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Commençons par une question capitale. Comment ça se prononce, Michôd ? A la française ?Exactement. Ma famille habitait en France il y une centaine d’années de ça. Je crois d’ailleurs qu’à l’époque notre nom s’écrivait « Michaud ». C’est devenu « Michôd » au fil du temps, mais ça se prononce toujours de la même façon…Après un succès aussi retentissant que celui d’Animal Kingdom, beaucoup de réalisateurs auraient quitté leur Australie natale pour aller tourner leur film suivant aux Etats-Unis. Pas vous. C’est par fidélité à votre pays ou juste parce que vous n’avez pas trouvé un projet suffisamment satisfaisant pour faire le grand saut ?A vrai dire, la question n’était pas vraiment tourner, ni même quoi raconter, mais comment s’y prendre. Je voulais avoir un contrôle total sur mon deuxième film et, malgré les opportunités incroyables qu’on m’offrait à Hollywood, j’ai vite compris que, là-bas, je ne pourrais pas maîtriser le processus de A à Z. J’ai préféré bosser sur mon propre scénario.Vous avez co-écrit le sujet de The Rover avec l’acteur Joel Edgerton, qui jouait dans Animal Kingdom. Comment l’idée a-t-elle germé exactement ?En fait, à la base, Joel et moi voulions écrire un film pour son frère Nash, qui est réalisateur. Le point de départ était simple : « des bagnoles, dans le désert ». Aussi basique que ça. Comme Nash est également cascadeur, on se disait que c’était parfait pour lui. On a écrit un squelette d’histoire avec Joel puis je me suis isolé pour rédiger une première version du script. Et très vite, j’ai compris que je n’avais plus aucune envie de refiler le bébé à Nash !Quand on est Australien et qu’on tourne un road-movie post-apocalyptique dans le désert, on se mesure qu’on le veuille ou non à Mad Max. Comment avez-vous composé avec cet héritage ?Mad Max, c’est l’astre autour duquel gravite toute l’histoire du cinéma australien. C’est un film qui a pris le monde par surprise, qui a démontré les choses exceptionnelles qu’on pouvait accomplir avec un budget limité, qui était irrigué par un amour immense du cinéma américain mais dont l’identité australienne transpirait en même temps à chaque scène. Comment s’y mesurer ? A ce stade, la seule solution est de ne pas y penser. Du tout. Je sais que The Rover se rattache à différentes traditions – le road-movie, la science-fiction, le western – mais j’avais surtout envie qu’il ait l’air totalement neuf, inédit.Je crois savoir que vous aviez déjà Guy Pearce en tête au moment de l’écriture…Oui, en grande partie parce que j’avais adoré notre collaboration sur Animal Kingdom. Guy est suprêmement doué, c’est le genre d’acteur qui donne à son metteur en scène l’impression d’être un virtuose en train de jouer sur le plus beau piano du monde. Les notes que tu produis sont magiques ! Je recherchais aussi un homme d’une quarantaine d’années, ni trop jeune ni trop vieux, quelqu’un d’un abord dur et dangereux mais dont on perçoit que la froideur dissimule une grande vulnérabilité. Et Guy fait ça à la perfection.Et Pattinson ?Rob, je l’ai rencontré une première fois avant même de savoir que j’allais tourner The Rover. Il fait partie des 400 000 personnes que j’ai rencontrées à Los Angeles quand Animal Kingdom est sorti là-bas ! (rires). Je ne savais rien de lui, je n’avais pas vu les Twilight– toujours pas, d’ailleurs – mais certains de mes amis m’avaient dit que c’était un type intéressant. J’ai été séduit par son intelligence, son énergie, mais ce jour-là, j’ai surtout été frappé par son visage. Je pensais que j’allais tomber sur un de ces minets à la beauté fade mais sa gueule est fascinante, totalement atypique. Ensuite, quand on a commencé le casting de The Rover, j’ai vu défiler pas mal d’acteurs, dont certains très célèbres, mais Rob a livré des essais superbes, très émouvants. Et il avait très envie de faire le film, ça se voyait. C’était important à mes yeux.The Rover est le genre de film brutal et écrasé par le soleil dont on imagine que le tournage a été éprouvant…C’était le cas. En grande partie parce qu’on tournait dans des lieux très isolés, sous une chaleur extrême. Ça montait jusqu’à 45°. Le grand moment, ça a été quand on a installé notre campement dans un bled loin de tout, à huit heures au nord d’Adélaïde. Pas de réseau pour les portables, pas de connexion Internet, une seule ligne de téléphone pour tout le village. On a passé trois semaines là-bas à devenir gentiment dingues…On retrouve dans The Rover l’excellent Scoot McNairy, qui jouait dans Cogan, le film de votre compatriote Andrew Dominik. Il y a vraiment une « Australian connection » à Hollywood ou c’est juste un fantasme de journaliste ?Non, non, elle existe. C’est vrai que tous les amis que je me fais ces jours-ci à Los Angeles se trouvent être australiens… Andrew, j’ai d’abord été fan de lui, je considère L’Assassinat de Jesse James comme le plus grand film des vingt dernières années. On est amis, maintenant. Et j’ai effectivement rencontré Scoot sur le tournage de Cogan à la Nouvelle-Orléans.C’est aussi grâce à Dominik que vous avez rencontré Brad Pitt (avec qui Michôd va tourner The Operators, sur la guerre d’Afghanistan) ?Oui et non. Je l’ai croisé très brièvement sur le set de Cogan, mais j’étais déjà en conversation avec Plan B (la boîte de prod de Pitt) à ce moment-là. The Operators a fini par le séduire. Je ne sais pas quoi en conclure, à part que Brad doit avoir un faible pour les réalisateurs australiens ! (Rires)Vous avez jeté un œil à la sélection cannoise ? Quel film vous excite le plus sur le papier ?Excellente question… à laquelle j’aurais mieux fait de réfléchir avant. (Silence) Ah si, je sais ! Foxcatcher ! La rumeur dit que c’est extraordinaire. Et j’adore le boulot de Greig Fraser, un chef op’ de génie. C’est lui qui a éclairé Cogan. Encore un Australien…Entretien Frédéric FoubertThe Rover de David Michôd avec Guy Pearce, Robert Pattinson et Scoot McNairy est présenté hors compétition en Séance de minuit à Cannes. Il sort en salles le 4 juin. Vidéo du tapis rouge de The Rover : Lire aussiL'interview de Robert Pattinon