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Glen Milner / Glen Milner / © 2023 20th Century Studios. All Rights Reserved.

Le réalisateur de Rogue One s’embarque dans une belle odyssée de science-fiction, mais qui ne parvient pas au niveau de ses modèles.

Comment se détacher de ce qu’on connaît pour juger ce que l’on voit ? Est-ce que c’est seulement possible ? C’est peut-être l’interrogation à laquelle nous invite The Creator, au fond. On aimerait bien pouvoir qualifier le nouveau film de Gareth Edwards d’énorme baffe, de révolution dans le domaine de la SF au cinéma, d’odyssée surexcitante et visionnaire, mais le résultat est difficilement séparable de ses sources : c’est un film beau et soigné, très joliment designé, d’accord, mais si vous avez déjà vu les évangiles SF les plus canoniques, et bien… The Creator n’offre rien de bien neuf comparé aux derniers grands films de SF comme Blade Runner 2049, Alita : Battle Angel, Ghost in the Shell, étaient de grands films en partie parce qu’ils dialoguaient de façon passionnante avec les images originales (et les sons, dans le cas de Blade Runner) dont ils étaient originaires -leur propre code source, en somme. Ils ne voulaient pas passer pour des révolutions, car ils ne le pouvaient même pas.

Dans The Creator, nous sommes en 2070 et des poussières : la révolte des intelligences artificielles incarnées dans des corps robotiques a dégénéré jusqu’au conflit nucléaire (rasant Los Angeles au passage), et divisant le monde en deux. D’un côté, l’Occident intolérant mené par des USA militaristes, de l’autre une Nouvelle-Asie plus ouverte qui considère les robots comme des êtres pensants au même titre que les humains. Joshua, un ancien des forces spéciales, effectue une mission dangereuse au nom de l’Amérique : trouver le créateur des IA afin de mettre un terme au conflit pour de bon. C’est Terminator 2, Akira et Avatar (big up à Allison Janney, la Quaritch locale) et Rogue One et Chappie plein d’autres dans un seul film ; le film nous pousse constamment à reconnaître ce qui a déjà été fait avant, sans en faire un enjeu de cinéma en soi. Blade Runner 2049, Ghost in the Shell et Alita ne parlaient que de cela : de réplicants, de copies numériques et analogiques, de souvenirs copiés et revécus, de traumas en boucle, en se demandant si l’enveloppe contenait une âme ? Comment expliquer l’émotion atroce qui nous saisit lorsque Joi l’hologramme disparaît brutalement ? Quand Alita la cyborg se rappelle des massacres qu’elle a commis ? Quand le Major découvrait qu’elle n’était pas Scarlett Johansson mais un cadavre reconditionné ?

On en fait trop ? Et si on essayait un peu de revenir au film : Gareth Edwards se donne plutôt comme enjeu de faire enfin le blockbuster de science-fiction dont Monsters était le blueprint -soit l’histoire d’un homme et d’une femme à la lisière de la fin du monde. On retrouvera sans surprise dans The Creator les mêmes scènes et les mêmes enjeux que dans Godzilla, Rogue One. Sans spoiler, c’est dans son dernier tiers (plutôt excitant) que The Creator accomplira le mieux sa mission d’auto-référencement. Visuellement, c’est parfois très beau, la direction artistique jouant au maximum de l’alliance entre réel et numérique nous venge de la décennie Marvel en montrant que les SFX rincés sur fonds verts composés par des artistes lessivés et sous-payés ne sont pas une fatalité (le film, qui a coûté trois fois moins cher qu’un épisode du MCU, pourrait bien être un game changer à Hollywood côté effets spéciaux). De notre côté, il restera certainement du film une très belle image : les cibles laser projetées sur le sol par NOMAD, le grand méchant du film, une station volante qui fait pleuvoir le feu sur les ennemis de l’Amérique. C’est à chacune de ses apparitions que The Creator touche du doigt ce qu’il voudrait être tout le temps, et qu’il n’est pas : un nouveau mythe de cinéma.