Oxygène d'Alexandre Aja
Netflix

Impressionnante devant la caméra d’Alexandre Aja, elle renoue avec ce goût du jeu qui avait pu un peu disparu derrière celui de la réalisation. Rencontre

Certes, elle n’avait pas disparu des écrans. Récemment, on a pu la voir chez Gilles de Maistre (Mia et le lion blanc) ou Michael Bay (Six underground). Mais on avait le sentiment que, chez elle, le plaisir de mettre en scène avait pris le pas sur celui de jouer. Et voilà que surgit cet Oxygène d’Alexandre Aja et ce rôle de jeune femme enfermée dans un caisson de cryogénisation qui doit retrouver sa mémoire envolée pour s’en sortir. Oxygène repose entièrement sur ses épaules. Et plus qu’une performance, Mélanie Laurent réussit à susciter de l’empathie envers son personnage et à éloigner Oxygène du film- concept désincarné. Bref, elle retrouve les fondamentaux de son métier d’actrice avec un bonheur qui traverse l’écran. Mieux, dans cette période si particulière, elle semble vivre un des temps les plus radieux de son parcours. Elle qui a eu à subir régulièrement la vindicte épuisante des réseaux asociaux comme Tête de turc à qui on ne passe rien avant de s’en prendre à une autre cible, s’était sans doute aussi éloignée pour se protéger. Mais 2021 sonne l’heure de son grand retour car à l’automne on la retrouvera aussi devant et derrière la caméra avec Le Bal des folles. Un film Amazon Prime dont les premières images expriment l’ambition. Une nouvelle Mélanie Laurent semble arrivée. On l’a rencontrée.

Comment vous retrouvez- vous à jouer cette amnésique prisonnière d’un caisson de cryogénisation dans Oxygène ?

Mélanie Laurent : Mon agent m’a appelée, pendant le premier confinement, pour me dire qu’elle venait de recevoir ce scénario et qu’Alexandre voulait me confier le rôle. Et ma première réaction a été… d’avoir peur de lire ! (rires) 

Ah bon, pourquoi ?

Parce que le nom d’Alexandre est associé pour moi au grand cinéma d’horreur et que je n’avais aucune envie de me retrouver couverte de sang dans des situations improbables. J’ai donc l’appréhension de lire quelque chose qui pourrait me plaire ! Pour autant, je me lance. Et là, contrairement à mes habitudes, plus qu’une histoire, je lis d’abord un personnage. Et je me retrouve face à un challenge. Donc en refermant le scénario, ma première question n’est pas de savoir si j’aime ou pas mais si je serai capable de faire ce que ce rôle exige. 

Et vous vous en pensez capable rapidement ?

L’envie de faire partie de cette aventure dirigée par Alexandre balaie vite cette interrogation. L’excitation aussi. Car cela fait longtemps que comme actrice, je ne m’étais pas sentie challengée. Mais, en refermant le scénario, j’ai eu deux angoisses. D’abord jouer la colère qui bascule en crise d’hystérie. Car ce sentiment m’étant étranger dans la vie, je ne savais pas où aller le chercher en moi pour le composer. Et je me pose aussi la question de ma capacité à assimiler un texte souvent hyper technique dans un laps de temps très court – moins d’un mois - pour que tout paraisse naturel à l’écran. 

 

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Comment on s’y prépare ?

Pour le texte, il faut apprendre le scénario comme une pièce de théâtre à jouer dans une langue étrangère. Pour le reste, tout passe par l’entraînement physique. J’ai eu l’occasion de m’y confronter pour la première fois sur Six Underground de Michael Bay. Et j’ai pris goût à cette idée d’entraînement physique qui a des répercussions sur ton mental à base, ici, de trois heures de course par jour pour travailler mon rapport à l’essoufflement et mes abdos tant le gainage était essentiel pour se tordre dans cette boîte. Car une fois mon costume enfilé, je ne pouvais plus l’enlever : avec les branchements de câbles, ça prenait une demi- heure à chaque fois ! Me préparer au rôle consistait donc aussi à me préparer à rester des heures, allongée sans bouger, dans un autre rapport à l’attente habituelle sur un plateau, avant de parfois enchaîner 25 pages de texte et les multiples émotions qui vont avec. Je n’ai jamais été aussi épuisée que sur ce tournage où chaque jour, je ressentais physiquement le manque d’oxygène dans cette boîte fermée, avec une oreillette dans laquelle Alexandre me dirigeait, dans la même logique de perdre le moins de temps possible et prévenir toute déconcentration

Vous avez beaucoup répété en amont ?

Non, on a fait une simple lecture pour se mettre d’accord sur l’essentiel. Peut- être qu’Alexandre aurait souhaité plus mais moi je ne voulais pas. Car dans un film comme Oxygène, l’instinct est essentiel. Et à trop répéter, il se serait envolé. C’est passionnant comme travail. Comme la sensation de sauter dans le vide sans filet. Je pense à cette scène où je hurle et frappe de toutes mes forces ce caisson de panique. Jusqu’à « Action », je n’avais absolument aucune idée de ce que j’allais faire. Pour la première fois de ma vie d’actrice, j’étais incapable de me projeter. Et le déclic est venu d’Alexandre qui m’a simplement dit vouloir voir un animal sauvage enfermé dans une cage en train de suffoquer. C’est ce que j’ai joué. Le fait d’avoir aussi peu d’échanges avec d’autres comédiens, de rester en permanence dans le décor change la donne. Ca permet de retrouver le trac. Ca n’a pas de prix de revivre ça à 38 ans !