Mélanie Laurent
Berzane Nasser/ABACA

Canal + diffusera ce soir le premier film américain réalisé par Mélanie Laurent.

Avec sa cinquième réalisation, Mélanie Laurent pose sa caméra aux Etats- Unis et raconte la cavale de deux écorchés vifs – une jeune prostituée et un petit gangster – dans le Texas des années 80. Récit de sa première expérience américaine.

Comment se retrouve-t-on à réaliser son premier long métrage aux Etats- Unis ?

Mélanie Laurent : Je le dois d’abord à mes nouveaux agents américains qui ont décidé de s’occuper plus spécifiquement de ma carrière de réalisatrice sur place. Concrètement, ils ont donc montré Respire et Plonger à des producteurs pour provoquer des rencontres. Et depuis, je reçois régulièrement des scénarios à porter à l’écran. Des propositions directes ou des castings à passer comme pour les acteurs. Et ce dans tous les genres, aussi bien pour des blockbusters que pour des films indépendants. Et je me suis vite rendu compte que ces producteurs se moquent de savoir si tes films ont marché dans ton pays. Seul compte la vision qu’ils ont pu y repérer et qu’ils ont envie de te voir développer parfois dans un univers radicalement différent.

En quoi consistent précisément ces castings ?

Pour les films indépendants, il s’agit le plus souvent d’un échange avec le producteur. Mais avec les gros studios, on change d’échelle et je suis bien contente d’avoir fait option cinéma au Bac ! (rires) Car on te demande alors une note d’intention, un story-board, un mini-film résumant tes références voire une bande annonce du projet ! Jusqu’à une ultime étape en mode grand oral devant les responsables du studio : une présentation où tu parles une heure sans interruption. Où, à l’inverse de notre culture française, il faut prouver et clamer que tu es la seule et l’unique à pouvoir mettre en scène cette histoire-là. C’est une école absolument incroyable. Même avoir vécu avec un scénario pendant plusieurs mois sans pouvoir au final le tourner peut se révéler très frustrant

Comment s’est passée votre arrivée sur Galveston ?

Le scénario de Nic Pizzolatto tranchait avec ceux des films indépendants que j’avais reçus jusqu’ici et qui ressemblaient trop à Respire. Or quitte à tourner aux Etats-Unis je voulais profiter de cette opportunité pour changer de style. Et avec Galveston, se profilait un univers que je n’aurais pu écrire moi- même. Une plongée dans des décors, des lumières et un road- trip 100% américains qu’on a toujours rêvé pouvoir explorer un jour avec mon chef opérateur Arnaud Potier. A partir de là, j’ai longuement échangé par téléphone avec le producteur Tyler Davidson. Sur ma vision sur cette histoire et mes références. Et j’étais vraiment heureuse quand il m’en a confié les rênes.

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Les expériences américaines ont souvent tourné au cauchemar pour des réalisateurs français. Le redoutiez- vous ?

J’avais énormément d’appréhension avant de me lancer. Mettre en scène un film situé au Texas dans les années 80 et écrit par le créateur de True detective a quelque chose de forcément vertigineux. D’autant plus que je suis loin de parler un anglais parfait alors qu’il allait falloir être au taquet 12 heures par jour ! Voilà pourquoi, très en amont, j’ai demandé à ce qu’on m’explique toutes les règles dans le détail. Ce que j’aurai le droit de faire, à qui j’aurai le droit de parler. Pour qu’une fois sur le plateau, je n’aie aucune mauvaise surprise en m’organisant en fonction de ces impératifs.

Sauf qu’aux Etats- Unis, contrairement à la France, le producteur est roi. Avez-vous bénéficié cependant d’espaces de liberté ?

Oui et ce dès le départ où j’ai expliqué  que j’avais besoin de modifier le personnage de la jeune prostituée - pour l’éloigner de ce côté purement baby doll qui l’enfermait dans un rôle de petit appât sexy du récit - et de le confier à Elle Fanning. Et mes deux vœux ont été exaucés. Mais je dois cette liberté au petit budget de ce film et à la nécessité absolue de faire des coupes dans son scénario pour tenir le rythme de 7 à 8 séquences par jour. Sans compter que, comme réalisatrice européenne vivant sa première expérience sur place, je n’aurais pu arriver à mes fins sans le soutien indéfectible de mes deux acteurs, Elle et Ben Foster qui ont adhéré à ma logique de simplification.

Mais ils n’étaient pas présents sur la table de montage où on imagine que là le producteur se fait plus pressant ?

Oui et pour une raison très basique : c’est lui qui a le final cut. Alors on a chacun monté notre version de notre côté. Et il a donc fallu négocier. A plusieurs reprises, j’ai cru que j’allais perdre le film mais au final j’ai vraiment fait celui que je voulais.

Galveston de Mélanie Laurent, au cinéma le 10 octobre.