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Cinq ans après le premier volet, Spider-Man revient tisser sa toile dans une suite spectaculaire et émouvante, boostée par un travail d’orfèvre sur l’animation.

Première diffusion pour Across the Spider-Verse, en ce vendredi soir sur Canal+. La soirée blockbuster de la chaîne cryptée vaut le coup d'oeil : voici notre critique coup de coeur du film d'animation, entrecoupée d'interviews de ses créateurs.

Le multiverse. Cette nouvelle narrative est venue, pour le meilleur comme pour le pire, irriguer le cinéma américain de ces dernières années. Récemment popularisée par Marvel avec Doctor Strange : In The Multiverse of Madness, ce concept a évolué pour devenir un phénomène avec le succès d’Everything Everywhere All At Once, bonbon pop de la maison A24 qui a raflé l’Oscar du meilleur film en début d’année, ouvrant la porte à un nouveau cinéma plus décomplexé à Hollywood. En 2023, comment réussir à réinventer ce concept déjà périmé ? Rien de plus simple : il faut aller voir près du cinéma d’animation, qui, contrairement aux prises de vues réelles, permet de multiplier les possibilités, d’enrichir la narration et de prendre des risques considérables, à condition que le travail sur l’animation lui-même soit à la hauteur des ambitions.

En 2018, Spider-Man : New Generation était l’un des premiers films à explorer cette idée. Le résultat était déjà prodigieux, traversé par un génie provenant aussi bien des comics que du manga, ne se contentant pas d’être un simple “film d’animation”. Imaginer une suite à ce petit chef d'œuvre était donc risqué. Mais au bout du compte, le risque finit (très) souvent par payer. Car Across the Spider-Verse est une petite merveille d’animation, qui va bien au-delà de ses ambitions de simple suite pour aller puiser dans un scénario d’une richesse incomparable, aidé par une multiplication de coups de théâtres tous plus bluffants les uns que les autres. Cette suite ne se contente pas d’être un divertissement calibré pour les plus jeunes, elle est aussi un véritable exutoire émotionnel. Miles Morales, ce Spider-Man adolescent fils de parents afro-américains et latinos, rentre enfin dans la force de l’âge, et cherche logiquement son indépendance. Face à lui, Gwen Stacy, connue sous le nom de Spider-Gwen, adolescente elle aussi en recherche d’indépendance, doit sauver l’univers au côté d’une équipe de super Spider-Men venus de différentes branches du multiverse.

Spider-Man : Across the Spider-Verse : “Spider-Man est un personnage qui appartient à son public”

La grande force du film réside dans la peinture qui est faite de ses héros : loin des poncifs, chaque enfant, adolescent et adulte pourra se reconnaître dans le personnage de Miles Morales, cet enfant des rues de New York qui cherche à s’épanouir loin du domicile familial. On ne peut dès lors qu’être ému lorsque notre jeune héros se retrouve face à sa mère, inquiète pour son fils, vue comme une figure de sagesse et rappelant la description faite par Romain Gary dans La Promesse de l’Aube : “Elle avait des yeux où il faisait si bon vivre que je n'ai jamais su où aller depuis”, elle aussi montrant un regard rassurant dans lequel Miles finit par se perdre instantanément, le ramenant dès lors à son enfance. Le père, à côté, est l’incarnation d’un idéal, bien plus concentré sur sa personne mais nourri d’une sagesse équivoque à celle de la mère, cherchant à gravir les échelons face aux pressions qui accompagnent sa profession de flic New-Yorkais.

Derrière cette idée, le duo de scénaristes Phil Lord et Chris Miller réussit à construire une aventure excitante, sur laquelle ils s’efforcent d’étendre la représentation : un Spider-Man indien, un Spider-Man punk, une Spider-Woman agissant avec un casque de réalité virtuel, ou bien même un Spider-Man papa, vu à travers la figure de Peter Parker, lui aussi émouvant, tentant de raisonner Miles Morales face aux dangers du multiverse. Mais l’une des plus grandes forces du film réside avant tout dans sa représentation du mal. Le bad guy n’est ici jamais vu comme une menace concrète, du moins pas réellement au départ : c’est un “ennemi du dimanche” comme l’indique Miles, avant qu’il ne révèle sa véritable nature au beau milieu du film. On n’en dira pas plus.

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Afin de servir cette richesse narrative, le travail sur l’animation fournit un appui fabuleux. Tous les styles d’animations sont ici explorés, du côté pop des comics d’origine jusqu’à des styles plus modernes, moins immobiles. Seul point noir au tableau de cette aventure, qu’on qualifiera ici d’effet “Dune” : la suspension de l’action à un moment fatidique, alors que l’aventure s’apprêtait à ressurgir de nouveau, avant d’être finalement laissé de côté pour permettre de séparer le film en deux parties. On pardonne cette maladresse, et on reste patient avant la deuxième partie du film, prévue pour 2024.

Bande-annonce :


Qui sont les héritiers de Spider-Man : New Generation ?