007 First Light
Playstation

Ramus Poulsen, directeur artistique du studio IO Interactive, notamment derrière la franchise Hitman, nous dévoile une partie des ambitions du très attendu jeu vidéo 007 First Light.

PREMIÈRE : Quelle a été votre première pensée en apprenant que vous alliez travailler sur un jeu James Bond ?
RASMUS POULSEN
: Je n’arrivais pas à y croire. Je me souviens avoir eu par le passé de longues conversations avec Christian Elverdam, notre directeur de la création, a propos des films James Bond, qui ont toujours été une source d’inspiration pour nous.

Il est vrai qu’il n’y a pas besoin d’aller chercher très loin pour trouver des liens entre Hitman et Bond
Je ne sais pas combien que fois j’ai lu sur Internet qu’IO Interactive devrait faire un jeu 007. On a presque eu l’impression que c’était le destin, que ça devait se concrétiser. C’est la suite logique au travail qu’on fait depuis des années.

Quel type de discussions avez-vous avec les ayants droit ?
Ça se passe sous forme de réunions hebdomadaires ou mensuelles, selon le sujet qu’on aborde. Amazon - ou MGM ? Je ne sais plus comment il faut les appeler - ont participé à toutes les discussions depuis le début.

007 First Light
IO Interactive/Amazon


Avez-vous rencontré Barbara Broccoli, qui était encore dernièrement la gardienne du temple Bond avant de tout lâcher à Amazon contre une coquette somme ?
Désolé mais je ne peux pas en parler. Focalisons-nous sur notre relation avec MGM et Amazon.

OK… On vous donne des directives ? Peut-être au sujet de certaines choses que vous n’avez pas le droit de faire dans le jeu ?
Il y a évidemment un énorme catalogue officieux de choses à faire et à ne pas faire (Rires.) Notre approche a été de nous plonger dans les films, les livres et tous les médias Bond que nous avons pu trouver. À partir de là, on a créé un modèle de personnage mais aussi une sorte d’ADN de notre Bond, avec ses envies, ses besoins, sa personnalité. Qu'est-ce qui le motive, pourquoi est-il là ? Et que doit-il encore apprendre ? Chaque film ou série de films est différent de ce point de vue, sachant que chaque Bond est un produit de son époque. Et après, il faut observer ce qui est immuable chez 007, comme son imprudence, son énergie, sa confiance en lui et des tas de schémas qui traversent la franchise. 

Et notre jeu ayant pour héros un jeune Bond, qui cherche encore ses marques dans les couloirs du MI6, on a eu des discussions très intéressantes en interne sur les qualités innées du personnage. On l’a abordé en analysant très minutieusement sa personnalité, ce à quoi il est confronté et, par conséquent, le monde dans lequel il vit. Une grande partie de notre travail a donc consisté à nous approprier ses valeurs fondamentales, puis à discuter de la meilleure manière de jouer avec.

Combien de temps a-t-il fallu pour en arriver à une vision du personnage qui convienne à tout le monde ?
Environ six mois, c’était assez rapide de se mettre d’accord. On avait un million de possibilités avec cet univers, mais il a toujours été clair qu’on voulait raconter une histoire sur le passage à l'âge adulte, sur la transformation de Bond. On avait l'impression que c'était l'occasion de faire quelque chose de différent et de vraiment fun. Mais après, surgissent des tas de questions : qu’est-ce qu’on en fait ? Qu’est-ce qu’un James Bond qui n’a pas encore son double zéro ? Et à quel point sa jeunesse est-elle un facteur déterminant de sa personnalité ? On pourrait imaginer qu’en vieillissant, en gagnant en maturité, il puisse prendre conscience des conséquences de ses actes et du prix à payer. Mais à 26 ans ?



Et comme vous le dites, il n’est pas encore un agent double zéro, donc il n’a techniquement pas le permis de tuer…
Oui, on a pris quelques libertés (Rires.) Dans notre monde, ce n’est pas le statut double zéro qui lui donner le permis de tuer. On joue avec les tropes et les attentes autour de James Bond. C’est un jeu très narratif mais le gameplay requiert beaucoup d’action, donc le personnage aura le permis de tuer très rapidement.

Avez-vous porté une attention particulière à la première fois que Bond tue quelqu’un ?
Évidemment. C’est très important parce que c’est à ce moment-là que tout change pour un agent en herbe. Il passe d’un coup du monde normal à un univers dangereux, froid, sanglant… et en même temps surexcitant.

Justement, comment créer tout un monde pour ce nouveau James Bond sans pour autant copier les films ou les livres ? Qu’est-ce qui vous semblait fondamental ?
Je vais prendre un exemple : le MI6 et le labo de Q sont à la fois des endroits très étranges et des portes d’entrée géniales sur l’univers de Bond et de l’espionnage. Je tenais à ce que le MI6 ait ce côté ludique, excitant, magique. On se pose mille questions quand on réfléchit à ce lieu : quand a-t-il été construit ? Est-ce qu'il est en surface ou souterrain ? Combien ça a coûté ? Et est-ce qu'il a été construit en même temps qu’autre chose pour cacher son existence ? Il fallait trouver l’entre-deux entre un univers réaliste, crédible, et quelque chose de légèrement plus « fantastique » - dans le sens bigger than life

Et concernant les pays qu’on visite, il s’agit de surprendre. Faire découvrir au joueur une ville inattendue ou un endroit familier mais qui cache en réalité autre chose. Et le contraste est essentiel : alterner entre le froid et le chaud, la pauvreté et la richesse, l’étroitesse et l’espace…

007 First Light
IO Interactive/Amazon


Les anciens jeux vidéo James Bond, qu’ils soient bons ou mauvais, ont-il été une aide pour orienter le gameplay ?
Oui et non. Nous avons rejoué à certains et tous les vieux de l'équipe sont fans de Goldeneye sur Nintendo 64. Le constat, c’est que tous ces jeux étaient très axés sur le tir. Et si j’adore ça, cela n’a fait que renforcer notre envie de créer une expérience plus large. Il fallait être irréprochable sur les mécanismes de base - et donc le coté shooter - mais en même temps on devait s’assurer d’avoir la marge de manœuvre nécessaire pour s’ouvrir à autre chose. 

Quel est votre film James Bond préféré, et est-ce que votre choix raconte quelque chose de 007 First Light ?
Mon préféré est Skyfall, parce que je suis totalement fou du travail du directeur de la photographie Roger Deakins. Il m’a inspiré en termes d’imagerie, de lisibilité, d’audace et de dynamisme. Mais j’ai très conscience de faire un jeu et pas un film, ce qui implique évidemment beaucoup de choses visuellement parlant.

Et un peu de frustration de ne pas toujours pouvoir donne vie à des images que vous avez en tête par souci de lisibilité pour le joueur ?
(Rires.) L’objectif, c’est d’associer l’audace visuelle du cinéma avec la lisibilité des jeux vidéo. Évidemment, il est hors de question que le joueur se perde dans un recoin sombre parce que j’ai décidé de jouer trop fortement avec la profondeur du noir. Je ne veux surtout pas aller à l’encontre du gameplay. C’est un exercice d’équilibriste et si ça ne génère pas un peu de frustration, alors c’est sûrement qu’on ne fait pas assez d’efforts. 

007 First Light sortira en 2026 sur PS5, Xbox Series, Switch 2 et PC.