Affiche sorties de films mercredi 22 juin 2022
Warner/ Disney/ Universal

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
ELVIS ★★★☆☆

De Baz Luhrmann

L’essentiel

Autant que la vie d’Elvis Presley, Baz Luhrmann raconte les contradictions culturelles de l’Amérique dans un musical survolté.

Il y a au cœur d’Elvis une idée dramaturgique passionnante. Celle d’avoir confié le récit, en voix off rétrospective, au grand méchant de l’histoire : le Colonel Tom Parker, narrateur non fiable de la geste elvisienne. Toute l’histoire d’Elvis, toutes ces images d’Epinal, sont revues à l’aune de la tension entre le chanteur et son manager : l’explosion rock du mitan des fifties, les provocations sexuelles, l’affolement des ligues de vertu, la parenthèse cinéma risible des sixties, l’extraordinaire comeback télévisé de 68, les seventies végassiennes et bouffies.

A travers ce parti pris, Lurhmann raconte plus qu’un chanteur : un pays tout entier, constamment tiraillé entre des forces contraires. Dieu et le Diable, le blues et la country, les Blancs et les Noirs, l’art et le commerce, le show et le business. Presley émerge de cette fresque en super-héros pop, qui parvenait à résoudre les contradictions culturelles de l’Amérique. Ce miracle se fit au prix d’un pacte faustien, exposé dans la première partie du film, la plus exubérante, qui nous promène dans une espèce de boule à neige géante, fête foraine séduisante et cauchemardesque

Baz Luhrmann finira par lever le pied dans un troisième acte plus classique, où le film devient un drame humain très émouvant, succession de scènes oppressantes qui s’apprécient aussi comme une sincère entreprise de réhabilitation d’une période honnie de la vie du King. Mais c’est dans sa première heure que le cinéaste donne véritablement sa note d’intention : hystérique et grandiose, à prendre ou à laisser, s’affranchissant de la réalité historique pour raconter non pas les faits et gestes d’un homme mais pour faire ressentir physiquement aux spectateurs d’aujourd’hui ce que fut véritablement Elvis pour le public des années 50. On sort du film exténué, grisé, tout en sachant qu’on vient de se faire balader dans un tour de manège piloté par des forains très expérimentés.

Frédéric Foubert

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PREMIÈRE A AIME

BUZZ L’ECLAIR ★★★☆☆

De Angus MacLane

Il y avait un souci dès le départ avec Buzz l'éclair. De quoi parlait ce spin-off de Toy Story ? Etait-ce une histoire centrée sur la figurine ? Celle du véritable héros qui l’a inspiré ? La réponse nous est donnée dans un carton ouvrant le récit : "En 1995, Andy a reçu un jouet de son film préféré. Voici ce film". D’entrée, Buzz l’éclair a donc besoin de justifier son existence. Il faut dire qu’on n’a pas souvenir d’avoir déjà vu une oeuvre dérivée aussi éloignée du matériel original. Le personnage de Buzz n’est ici qu’un prétexte pour nous offrir un film animé d’aventure et de science-fiction, avec de l’action, du suspens, de l’humour, et même un baiser gay qui fait beaucoup parler et que Disney porte en étendard en ce mois des fiertés. 

Le résultat se révèle divertissant. Surtout la première moitié, la plus captivante, où le ranger de l’espace se retrouve coincé sur une planète hostile façon Alien après avoir loupé sa manoeuvre aux manettes de son vaisseau spatial et n’a dès lors plus qu’une mission, ramener tout le monde à la maison. Et on pourrait même le qualifier de réussite s’il ne fallait pas le juger, inévitablement, à l’aune du label Pixar, aussi émoussé soit-il. Buzz l’éclair n’est ni un film-concept épatant, comme le studio nous en a livrés à la pelle (Toy Story donc, mais aussi Le Monde de NemoLes IndestructiblesWall-ELà-haut…), ni une oeuvre personnelle, comme les récents Luca et Alerte Rouge. Des longs-métrages non dénués de défauts mais qui avaient moins le mérite de sortir des sentiers battus. 

Angus MacLane, touche à tout de Pixar crédité sur près de 20 projets maison, avait-il quelque chose de fort ou d'intime à raconter ? Visiblement pas, à part une jolie morale sur le sens de la vie, le temps qui passe et la futilité, voire la dangerosité de la fuite en avant. Un programme qui a séduira sans doute les gamins du monde entier, mais qu’on ne peut s’empêcher de trouver un peu light. 

Edouard Orozco

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BLACK PHONE ★★★☆☆

De Scott Derrickson

Adapté d’une nouvelle du wonderboy de la trouille Joe Hill, Black Phone raconte les exactions d’un kidnappeur d’enfants, le « Grabber », dans le Colorado de la fin des années 70. Sa nouvelle proie s’appelle Finney, un gamin de 13 ans qui occupe ses journées en pensant à sa mère disparue, en traînant avec sa petite sœur sujette à d’épouvantables visions prémonitoires, et en se faisant tabasser à coups de ceinturons par son père alcoolique. Séquestré par « l’Attrapeur » (Ethan Hawke, planqué sous un masque terrifiant), l’ado va découvrir dans le sous-sol putride qui lui tient lieu de prison un téléphone lui permettant de communiquer avec les précédentes victimes du croquemitaine… Une heure et quarante minutes au cordeau plus tard, on sort impressionné par la rigueur du film. Pas un chef-d’œuvre, non, mais un vrai beau petit teen-movie d’horreur, dans la lignée du Ça d’Andy Muschietti, et carburant à un classicisme pas si courant que ça au sein des productions Jason Blum. Très supérieur en tout cas à Sinister, le précédent Scott Derrickson sous pavillon Blumhouse, sorti il y a pile dix ans. Son meilleur film sans hésitation

Frédéric Foubert

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LES TRAVAUX ET LES JOURS ★★★☆☆

De C.W. Winter et Anders Edström

Ce documentaire-monstre de 8h17 se présente en trois parties. Nous suivons ici, le temps d’une année rythmée par le cycle immuable des saisons, la vie d’un couple de paysans japonais dans un petit village montagneux de la région de Kyoto. La façon artisanale de travailler la terre, la douceur avec laquelle chaque chose s’appréhende, semblent déconnecter de l’actualité du monde. L’héroïne du film, Tayaoko Shiojiri, est, en effet, la dépositaire d’un savoir-faire et d’un savoir-vivre qui mourront avec elle. Le film est d’ailleurs tout entier habité par la mort. La santé du mari de Tayaoko se dégrade peu à peu. Son agonie discrète devient un fil rouge invisible. En voix off, il arrive à Tayaoko de raconter son quotidien à la façon du journal intime, elle délivre aussi des mots doux et rassurants à ce conjoint dont elle se résigne à accepter l’effacement progressif. Pas d’effusion de sentiments, la pudeur implique de la retenue. Rien de préfabriqué, les deux réalisateurs sont parvenus à saisir du naturel à l’œuvre. La nature, souveraine, protège les Hommes. Chaque élément respire le sensible. L’espace où tout se joue est minuscule, il contient pourtant tout l’univers. Face à tant de grâce, on prend définitivement conscience à quel point le cinéma et la salle de projection sont essentiels à nos vies. C’est grâce à eux que l’on peut saisir une beauté fragile qui, ailleurs, nous aurait peut-être échappée.

Thomas Baurez

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EL BUEN PATRON ★★★☆☆

De Fernando Leon de Aranoa

Pour sa troisième collaboration avec Fernando León de Aranoa, Javier Bardem incarne magistralement le héros cette comédie féroce, Juan Blanco. Un patron héritier d’une usine de fabrication de balances en apparence parfait mélange de paternalisme enveloppant et d’autorité juste. Trop beau pour être vrai ? Une poignée de minutes suffisent pour le comprendre. D’abord par des cris hors champ. Ceux d’un employé furieux de son renvoi qui va camper en face de l’usine pour protester. Le début d’une série d’emmerdes pour Blanco au fil d’un récit construit comme une souricière l’étouffant peu à peu. De Aranao excelle tout autant dans la montée en puissance de ce piège que dans son déploiement et ses dommages collatéraux, jusqu’à un épilogue à l’amoralisme triomphant. Et il raconte brillamment la violence sourde du monde de l’entreprise, dont on ne peut se sortir qu’en retournant ses armes contre elle. Une démonstration de force et de farce.

Thierry Cheze

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I’M YOUR MAN ★★★☆☆

L’histoire d’amour idéale ? C’est ce qu’ambitionne de proposer la société allemande Terrareca qui a conçu un robot à l’apparence humaine parfaite, programmé pour répondre à ce que 93% des femmes de ce pays rêvent en termes de partenaires pour la vie. Et c’est un spécimen de cette invention qu’une chercheuse (Maren Eggert, primée Berlin en 2021), séparée de son compagnon, accepte de tester pendant 3 mois pour savoir si celle- ci touche à son but et a de l’avenir. En adaptant une nouvelle d’Emma Braslavsky, Maria Schrader explore donc la question du sentiment amoureux et de la capacité à réduire au maximum les incertitudes qu’il génère par le biais d’algorithmes. Son scénario malin à la Black mirror ne se contente évidemment pas d’enfoncer ces portes ouvertes- là. Après avoir raconté non sans humour les limites de la prétendue perfection, I’m your man va se déployer en mode « Fuis- moi je te suis, Suis- moi je te fuis » où on finit par ne plus savoir qui du robot ou de l’être en chair et en os a le comportement le plus. Le ton se fait mélancolique, l’épilogue moins attendu et le film… de plus en plus attachant.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

LE DIVORCE DE MES MARRANTS ★★☆☆☆

De Romy Traujman et Anaïs Straumann- Lévy

A 23 ans, en plein coeur d’une crise existentielle de plus en plus étouffante, Romy Traujman décide de revenir à ce qui pourrait être la racine de ce mal qui la mine: le divorce des années plus tôt de ses parents. Une mère dont elle est restée depuis extrêmement proche, développant même avec elle un projet de comédie musicale et un père atteint de bipolarité. Et avec l’aide d’une amie, Anaïs Straumann- Lévy, derrière la caméra, elle est partie leur poser à eux deux ainsi qu’à ses grand- parents toutes les questions qu’elle n’avait sans doute jamais osé leur poser… sans se douter du secret longtemps tu qu’elle va découvrir, au fil des non-dits qu’elle va n’avoir de cesse de faire exploser. La belle idée de ce documentaire est de parsemer ces témoignages et de ces échanges de chansons que ces moments lui inspirent, chansons qu’elle interprète elle- même comme pour se – et nous – redonner de l’oxygène. Mais, malgré cette originalité formelle, on finit régulièrement par se sentir de trop dans cette enquête et ces échanges. Le surgissement de la question d’un possible inceste nous place ainsi, malgré les efforts de Romy Traujman et malgré nous, en position de voyeur. Rendant presque du coup le procédé des chansons, naturel jusque là, plus artificiel, plus mécanique en tout cas. Cela n’enlève rien à l’originalité et à la sincérité du projet mais crée une distance dommageable.

Thierry Cheze

LES GOÛTS ET LES COULEURS ★★☆☆☆

De Michel Leclerc

Qui trop embrasse mal étreint pourrait être le sous- titre du nouveau film du réalisateur du Nom des gens. En 1h50, il entreprend en effet de raconter tout à la fois l’enregistrement d’un album par Marcia, une jeune chanteuse et  Daredjane, son idole, une icône rock des seventies; la mort soudaine de cette dernière ; la manière dont Marcia convainc Anthony, l’ayant droit de Daredjane, de sortir ce disque en dépit de sa détestation pour celle qui a toujours craché sur sa famille, l’histoire d’amour qui va naître entre les deux (et, par ricochet, la rupture de Marcia avec sa petite amie) puis la trahison quand Anthony refera certains titres à sa sauce avec une star du rap contre l’avis de Marcia. Cette mission impossible donne naissance à un récit sans cesse au bord de l’asphyxie qui empêche les jolies scènes de comédie ou d’émotion simple de déployer leur charme fou, en dépit du jeu tout en nuances de l’emballante Rebecca Marder.

Thierry Cheze

JUNGLE ROUGE ★★☆☆☆

De Juan José Lozano

En partant des milliers de mails retrouvés après sa mort,  Juan José Lozano et Zoltan Horvath  entreprennent de raconter les dernières heures de Raul Reyes, le numéro 2 des FARC qui a péri en 2008 dans un bombardement mené par l’armée colombienne et la CIA. Leur film offre donc un regard de l’intérieur sur ce pan de l’histoire récente (où on retrouve Ingrid Bétancourt qui fut leur otage), le fonctionnement chaotique de cette guérilla communiste et la manière dont cet homme a peu à peu perdu pied, dévoré par la jungle dont ils avaient fait leur camp de base. Le choix de l’animation se justifie pour compenser l’absence de toute archive filmée mais le parti pris de faire jouer les acteurs sur fond vert avant de recréer la nature en images de synthèse donne au film un aspect étrange, plus déstabilisant que fascinant. Et en détournant involontairement notre attention vers elle, cette forme finit par abimer la richesse historique de ce document.

Thierry Cheze

 

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