorrect finit par s'étioler. Et l'émission rentre dans le rang, pour se muer en un pur programme de télé-réalité, quelque part entre OzSecret Story et Koh-Lanta. C'est parfois fascinant, parfois agaçant, souvent hypnotisant. Les personnages en font des tonnes, parce que les caméras tournent et que chacun sait, désormais, ce qu'il peut tirer d'une telle exposition médiatique. Le jeu Squid Game et toutes les réflexions philosophiques qui vont avec sont broyés à la moulinette du divertissement. En attendant la saison 2 de la série.

QUAND SERONT DIFFUSÉS LES DERNIERS ÉPISODES DE SQUID GAME : LE DÉFI ?

La saison 1 compte 10 épisodes en tout. Une première salve de 5 épisodes a été mise en ligne le 22 nombre. 4 nouveaux épisodes seront visibles le 29 novembre. Le grand final est prévu le 6 décembre.