Eva Green dans Dark Shadows (2012)
Warner Bros

La comédienne revient sur leurs trois collaborations alors que W9 rediffuse Miss Peregrine et les enfants particuliers.

Eva Green a tourné à trois reprises sous la direction de Tim Burton : pour Dark Shadows (2012),  Miss Peregrine et les enfants particuliers (2016) et Dumbo (2019). Cette année-là, elle racontait ces expériences dans Première.

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Avant de travailler avec lui, quel rapport aviez- vous avec le cinéma de Tim Burton ?

Eva Green : Dans mon adolescence, j’ai regardé énormément de ses films. J’avais un penchant tout particulier pour Edward aux mains d’argent car ado, on s’identifie forcément très fort à ce personnage trop différent pour s’intégrer dans la société. Mais mon préféré restait malgré tout Beetlejuice. Pour l’atmosphère barrée mais traversée par une fragilité permanente créée par Tim. Pour la liberté de jeu inouïe de Michael Keaton.

Comment vous êtes vous retrouvée devant sa caméra pour Dark shadows ?

Très honnêtement, je n’avais même jamais osé rêver travailler avec lui. Et puis un jour, alors que je venais de terminer le tournage de la série Camelot, on m’a appelée pour me dire qu’il souhaitait me rencontrer. J’étais d’une humeur assez noire ce jour- là et si j’y suis bien entendu allée, c’était sans le moindre espoir. J’étais certaine que ça n’allait servir à rien. Il faut savoir que Tim ne fait pas passer d’essais. Il s’agit juste d’une discussion en face à face. Elle a dû durer 10 minutes en tout et pour tour, lui agitant les bras dans tous les sens et moi regardant par terre. Deux façons totalement opposées d’exprimer notre timidité. Je suis repartie de là totalement perplexe, même si de sa toute petite voix, il m’a demandé s’il pouvait me donner son scénario. Je n’avais strictement aucune idée de pourquoi il avait pu penser à moi pour ce personnage aussi exubérant qui m’évoquait spontanément ceux de La Famille Addams. J’ai certes eu droit à un deuxième rendez- vous mais là encore de 10 minutes, pas plus. Imaginez donc ma surprise quand il m’a finalement choisie et ce sans passer la moindre audition, ce qui n’arrive pratiquement jamais. D’ailleurs, chaque jour du tournage ou presque, je pensais qu’il allait me remplacer…

Comment avez- vous travaillé avec lui ?

De mon côté, je m’étais plongée dans le catalogue de l’expo qui lui avait été consacrée à la MOMA. Tim est quelqu'un de très "visuel". Ce personnage d’Angélique m’évoquait spontanément Bette Davis, le Jack Nicholson de Shining ou une chanson de Janis Joplin : une femme totalement malade d’amour, dont le cœur brisé l’a poussé à se métamorphoser au fil des siècles. Donc, pour échanger avec lui, je suis passée par les images et les dessins que j'avais réunis. Pour la scène d’amour avec Johnny (Depp), je lui ai par exemple montré des sculptures de Camille Claudel. Toutes les discussions ont en tout cas lieu lors de la phase de la préparation et tous les éventuels problèmes sont donc réglés en amont. Puis, une fois sur le plateau, sa grande capacité d'écoute vous ôte cette peur du ridicule toujours paralysante… et qui va à l’encontre du personnage qu’il vous a confié. Car on était ici plus proche du cinéma expressionniste allemand que du réalisme de Twilight. Il m’a poussée à aller beaucoup plus loin que je ne l’aurais fait spontanément, à oser en faire trop. Au point qu'on a pratiquement écrit la fin du film ensemble…


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A la fin de Dark shadows, il vous avait confié son envie de retravailler avec vous ?

Non, on ne l’avait jamais évoqué. Jusqu’à ce qu’un jour, alors que je tournais Penny Dreadful, je reçoive un coup de fil de lui. Il m’a simplement dit qu’il avait l’idée d’adapter Miss Peregrine et les enfants particuliers et avait pensé à moi pour le rôle titre. « Je t’envoie le livre mais si ça ne t’intéresse pas, c’est pas grave ! », avait- il ajouté. J’ai dévoré ce roman de Ransom Riggs quand je l’ai reçu et je lui ai tout de suite dit oui. C’est drôle car Tim surnommait ce personnage « Scary Poppins » alors que pour moi, cette gouvernante n’a absolument rien d’effrayant. Elle veut simplement ne pas exposer au danger les enfants placés sous sa protection et, pour cela, a besoin d’imposer des règles strictes et de les faire respecter

Quel a été lé défi avec ce rôle ?

Travailler mon accent anglais afin d'avoir la diction la plus rapide possible. Car ce récit est pour elle une course contre le temps. Le moindre retard est synonyme de danger pour les enfants. C’est cette pression qui la rend aussi rigoureuse qu'excentrique. Ce n’est pas Scary Poppins mais Speedy Poppins ! (rires)


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Comment avez- vous réagi quand Tim Burton vous a proposé de vous retrouver une troisième fois avec Dumbo ?

C’est un dessin animé qui m’a beaucoup marqué enfant. Je me souviens avoir beaucoup pleuré devant la séparation entre cette mère éléphant et son petit. Et, pour moi, Tim était l’homme parfait pour porter cette histoire- là à l’écran. Il comprend comme personne le cœur des incompris, il sait les célébrer en rajoutant sa propre magie, mélange parfait d’humour et d’émotion. Après, il aime me donner des challenges. Et me confier le rôle d’une trapéziste alors que j’ai le vertige en est un, je peux vous assurer ! (rires) J’ai longtemps eu la sensation de ne jamais pouvoir arriver à décoller mais j’ai été bien entourée et j’ai finalement réussi à vaincre ma peur du vide

Est- ce que comme lors de votre première collaboration avec lui, vous aviez encore peur qu’il vous remplace une fois qu’il vous avait engagée ?

Tim est un cas à part. Il est doté d’un esprit de famille et aime retrouver les mêmes comédiens et techniciens. C’est son armure en quelque sorte ! On vit d’ailleurs ses tournages dans une bulle protectrice que je n’ai jamais rencontrée ailleurs. Après, mon personnage dans Dumbo est moins tourmenté qu’à l’accoutumée donc quelque part beaucoup plus simple à jouer. Donc j’ai pu être plus sereine. (rires) Mais il ne faut jamais oublier que Tim ne verbalise jamais les choses. Il faut en permanence avoir des antennes pour comprendre ce qu’il souhaite et le transformer en quelque chose de haut en couleur.


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