La fin originale de Get Out était déprimante
Universal Pictures

Le réalisateur Jordan Peele est revenu sur l’issue originale des tourments de Chris, jeune homme au prisme avec une métaphore du racisme. Attention spoiler !

En 2017, Jordan Peele signait son premier long-métrage, Get Out, thriller à la limite de l’horrifique qui utilisait l’héritage du body horror pour parler du racisme systémique faisant loi aux Etats-Unis (et ailleurs). Daniel Kaluuya, que l’on a retrouvé dans Nope du même réalisateur en 2022, y campait Chris, jeune afro-américain, très inquiet – il s’en confie à son ami Rod (Lil Rel Howery) – à l’idée de rencontrer les parents blancs de sa petite-amie, Rose Armitage (Allison Williams), riches bourgeois de l’Upstate New-York.

Si vous ne l'avez pas vu, arrêtez ici votre lecture : ce serait dommage de gâcher les -bonnes- surprises de cette histoire bien ficelée.

Alors que ce week-end pastoral suit son cours, le jeune photographe à l'impression que quelque chose cloche, jusqu’à ce qu’il se rende compte que le couple Armitage, respectivement neurochirurgien et hypnothérapeute, enlève de jeunes afro-américains rabattus par leur fille pour implanter dans leurs corps le cerveau de riches blancs sur le déclin.

Chris est leur prochaine victime. Qu’adviendra-t-il de lui ? S’en sortira, s’en sortira pas ? C’est tout l’enjeu de Get Out.

La fin originale de Get Out était déprimante
Universal Pictures

Son corps et son esprit malmenés, le jeune homme parvient à s’échapper en tuant ses beaux-parents. Cependant, lorsqu’il a l’occasion d’étrangler Rose, sa conscience le freine et il l’épargne. Au loin, on aperçoit alors les gyrophares d’une voiture de police. Au moment où celle-ci arrive sur la scène du massacre, dont Chris, recouvert de sang, est le seul survivant, on se dit que le jeune homme est cuit, qu'il va se faire embarquer et accuser de meurtre, alors qu’il n’est coupable que de légitime défense. Pire, on entrevoit déjà un fait divers sordide, une scène de bavure policière où il se ferait éliminer par les hommes de loi...

Surprise et soulagement, c’est son ami Rod qui sort du véhicule. Inquiet face au silence de son ami, celui-ci a décidé de venir voir ce qui se tramait sur la propriété des Armitage. Chris est donc libre de partir. Les spectateurs peuvent pousser un "ouf" de soulagement.

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Une fin qui donne de l’espoir, donc. Certes, Chris risque de rester traumatisé par toute cette expérience, mais il s'en est sorti ! Pourtant, ce n’est pas de cette façon que Jordan Peele avait prévu de finir son premier film. Collider rapporte que la première fin tournée était la suivante : un vrai policier sort de la voiture et arrêter Chris. En prison, le jeune homme clame son innocence, mais personne ne le croit.

Dans cette fin alternative, il est aussi visité par Rod, qui lui demande plus d’informations sur les pratiques des Armitage pensant pouvoir mettre un terme à un organisation qui ne se cantonne sûrement pas à cette petite bourgade, mais Chris refuse de préciser les détails de son traumatisme : pour lui, l’important est qu’il a réussi à stopper les agissements de Rose et de sa famille.

Au lieu de gripper les rouages d’un racisme systématique et systémique, le personnage principal lui-même se serait fondu dans le moule. Pas très optimiste.

La fin originale de Get Out était déprimante
Universal Pictures

Jordan Peele aurait même pu aller plus loin. Dans un épisode du podcast Talking With Chris Hardwick, le réalisateur de quarante-cinq ans revient sur les autres fins envisagées à l’écriture du scénario, qui, elles, n’ont pas été tournées. Par exemple, il y a celle où Rod, sans nouvelles de son ami, serait allé mener l’enquête lui-même sur la propriété des Armitage. Apercevant Chris derrière une fenêtre, il lui aurait fait signe, mais celui-ci lui aurait répondu d’un ton anormalement calme : “Je vous assure que je ne sais pas de quoi vous parlez”.

Lugubre, cette ligne de dialogue fait référence à une scène du film durant laquelle l’un des personnages fait semblant de ne pas se souvenir que son “hôte”, réveillé par un flash, a agressé Chris, l'exhortant de sauver sa peau. Cela voudrait dire que l’esprit de Chris aurait véritablement été chassé de son corps au profit d’un autre.

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Malgré toutes ces options, Jordan Peele a préféré une fin plutôt optimiste. La raison ? Il ne voulait pas accabler le spectateur et le personnage, déjà éprouvés par la violence du film. Le producteur Sean McKrittick confie à Vulture qu’après avoir montré la conclusion originale, “c’était comme si on avait donné un coup de poing à tout le monde. On pouvait sentir que tout le monde retenait sa respiration, choqué”.

Le contexte fait aussi beaucoup pour un film qui, sensé sortir sous la présidence de Barack Obama, a finalement été diffusé sous le règne trumpiste, durant lequel les violences policières étaient quotidiennes, et donc, à un moment où tout le monde, et plus particulièrement la communauté afro-américaine, avait besoin d’espoir.

Depuis Get Out, Jordan Peele n’a pas cessé de dénoncer le système raciste hérité de la ségrégation, dans Us, Nope, mais aussi dans les films qu’il produit, comme le BlacKKKlansman de Spike Lee.

Dans un autre registre, Jordan Peele produit le premier long-métrage de Dev Patel, Monkey Man, qui sortira le 17 avril au cinéma.

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