Quentin Tarantino
Abaca

Interviewé par Libération, le cinéaste évoque son prochain film, sa vision du cinéma et son souhait toujours bien présent de se retirer du métier.

Depuis plusieurs mois, Quentin Tarantino est omniprésent dans les médias et les festivals, avec notamment un passage remarqué à Cannes le mois dernier pour présenter Légitime Défense à la Quinzaine des Cinéastes, objet filmique des années 1970 relativement inconnu en France. Après la publication de son livre Cinéma Spéculations en novembre 2022 aux États-Unis et en mars 2023 en France, le cinéaste avait traversé le monde pour faire la promotion de cet ouvrage évoquant sa cinéphilie, lui permettant également de s'improviser critique, avec une emphase toute particulière sur le cinéma américain des années 1970.

Rolling Thunder : l’histoire du chef-d’oeuvre oublié présenté par Quentin Tarantino à Cannes

Tarantino était à Antibes la semaine dernière pour recevoir le Prix Fitzgerald, qui récompense une oeuvre littéraire reflétant “l’esprit, le goût du style et l’art de vivre de l’écrivain américain F. Scott Fitzgerald.” Dans une interview publiée dans Libération, le réalisateur en a profité pour révéler de nouvelles informations sur The Movie Critic, son dixième et dernier long-métrage de cinéma, dont le tournage est prévu pour cet automne. Le film racontera l’histoire d’un journaliste cinéma des années 1970 (1977, pour être précis) écrivant des critiques acides dans un magazine pornographique, avec un personnage qualifié de “Travis Bickle [héros de Taxi Driver] s’il avait été critique”.

Cette information lui permet de mentionner Paul Schrader et son film Hardcore, qui raconte les dessous de l’industrie pornographique dans les années 1970, et sur lequel il consacre un chapitre dans son livre. Avant de parler de l’absence de sexe dans ses films : “J’aime l’érotisme au cinéma. C’est juste que je n’ai jamais vraiment eu, euh… l’impulsion de le faire moi-même. Devoir gérer les acteurs et actrices en train de simuler, convaincre une actrice de se déshabiller, de faire ceci ou de montrer cela… ça n’a jamais été mon truc. Ce n’est pas comme ça que je veux passer mon temps sur un plateau”, trashant au passage les coordinateurs d’intimité (Sam Levinson en prendra note) : “Cela me donne encore moins envie de m’y mettre.

Hardcore - Paul Schrader
Columbia Pictures

La question sur les franchises est elle aussi inévitablement revenue sur la table : “«Les geeks ont gagné.» On dirait bien, effectivement. Dans une certaine mesure, j’aurais aimé que ça se produise quand j’étais plus jeune. J’aurais été comme un dingue à l’idée que même la BD la plus marginalisée que je lisais fasse l’objet d’une de ces monstrueuses adaptations sur grand écran. Le fait que ça se produise quand j’ai 60 ans, à un âge où je n’en ai plus rien à foutre, c’est un peu emmerdant. Tout comme le fait qu’il semble que ça soit devenu le seul mètre étalon de l’industrie”, rappelant qu’en 2019, Once Upon a Time… in Hollywood fut “le seul gros film de l’été qui [émane] d’une histoire originale, pas basé sur un personnage franchisé, ni une suite, pas même une adaptation d’un autre médium.

Et il insiste sur le fait que la presse avait déformé sa déclaration quand il avait soi-disant défoncé” Marvel : “Mais ce n’est pas mon propos. Justement, je disais à quel point ça avait compté pour moi, cette idée d’univers clos, de personnages qui voyagent de monde en monde.

Marvel : Scorsese et Tarantino ont déprimé Chris Hemsworth

Ce qui ne l’empêche de développer son propre univers cinématographique, avec les occurrences de sa marque de cigarette (fictive) Red Apple dans ses films et de son projet d’étendre l’histoire des personnages de son Once Upon a Time… in Hollywood, déjà passé sous la moulinette de la novélisation : “Je suis assez égotiste pour imaginer que mes films existent sur une planète parallèle. Mais ça n’est pas vraiment important, c’est comme des notes de bas de pages dans un livre. Ce qui compte, c’est l’histoire. Mais, parfois, les notes de bas de page, it’s the best fucking shit. Bon, maintenant, les fans sont au courant et traquent ces trucs-là, et on pourrait dire qu’en continuant, je me plie à leurs attentes. Mais ça m’amuse toujours.

La question de son héritage, forcément, est venue conclure l’interview : “Le fin mot, c’est que j’ai donné trente ans de ma vie au cinéma. J’ai donné tout ce que j’avais. (...) J’ai travaillé au plus haut niveau de mon art et je veux laisser derrière moi un corpus majeur. Je veux me retirer invaincu”, insistant sur le fait qu’il “ne regrette rien aujourd’hui”, avec une pointe de pessimisme presque avilissante pour les années à venir : “Qu’est-ce que j’abandonne ? J’ai dit que je ne ferais plus de films de cinéma. Mais y aura-t-il encore des films de cinéma dans sept-huit ans ? La question reste ouverte.

Son dernier film, The Movie Critic, commencera son tournage cet automne et devrait sortir dans le courant de l'année 2024.

De passage à Paris, Tarantino en dit plus sur The Movie Critic, son prochain film