Affiches Films à l'affiche semaine du 11 juin 2025
Nour Films/ Universal/ Pan Distribution

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
LIFE OF CHUCK ★★★★★

De Mike Flanagan

L’essentiel

Mike Flanagan délaisse l'horreur pour signer son film le plus émouvant. Une réflexion sur la vie ordinaire qui se révèle extraordinaire, portée par un Tom Hiddleston méconnaissable.

Chuck Krantz danse sur un trottoir de banlieue américaine. Autour de lui, le monde s'effrite – la Californie n'a plus d'électricité, les routes se fissurent, Internet rend l'âme. Mais Chuck danse, et soudain tout s'illumine. Voilà bien du Mike Flanagan : transformer l'apocalypse en épiphanie, faire du désespoir un tremplin vers la grâce. Avec Life of Chuck, le maître de l'horreur contemporaine (Haunting of Hill HouseDoctor Sleep) opère un virage radical qui n'en est pas vraiment un. Car derrière les jumpscares de ses précédents films se cachait déjà cette obsession : comment survivre à la conscience de notre mort ? Stephen King avait exploré ce thème en écrivant cette nouvelle il y a quelques années, Flanagan l'a magnifiquement traduit à l'écran. Le film joue cartes sur table dès son ouverture. Mystique, étrange, fantastique, il est structuré en trois actes, en ordre chronologique inversé, qui ne prendront sens qu'à la fin. Et avec une grâce et une ambition folles, Flanagan livre ici une version grand public des délires mentaux de Charlie Kaufman ; un La Vie est belle pour temps d'apocalypse. Dans une période où le cinéma mainstream semble avoir renoncé à nous émouvoir vraiment, Life of Chuck fait figure d'ovni salvateur.

Gaël Golhen

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

SISTER MIDNIGHT ★★★★☆

De Karan Kandhari

Après ses compatriotes Payal Kapadia (All we imagine as light) et Sandhya Suri (Santosh ), Karan Kandhari raconte à son tour une histoire de femme indienne refusant de se soumettre aux diktats d’une société patriarcale. Et signe le plus azimuté de ce trio bien que partant d’un sujet qui se prête à tout sauf au divertissement : le mariage arrangé. En l’occurrence celui de Uma débarquant à Mumbai pour vivre avec un homme qu’elle ne connaît pas et aussi peu préparé que lui à la vie en couple. Sauf qu’Uma, incapable de tenir un foyer comme la tradition l’exige, n’a absolument rien d’une victime passive qui se lamente sur son sort. Elle jure comme un charretier, s’affronte à son mari, affiche clairement sa frustration sexuelle... Si bien que ses pulsions vont peu à peu la métamorphoser en créature horrifique. A mille lieux du film sociétal, Sister midnight se révèle manifeste punk, dopé à la comédie burlesque. Un hymne trépidant au girl power.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A AIME

DRAGONS ★★★☆☆

De Dean DeBlois

Dès les premières minutes, on se demande pourquoi Dean DeBlois a voulu transposer en live-action son propre chef-d'œuvre animé de 2010. L'émerveillement du premier Dragons, sa poésie visuelle et ses embardées miyazakiennes se sont diluées dans cette adaptation photoréaliste qui reproduit mécaniquement l'original. Mason Thames et Nico Parker font de leur mieux, mais ils évoluent dans un carcan trop rigide pour pouvoir briller et s'approprier les rôles de Harold et Astrid. Reste Gerard Butler plus imposant, et surtout plus menaçant et tendre que dans l'original. Et si les dragons sont magnifiques, il ne reste au fond qu'un gros film d'aventure, parfois excitant, souvent décevant, qui copie un peu moins bien son modèle sans jamais justifier sa propre existence. Un remake consciencieux mais dépourvu d'âme qui ne réussit pas son envol.

Pierre Lunn

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INDOMPTABLES ★★★☆☆

De Thomas Ngijol

Le deuxième film réalisé en solo par Thomas Ngijol est l’adaptation en fiction d’un docu réalisé en 1995 par Mosco Levi Boucault, Un crime à Abidjan. On y suivait dans la mégapole ivoirienne une enquête criminelle menée par le commissaire Kouassi aux méthodes violentes et la dérive d’une jeunesse ravagée par la drogue. Ngijol part donc sur des traces déjà foulées, dans un monde transposé ici à Yaoundé au Cameroun mais dont les débordements de vie et de mort forment un même chaos. Il prend lui-même en charge l’incarnation de l’(anti-)héros auquel il adjoint une dimension intime. A l’enquête et ses ravages, Ngijol entend surtout dresser le portrait d’un père de famille tout aussi abrasif dans son rapport à ses enfants. La violence n’est pas vécue par l’intéressé comme le vecteur d’une distanciation mais le catalyseur propre à empêcher la dissimulation et donc d’installer la confiance propre à la compréhension. Cette brutalité à priori insoutenable, ni le cinéaste ni l’acteur ne cherchent à la contourner ni à l’embrasser. Elle est là, dans l’air d’un film toujours à bonne distance de son sujet.

Thomas Baurez

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LE RENDEZ- VOUS DE L’ETE ★★★☆☆

De Valentine Cadic

Le titre aurait pu être celui d’un film de Rohmer. Et l’ombre jamais écrasante de l’homme des Contes des quatre saisons plane sur ce Rendez- vous de l’été. Ce même regard singulier sur la jeunesse, cette même capacité à embrasser un espace connu de tous – en l’occurrence ici Paris – et ne nous le faire redécouvrir à travers les yeux d’une héroïne et de sa manière de l’apprivoiser. Cette héroïne s’appelle Blandine. Elle est venue de Normandie pour assister aux JO et retrouver une demi- sœur perdue de vue depuis 20 ans. Habituée au calme et à la solitude, rien dans cette ville bouillonnante ne semble compatible avec cette trentenaire. Mais ce premier long raconte pourtant l’histoire de sa métamorphose. En douceur. A son rythme comme si de rien n’était, elle fera fi des vents contraires et osera se perdre, provoquer des rencontres pour devenir maîtresse de son destin. Un film au charme désarmant qui révèle une comédienne d’une grâce inouïe : Blandine Madec.

Thierry Cheze

CRASSE ★★★☆☆

De Luna Carmoon

Nul ne guérit jamais de son enfance, chantait Ferrat. Et rien ne saurait illustrer mieux ce premier long de Luna Carmoon qui s’inscrit dans les pas de ses compatriotes Charlotte Wells (Aftersun) et Charlotte Regan (Scrapper) qui, comme elle, ont mise en scène des petites filles aux prises avec des parents peu fiables. Sa Maria a grandi dans le Londres des années 80 avec une mère aimante mais souffrant d’un syndrome qui la fait entasser dans leur appartement des monceaux de détritus collectés dans les rues. Une enfance traumatisante mais enfouie dans un coin de sa ma mémoire jusqu’à ses 18 ans où débarque dans sa famille d’accueil, un trentenaire, ex enfant placé, qui va tout faire remonter à la surface. Ce pitch peut avoir un air de déjà vu mais outre la composition saisissante de Saura Lightfoot- Leon, c’est par sa mise en scène sensorielle créant une réalité altérée venant brouiller le réalisme des situations que Luna Carmoon épate. Un film fort sur la résilience.

Thierry Cheze

A NORMAL FAMILY ★★★☆☆

De Hur Jin- Ho

A part les liens du sang, plus rien ne rapproche Jae- wan et Jae- gyu. Deux frères. L’un avocat matérialiste obsédé par l’appât du gain, l’autre chirurgien idéaliste confronté au quotidien aux injustices de la société coréenne qu’il tente de corriger. Chacun de leurs dîners, avec leurs épouses, tourne à l’affrontement à fleurets mouchetés exprimant leur mépris l’un pour l’autre. Jusqu’au jour où leurs enfants adolescents se retrouvent impliqués dans un fait divers ultra- violent. Et où, pour les sauver d’une condamnation certaine, le sens de la morale de chacun va se trouver bouleversé. Dominée par un climat de tension permanente, cette adaptation du Dîner du néerlandais Kees Prins séduit par sa manière de bousculer nos certitudes de spectateurs et par son portrait au vitriol d’une jeunesse insauvable, capable de toutes les bassesses car certaine que leurs parents leur sauveront la mise. Une satire sociale grinçante qui déconstruit le mythe de la famille comme cocon protecteur. 

Thierry Cheze

A NEW OLD PLAY ★★★☆☆

De Qiu Jiongjiong

Ce (très) long métrage chinois retrace sur près de trois heures l’itinéraire d’un acteur du Théâtre du Sichuan dont la particularité séculaire est marquée par le changement rapide des masques des comédiens sur scène. Pour son premier long-métrage de fiction Qiu Jiongjiong, jusqu’ici connu pour son travail documentaire, s’inspire directement de la figure de son grand-père et assume le parti pris baroque de sa mise en scène. Le récit divisé en tableaux intégralement réalisés en studio, joue à plein la sidération par les effets-cinéma des premiers âges. Tout ici n’est que décors apparents, maquillages outrés, jeux incessants de lumières et d’ombres. L’action débute par deux messagers qui se rendent chez un grand acteur-clown pour l’accompagner vers sa dernière demeure. L’occasion de remonter un temps où se dessine les mutations souvent brutales de l’Histoire chinoise d’un XXème siècle tourmentée. Impressionnant.

Thomas Baurez

LES MOTS QU’ELLES EURENT UN JOUR ★★★☆☆

De Raphaël Pillosio

Les images sont là. Visages de femmes en noir et blanc. Chacune a dans le regard la puissance de l’insoumission. Le son, lui, manque. En fait de son, c’est précisément la parole qui créait du vide. Ce que nous voyons date de 1962, toutes ces femmes sont principalement des Algériennes fraîchement libérées des prisons françaises. Militantes pour l’indépendance de leur pays, les autorités les avaient donc muselées. Le réalisateur Yann Le Masson, farouchement opposé aux guerres coloniales avait alors décidé de les filmer à leur sortie. Plus de 50 ans après, la bande son manquante prive à nouveau ces protagonistes de leur droit à exprimer leur révolte. Avec ce film-enquête, Raphael Pilloso part à la recherche des mots disparus. Un voyage qui l’emmène en Algérie à la rencontre de ces femmes dont l’identité est parfois floue, la mémoire fragilisée par les aléas du temps quand ce ne sont pas les corps qui se sont définitivement effacés. Puissant.

Thomas Baurez

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

D’ABDUL A LEILA ★★☆☆☆

De Leila Albayaty

L’exil, le père, l’identité irakienne, les racines : tant de sujets qui font de ce film une expérimentation bordélique, en miroir des errances de cette réalisatrice à la mémoire fragmentée par l’amnésie. Malgré une créativité débordante et une vulnérabilité évidente, difficile de ne pas se perdre dans le geste artistique de cette femme meurtrie. En éparpillant ses dessins, ses chansons, ses névroses, et ses souvenirs pour mieux creuser dans son passé, c’est le spectateur qu’elle finit par oublier.

Lucie Chiquer

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

DIFFERENTE ★☆☆☆☆

De Lola Doillon

Une première séquence nous montre la découverte angoissée de l’open-space dans lequel Katia (Jehnny Beth), journaliste d’un magazine de société, doit désormais travailler. Lola Doillon (Et toi t’es sur qui ?) parvient d’abord habilement à faire ressentir son trouble dont on ne mesure pas encore la réelle portée (Katia va bientôt apprendre qu’elle est autiste) mais dont on peut aisément partager l’inconfort. Le film pourrait dès lors s’envisager comme une critique d’un monde ultra-normé où la volonté de transparence et de partage rend paradoxalement opaque les relations pour peu que l’on soit différent. Ce qu’il cherche à être sans vraiment y parvenir. En posant assez vite un diagnostic sur le mal-être de son héroïne, Différente devient, en effet, soudainement scolaire et programmatique comme s’il fallait uniquement illustrer par le scénario ce décalage à défaut d’en saisir la portée physique et organique par les autres outils du cinéma. Dommage.

Thomas Baurez

 

Et aussi                                                                                   

Vacances forcées, de Stéphan Archinard et François Prévôt-Leygonie