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Directeur du studio français Arkane, Raphaël Colantonio nous explique pourquoi son nouveau jeu d’action-RPG dans l’espace est une bonne mise en jambes avant la sortie d’Alien : Covenant au cinéma. Prey ? C’est parti.

Le jeu Prey développé chez Human Head en 2006 avait fait son petit effet sur les joueurs et la démo de Prey 2, cinq ans après, promettait tout un univers cyberpunk en Open World. Finalement, vous avez hérité de la franchise chez Arkane et vous êtes reparti de zéro… Comment ça s’est passé ?    

 
Raphaël Colantonio : De notre côté, on travaillait sur un jeu depuis un petit bout de temps. On n’avait pas de titre, simplement le désir de situer l’action dans l’espace et d’expérimenter avec un gameplay immersif typique des grands jeux d’aventures des années 90 comme System Shock. À un moment donné, effectivement, le titre « Prey » s’est libéré. Bethesda, qui en était propriétaire, voulait partir dans une direction différente de ce qu’envisageait le développeur initial, Human Head. Et on s’est posé la question de savoir si cette simulation immersive qu’on préparait pouvait coller à l’appellation Prey. Je n’y voyais pas d’inconvénient, à condition de conserver l’ADN de notre jeu et de ne pas faire une suite ou une continuation de l’original. De loin, la filiation semble évidente : Le Prey de 2006 était un FPS dans une station spatiale infestée d’aliens. Thématiquement, on était donc sur la même longueur d’ondes. Ce genre de choses (appelez ça, « rebranding », « reboot » ou « réinvention ») arrive tout le temps dans l’industrie du cinéma. C’est plus rare dans le jeu vidéo, et il semblerait que ça ait un peu choqué…

 

Il n’y avait pas eu un autre Prey dans les années 90 ? Dix ans avant le jeu de Human Head ?

R.C : En 1995, 3D Worms avait annoncé un Prey qui n’est finalement jamais sorti. Ce Prey-là est devenu celui de Human Head, qui n’avait plus rien à voir avec la première itération. Et pour Prey 2, annoncé en 2011, Human Head était parti dans une direction encore différente. Ce n’était plus du tout le même jeu… L’histoire de ce titre est vraiment très étrange.

 

Après Dishonored, Prey assoit véritablement l’identité d’Arkane comme studio spécialisé dans l’« immersive sim », un genre rarissime, emblématique d’une certaine école 90’s du jeu PC. Est-ce que vous avez le sentiment de vous adresser à une petite frange de joueurs hardcore, ou à tout le monde ?   

R.C : On essaye de faire des jeux à plusieurs niveaux de lecture. Ces joueurs orientés Action qui n’aiment pas se poser trop de questions doivent aussi s’y retrouver dans Dishonored. Pareil pour Prey ; en surface, c’est un jeu d’action-RPG à la première personne, et il n’est pas nécessaire d’être un hardcore gamer pour l’apprécier. Vous vous réveillez à bord d’une station spatiale transformée en tombeau, la mémoire partiellement effacée, et vous devez percer le mystère de vos circonstances et des entités extra-terrestres qui rôdent alentours. Mais ceux qui aiment aller plus loin, qui veulent explorer chaque recoin, trouver les secrets, expérimenter avec la physique du jeu et combiner les systèmes de façon complexe… Ces joueurs-là pourront se faire plaisir.

 

Parmi toutes les mécaniques à disposition, le pouvoir « Mimic » (qui permet au joueur d’imiter et de prendre l’apparence de n’importe quel objet) est un peu la star du gameplay. Difficile de résister à l’envie de se changer en tasse à café ou en rouleau de PQ…

R.C : (Rires) J’espère ! On a énormément de systèmes dans ce jeu. Le Glue Cannon (une arme qui projette des blocs de mousse incapacitante) a longtemps été un favori, le Mimic gagne effectivement en popularité à mesure qu’on en révèle un peu plus… Chacun est susceptible d’y trouver son gameplay star. En fin de compte, plus qu’une mécanique en particulier, c’est la somme de tous ces systèmes qui fait le jeu.

 

En termes d’univers, on pense évidemment à Dead Space et à Bioshock. Est-ce qu’il y a des films qui vous ont inspiré ?

R.C : On voulait s’approcher d’une idée de la SF chère à Terry Gilliam, avec des technologies exposées, vieillottes. Cette esthétique rétro-futur prête à l’usage. Des films comme Moon, Matrix ou Total Recall nous ont beaucoup aidé pour creuser la thématique identitaire au cœur du jeu. On a parlé de Sunshine aussi, pour cette sensation d’isolement qui doit vous étreindre tout du long. Et Alien, bien sûr. Parce qu’on en revient toujours à Alien