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Crisis in Six Scenes est plus un téléfilm, maladroit sans être totalement dénué de charme.

Lorsque Woody Allen s'est engagé avec Amazon, pour réaliser sa toute première série, il venait de signer deux beaux succès sur grand écran, avec Blue Jasmine (Oscar de la Meilleure actrice pour Cate Blanchett) et Magic in the Moonlight (porté par Emma Stone). Puis il a tourné L'homme irrationnel (avec Joaquin Phoenix) et Café Society (présenté à Cannes cette année). Et la série ?

La presse US flingue Woody Allen et sa première série pour Amazon

"Je fais ça entre mes films. Ce n'est pas comme ci je prenais une année, sans faire aucun film, pour faire ce travail pour Amazon", confiait Woody Allen, l'an dernier, sur la Croisette (cité par Deadline). "C'est un job qui se rajoute à mon calendrier. Et je dois reconnaître que je ne suis pas aussi bon que ce que j'ai pu fantasmer..." À demi-mot, Woody Allen l'avouait déjà : il n'a pas vraiment pris le temps de se consacrer à sa première oeuvre télévisuelle. Résultat : Crisis in Six Scenes est un téléfilm en six parties, qui se classera certainement parmi les objets oubliables du cinéaste.

L'histoire nous emmène dans le New York des années 1960. Sidney J. Munsinger est un écrivain raté, qui vit des royalties de son seul succès. Avec sa femme, Kay, qui fait dans la thérapie de couple, ils vivent une vie paisible de banlieusards. Mais alors que la Guerre du Vietnam fait rage et que l'Amérique se déchire, une jeune contestataire hippie va faire irruption dans leur vie. Recherchée pour avoir fait sauter une bombe, Lennie Dale, veut changer le monde et bouleverser l'ordre établi de la société consumériste made in USA. Aidée par Kay, qui embrasse les mêmes valeurs révolutionnaires, la jolie blonde va se cacher chez les Munsinger, au grand dam de Sidney, qui n'a aucune envie d'être impliqué dans ces histoires...

Toujours aussi doué pour mettre en scène ses angoisses existentielles, Woody Allen ouvre sa première série par une mise en abîme éloquente : Sidney se résout à écrire une sitcom pour la télé, loin, bien loin de ses ambitions profondes d'écrivain. Ce n'est pas très glorieux, mais ça paye bien. Voilà comment le cinéaste explique, en quelques minutes, son rapport à son nouveau projet,. Woody Allen n'a pas vraiment goûté l'expérience du petit écran, et il nous le fait savoir (pas très subtilement d'ailleurs), jusqu'à la toute dernière scène.

Comment réussissent les cinéastes qui passent aux séries télé ?

"C'est très compliqué pour moi. Je galère et je galère (...) Je regrette chaque seconde depuis que j'ai signé pour faire cette série !", se désolait le réalisateur new-yorkais, il y a un an. Effectivement, on voit bien que Woody Allen n'a pas trop su comment appréhender son nouveau canevas télévisuel. Se moquant totalement des codes du genre, il a donc simplement tourné un film, découpé en six parties. Crisis in Six Scenes se regarde en deux petites heures. Et mieux vaut tout regarder d'affilée, tant les épisodes n'ont absolument aucune valeur séparément. L'histoire de ce gentil drama contestataire se déroule sans cliffhanger et sans climax intermédiaires, et ressemble d'ailleurs plus à une pièce de théâtre - avec son final chorale façon comédie de boulevard - qu'à une série télé.

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Ceci étant dit, le tableau d'époque n'est pas totalement raté pour autant. Il se dégage de ce bric-à-brac politico-intellectuel un charme désuet enjôleur. Il faut se laisser porter par l'ambiance rétro des décors, des costumes, et les dialogues d'une douce ringardise, tantôt navrants, tantôt hilarants. Si Miley Cyrus peine à trouver sa place dans cet univers et si l'histoire patine franchement à mi-parcours, Crisis in Six Scenes recèle suffisamment de plaisirs familiers (si vous avez aimé Le Sortilège du scorpion de jade ou Anything Else par exemple), pour qu'on aille jusqu'au bout de cet inoffensif bazar social.

"J'étais un peu trop confiant, voire arrogant. Je pensais que ce serait comme d'écrire un film... un film en six parties. Mais en fait pas du tout !" résumait Woody Allen. Effectivement, il y a eu erreur sur le marchandise. On espère désormais que le réalisateur aura suffisamment d'audace pour retenter sa chance sur le petit écran, en sachant, cette fois, ce qu'est une série télé.