Diaphana

La quatrième collaboration entre Vincent Lindon et Stéphane Brizé est à l’honneur ce soir de Place au cinéma, présenté par Dominique Besnehard sur France 5.

Un tournage resserré

En guerre met en scène le porte- parole des 1100 salariés d’une usine qui viennent d’apprendre, malgré les lourds sacrifices financiers qu’ils avaient consentis et les bénéfices records de leur entreprise, la fermeture totale et brutale du site qui les emploie. Comme dans La Loi du marché, sorti trois ans plus tôt en 2015, Stéphane Brizé s’inspire de faits et de témoignages hélas bel et bien réels. Et pour traduire à l’écran l’énergie déployée par ces salariés dans leur combat rude et en apparence perdu d’avance, le cinéaste a opté pour une réalisation qui joue avec le documentaire, sa caméra restant fixé sur ce leader syndical sans contre- champ ou presque. Mais Brizé a aussi tenu à un tournage resserré. Seulement 23 jours pour que la tension reste intacte.

La quatrième collaboration Lindon- Brizé

En guerre est le quatrième film que Vincent Lindon tourne sous la direction de Stéphane Brizé après Mademoiselle Chambon, Quelques heures du printemps et La Loi du marché. Voilà quelques mois pour la sortie de leur cinquième collaboration, Un autre monde, nous avions demandé au réalisateur ce qu’il aurait fait à chaque fois si Lindon avait refusé le rôle. Sa réponse fut limpide : « Je ferai quand même le film ! Je crois que les acteurs – en tout cas ceux qui n’ont pas de problème de travail – ont toujours raison. D’accepter ou de refuser. Même s’ils refusent et qu’ils se trompent. Vincent ne me doit rien, je ne lui dois rien. On avance, on se dit des choses avec honnêteté, franchise et bienveillance. C’est quelqu’un d’une très grande exigence, jamais en repos, qui doute, qui questionne lui, son désir, sa nécessité. Toujours en mouvement. Et on a un rapport organique aux choses tous les deux, on ne passe pas par des explications psychologiques. C’est le seul acteur que j’ai vu me dire : « ça, je ne peux pas » mais parfois juste sur un mètre à faire en plus. J’essaie de le faire à sa place et je comprends pourquoi ! Parfois, je le corrige sur une scène qui ne fonctionne pas juste en lui demandant de se tenir différemment sur sa chaise et ça marche. Le tournage n’est pas un moment intellectuel. »

L’acte de naissance d’Un autre monde

C’est le tournage d’une scène d’En guerre qui a donné à Stéphane Brizé le premier déclic d’Un autre monde, qu’il tournera trois ans plus tard, centré sur un cadre de plus en plus incapable de répondre aux injonctions contradictoires de sa direction. Une scène de réunion dans une pièce de l’Elysée où les patrons, les cadres et les ouvriers du site menacé de fermeture sont réunis et défendent chacun à tour de rôle leurs points de vue. « Ce qui m’a sauté aux yeux à ce moment- là est que la personne la plus libre de sa parole à ce moment- là était le syndicaliste. Le seul à ne pas avoir de double discours. Et j’ai commencé à vouloir creuser l’idée que les cadres ne sont pas forcément à l’aise face aux exigences croissantes de ses supérieurs en termes de réduction des coûts salariaux. Beaucoup se sentent entre le marteau et l’enclume avec un rôle à jouer de plus en plus éloigné de ce qui était le leur une vingtaine d’années auparavant. J’ai donc eu envie d’un film sur cette figure-là ».