Marianne Netflix
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Le créateur et réalisateur de la série d'horreur de Netflix nous raconte comment il a imaginé sa sorcière qui fait tellement peur...

Il fallait l'inventer, cette vieille femme possédée au regard insoutenable, qui va filer un paquet de cauchemars aux abonnés de Netflix ! C'est Samuel Bodin, scénariste et réalisateur, qui se cache derrière Marianne. Il nous raconte d'où vient la terrible sorcière à l'origine de la première série d'horreur française de Netflix, et comment il a abordé ce genre si particulier...

Marianne : Attention, ça fait vraiment peur ! (critique)

Les gens qui vous connaissent pour la comédie Lazy Company vont avoir une drôle de surprise en découvrant Marianne, non ?
Samuel Bodin : Oui c'est différent. Après, il y a un ton, un style de dialogues qu'on retrouve, mais ce n'est pas le même genre d'histoire, ça c'est certain !

Qu'est-ce qui vous a branché dans le fait de passer au genre horrifique ?
Je n'ai pas tellement voulu faire de l'horreur... C'est l'histoire qui m'a emmenée vers ce genre-là. Cette histoire, c'est l'une des plus personnelles que j'avais en réserve. J'avais envie de l'explorer et j'avais envie qu'elle fasse peur. Mais l'épouvante, c'est un genre auquel j'avais envie de m'attaquer depuis longtemps. Sauf que je me suis toujours dit que pour faire un bon film d'épouvante, il ne faut pas le faire trop jeune. Sinon on ne réalise qu'un fantasme et on balance tout devant la caméra. Mais quand on m'a approché pour faire une fiction de télévision alors je me suis dis que j'avais le droit. J'ai sauté sur l'occasion. 

D'autant que c'est un genre très tendance, depuis quelques années !
Moi c'est depuis les années 80, depuis que j'ai vu Shining ou L'Exorciste ou du Carpenter, que j'ai eu envie de raconter ces histoires-là. Après, en tant que spectateur, j'ai adoré voir le genre revenir en force, avec des manières et des budgets différents, par exemple chez Blumhouse ou James Wan ou avec It Follows ou Hérédité plus récemment.



Il y a un genre que vous préférez dans l'horreur ? Du gore ? Ou plutôt de l'angoisse d'ambiance ?
C'est vrai que le style "torture-flick", à la Saw, c'est moins mon truc. Mais c'est difficile de tout catégoriser. Dans le genre horreur, je peux aussi beaucoup me marrer devant le côté burlesque du Evil Dead de Sam Raimi par exemple... Après, ce qui m'impressionne le plus, en tant que spectateur, c'est une terreur blanche à la Shining. Ne pas avoir besoin de faire sursauter les gens. Avoir une terreur qui est symbolique en soi. Mais en même temps, je suis aussi un fan de Conjuring, quand James Wan signe une horreur ludique, où on bondit au plafond.

Et The Haunting of Hill House sur Netflix, qui avait cartonné l'an dernier, vous aviez regardé ?
Oui je l'ai vu, et ça m'avait beaucoup plu. Notamment parce que c'est rare de l'horreur en série, qui ne soit pas une anthologie, épisode par épisode, comme Les Contes de la Crypte. Quand j'ai vu Hill House, je me suis dit : "Chouette, on prend enfin les fantômes comme dans Le Tour d'Ecrou d'Henri James". On reprend les grandes histoires. Parce que c'est un grand drame familial cette série. Et visuellement, il (Mike Flanagan) est très fort quand même ! Il y en a peu des séries comme ça et je crois que c'est aussi bien finalement. 

Comment est-ce que vous expliquez cet attrait pour l'horreur ? Il y a une sorte de fascination morbide derrière ça ?
Je ne sais pas si c'est une fascination morbide... Mais dans les années 80 et 90, on a exploré le genre dans les extrêmes. Des "slashers" jusqu'à la parodie en passant par les "tortures-flicks". Il y a un moment où on s'est dit qu'on avait tout vu. Et il a fallu que quelqu'un revienne pour dire qu'on pouvait encore s'amuser à se faire peur, avec des histoires qu'on avait déjà vu 50 fois. Le public attendait en fait de retrouver de bonnes histoires d'horreur. Quand James Wan a sorti son Insidious, j'ai eu la sensation de remonter à bord d'un bon vieux train fantôme. Et on arrive aujourd'hui à des oeuvres très originales, des expériences filmiques.

Parlons de Marianne. Comment est-elle née ? Elle vous est venue en rêve aussi ?
En vrai, oui, c'est ça (rires) L'auteur du film It Follows raconte qu'il s'est inspiré d'un rêve qu'il faisait quand il était adolescent et moi c'était la même chose. C'est un rêve récurrent que j'ai fait pendant un an et demi. Je rêvais qu'une sorcière, qui n'avait pas de nom, me courrait après. La seule chose, c'est que si je lui demandais son nom, elle devait le dire. Si je lui demandais de partir, elle devait le faire. Ce n'était pas très effrayant en soi, mais ça m'a hanté pendant un certain temps et ça s'est arrêté quand j'ai commencé à regarder des films d'horreur. Donc j'avais envie d'écrire une histoire là-dessus depuis longtemps. Et puis aussi, j'avais envie d'écrire une série de femmes. Pas une héroïne qui soit une mère, avec une famille à défendre. Et je voulais qu'elle affronte une femme. Et puis finalement, je voulais que ça parle d'amitié et du pardon dans l'amitié plus précisément. C'est un peu le scénario secret qu'il y a derrière Marianne...

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Vous avez aussi cette manière de raconter chaque épisode comme un chapitre de roman. On tourne les pages, on revient sur des pages précédentes etc... Parlez-nous de cette approche originale.
J'aime les livres, en général. D'horreur évidemment, mais pas que. J'ai toujours l'impression que les histoires d'horreur les plus fortes sont dans les bouquins. Parce que c'est directement lié à l'imaginaire. J'avais envie de rendre hommage aux livres et de penser la saison comme un bouquin. De penser le rythme des épisodes différemment. Et d'ailleurs, si on fait une saison 2, on ouvrira un autre livre. La deuxième chose qui fait que j'ai eu envie de parler littérature, c'est l'idée du discours rapporté. L'histoire fait peur parce qu'on me la raconte, ce n'est pas ma voix. Et d'ailleurs, j'aurais aimé faire plus de discours rapporté, qu'il y ait plus de voix off...

Et puis il y a Mireille Herbstmeyer, qui est fabuleuse en vieille dame possédée. Comment avez-vous pensé à elle pour le casting ? Et surtout, comment vous l'avez dirigée ?
À l'écriture, je me suis vraiment régalé à faire parler ce personnage, et on a très vite compris, avec mon producteur, qu'il allait être crucial de caster rapidement Madame Daugeron, pour savoir la couleur que ça allait prendre. Mon directeur de casting m'a proposée Mireille. On l'a rencontré. Et ensuite j'ai beaucoup insisté avec elle pour que ce soit ludique. Plus elle s'amusait, plus ça allait faire peur. Après, je lui ai dit de me faire confiance, pour savoir quand ça irait trop loin, ou pas assez. Une fois qu'elle s'est mise le personnage dans la poche, elle m'a mené par le bout du nez ! Mais le moindre sourire, le moindre regard, ce sont des choses qu'on a minutieusement travaillé. C'est une chorégraphie du visage millimétrée. Un peu comme si son visage ne lui appartenait plus. On a beaucoup discuté ensemble et ce n'est pas juste : "Vas-y, fais un personnage fou, fonce !"

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D'une manière générale, comment est-ce que vous avez abordé votre manière de filmer l'horreur ? Il n'y pas de gore à proprement parlé dans Marianne, mais pas mal d'images choquantes...
C'est toujours l'histoire qui fixe un peu le niveau d'horreur dont elle a besoin. Parfois, on se demande si on ne va pas trop loin, si on ne perd pas le spectateur. Mais je crois que la peur, elle se trouve aussi à la frontière de l'ennui. C'est quand le spectateur commence à se détendre, qu'on doit le ressaisir subitement. Donc j'ai abordé ça séquence par séquence. Après, dans le ton général, moi je voulais de l'épouvante, mais pas quelque chose de gore. Mais il fallait qu'on y aille quand même et qu'on soit généreux là-dedans. Je ne voulais pas étouffer les gens avec du signifiant. Je voulais que ce soit vraiment fantastique. Qu'il y ait une vraie sorcière, qu'elle veuille faire peur et qu'elle nous fasse sursauter ! J'ai voulu m'éloigner de la réalité. Avoir une violence qui ne soit pas sociétale. J'aime bien cette notion de créer une petite bulle à neige, loin de tout réalisme, dans laquelle mon histoire prend vie.

D'ailleurs, juste pour être sûr : la ville d'Elden n'existe pas ? C'est un faux village breton ?
Effectivement, c'est plus ou moins censé être en Bretagne, mais effectivement, cette ville n'existe pas. Un peu comme le village d'Asterix ou comme la ville des Gremlins (rires) J'aime l'idée d'avoir des endroits qui n'appartiennent qu'à la fiction. Alors oui, c'est en France, quelque part... aux vues du décor on se dit que c'est certainement en Bretagne... mais elle n'existe que dans la fiction.

Marianne, saison 1 - 8 épisodes - Sur Netflix dès le vendredi 13 septembre.