Première
par Thomas Baurez
Le roumain Radu Jude adepte des farces iconoclastes promptes à dézinguer notre époque saturée de partout (Bad Luck Banging or Loony Porn, N’attendez pas trop la fin du monde…) imagine cette fois un jeu de massacre autour de la figure de Dracula. Dans ce film-monstre et gigogne, un cinéaste (Adonis Tanta) cherche la bonne formule pour revisiter le mythe du vampire. Face à nous (il ne cesse de nous interpeller face caméra), l’auteur, flemmard revendiqué, demande à une I.A de travailler à sa place. Les fictions peuvent alors s’emballer. Entre relecture contemporaine dans une ville de Transylvanie où des touristes s’offrent le grand frisson, remakes très approximatifs du Nosferatu de Murnau ou du Vampyr de Dreyer, délire porno ou pamphlet politique, tout y passe et repasse. L’esthétique générée l’I.A rivalise de laideur pour ne produire que des images criardes et cannibales. Aux antipodes des dernières sorties du célèbre vampire (Eggers, Besson…), ce Dracula démythifie une figure dévitalisée à force d’avoir été agitée telle une marionnette commerciale. Le vrai vampire on l’aura compris, c’est peut-être Radu Jude lui-même jouant avec nos désirs fussent-ils morbides pour nous attirer dans ses gros filets. Film punk, débraillé, allumé mais qui à l’instar des visions volontairement chaotiques d’un Pasolini ou d’un Godard n’en demeure pas moins ultra-clairvoyant sur l’état déliquescent de notre monde. Jeu de massacre, en effet. Il faudra bien tout détruire sur l’écran pour voir nos espoirs renaitre un jour.