Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
DOG MAN ★★★☆☆
De Peter Hastings
L’essentiel
Un film d’animation au scénario et personnages aussi délirants que son inventivité formelle. Un régal pour petits et grands
Un policier et son fidèle compagnon de la brigade canine grièvement blessés en service par l’explosion d’une bombe. Une opération chirurgicale aussi originale qu’audacieuse qui lie les deux inséparables. C’est ainsi que naît Dog man… et que le ton est donné d’emblée pour ce film d’animation de Peter Hastings, adapté de la série de BD de Dav Pilkey (Capitaine Superslip) sous la bannière des studios Dreamworks. Où on va donc suivre Dog Man, chien- flic modèle dans son duo- duel avec Monpetit, le chat le plus méchant de l’univers et son jeune clone Petitmonpetit avant que tous deux unissent leur force contre un ennemi commun, un poisson- cyborg psychokinétique sur le point de tout détruire sur son passage. Le récit va à 100 à l’heure, multipliant les gags et les trouvailles en arrière- plan façon Looney Tunes. Et ce rythme trépidant se traduit aussi à l’écran par une animation mêlant les styles et les genres (dessins aux traits, stop motion…) mais jamais de manière ostentatoire pour épouser le style épuré des BD. Vivement une suite !
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
MIKADO ★★★★☆
De Baya Kasmi
Quelle est la meilleure éducation possible pour ses enfants ? Quelles sont les limites du choix de vivre volontairement dans la marginalité pour protéger les siens de la violence du monde ? Voici les questions qui dominent le nouveau Baya Kasmi. Le premier où, sans qu’elle soit absente, la comédie n’en dicte pas le tempo. Car ici, le ton se fait doux- amer voire mélancolique, épousant les fluctuations d’humeur de ses personnages. A commencer par celui de Mikado (Félix Moati, intense), gamin de la DDASS, devenu un trentenaire écorché vif car jamais remis d’une enfance en souffrance passée dans une famille d’accueil qu’il ne cesse de harceler pour qu’elle reconnaisse ses torts et qui, en portant plainte pour harcèlement, l’oblige à prendre la route en camping- car avec sa compagne et leurs deux enfants pour échapper à la police. Et c’est en chemin qu’ils rencontreront Vincent, un enseignant vivant seul avec sa fille, chez qui ils vont s’installer le temps d’un été qui remettra en cause les certitudes de chacun. Baya Kasmi signe ici un film sous une tension d’autant plus lancinante qu’elle contraste avec la douceur apparente des échanges et le parti pris d’une lumière chaude et sensuelle. Un pas de côté remarquablement orchestré.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéL’HISTOIRE DU SOLDAT ★★★★☆
De R.O. Blechman
C’est une pépite d’animation qu’a la riche idée d’exhumer le distributeur Malavida. Un moyen métrage de 1984, adapté d’une pièce musicale créée par Igor Stravinsky. On y suit un soldat qui, sorti indemne de la guerre, rentre chez lui pour se marier quand en chemin il rencontre le diable avec qui il passe un pacte qui le conduira à sa perte. L’échange de son violon, son bien le plus précieux, contre un livre compilant les fluctuations à venir de la Bourse et synonyme de richesse assurée. Cette critique des mirages du capitalisme roi et se révèle un enchantement visuel. Car par son approche épurée, Blechman parvient – ici par un détail, là par de simples scintillements exacerbés - à épouser au plus près les émotions aussi fortes que contradictoires traversées par son héros. Et le tout se déguste prioritairement en VF car les voix du soldat et du diable sont campées par Henri Salvador et Serge Gainsbourg, particulièrement inspirés dans leurs interprétations.
Thierry Cheze
PREMIÈRE A AIME
PIEGE ★★★☆☆
De David Yarovsky
Qui refuserait de voir un huis-clos claustro avec un héros prisonnier d’un endroit ultra-exigu dont il n’a a priori aucune chance de sortir ? Piégé enferme un petit voleur sans envergure dans une voiture pimpée par son propriétaire, un riche médecin qui en a marre de se faire tirer ses SUV sur le parking en bas de chez lui, et a donc décidé de transformer le dernier en date en chambre des tortures ambulante. La proie est jouée par Bil Skarsgard et le tortionnaire par Anthony Hopkins, en voix off les deux tiers du film, et qui reprend ici ses accents si familiers de psychopathe doucereux. Le point de départ d’une fable morale et politique, questionnant l’arrogance et la brutalité que les ultra-riches font subir au reste du monde. Un grand sujet, mais traité sous la forme d’un thriller psychologique un peu dégénéré, à l’esthétique clippesque et agressive, mâtiné d’un brin d’horreur et de beaucoup d’ironie. Le tout est emballé avec suffisamment d’énergie et de concision pour que, contrairement à Bill Skarsgard, on ne pense pas un instant à bouger de notre fauteuil et chercher la sortie.
Frédéric Foubert
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VOYAGE AVEC MON PERE ★★★☆☆
De Julia von Heinz
Impossible de ne pas penser à A real pain devant ce film de Julia von Heinz. Avec cette même idée centrale d’un voyage en famille sur les traces de l’horreur de la Shoah par le prisme d’un binôme vivant ce moment de manière radicalement opposé. Deux cousins chez Jesse Eisenberg. Une journaliste new- yorkaise et son père rescapé des camps, ici. Elle qui cherche à comprendre l’histoire de sa famille. Lui qui s’emploie à tout faire pour ne pas déterrer ce passé qu’il cherche à oublier, à commencer par cette usine et cet appartement que sa famille possédait et dont ils étaient expropriés du jour au lendemain parce que juifs. Et en dépit d’une réalisation transparente, le film touche juste dans sa capacité à raconter les non- dits générationnels sur la question comme plus largement dans la manière dont ce rapprochement père- fille (remarquablement incarnés par le duo Stephen Fry- Lena Dunham) se fait, dans un mélange délicat d’humour et d’émotion(s).
Thierry Cheze
LE VILLAGE AUX PORTES DU PARADIS ★★★☆☆
De Mo Harawe
Voilà un film sans concession qui ne fait rien pour tendre la main aux spectateurs. Austérité revendiquée de la mise en scène, refus de toute empathie naturelle avec ses personnages… Du cinéma contemplatif totalement assumé qui en laissera beaucoup à quai mais dont la radicalité constitue la force. Avec ce premier long, Mo Harawe, installé en Autriche depuis 2009, raconte la Somalie où il est né et a grandi, à travers deux personnages principaux. Un fossoyeur qui tente de survivre économiquement pour assurer la scolarité de son jeune fils dont la mère est décédée et sa sœur qui, elle, cherche à ouvrir sa propre boutique, en dépit de tous les obstacles mis sur sa route par le système patriarcal qui domine le pays. Et c’est par sa puissance formelle – dont un sens du cadre renversant – que Le Village aux portes du paradis s’éloigne du pur film sociétal déjà vu et attendu pour se faire poétique et sensoriel.
Thierry Cheze
BERGERS ★★★☆☆
De Sophie Deraspe
Une montagne, un magnifique fondu, un visage. Au plan suivant : les arènes d’Arles. C’est avec le plaisant sentiment d’être déboussolé que l’on rentre dans Bergers pour suivre la reconversion professionnelle de Mathyas, ex-publicitaire à Montréal qui plaque tout pour devenir berger dans le sud de la France. Le film balaie rapidement les inquiétudes d’une idéalisation folklorique des métiers proches de la nature. Après deux expériences laborieuses, le Québécois trouvera enfin le travail qu’il cherchait, aux côtés d’Élise. Le film (signé Sophie Deraspe, dont on avait adoré Antigone) tire alors sa beauté de la manière dont il se fait déborder par sa propre matière : peaux humaines, grands espaces et marées de moutons remplissent le cadre avec la même aisance. Dommage que cette impression soit balayée par un final abrupt et amer, laissant inachevé le parcours d’une panoplie de personnages avec qui l’on aurait bien passé l’été en montagne !
Nicolas Moreno
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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
THE AMATEUR ★★☆☆☆
De James Hawes
The Amateur s'inscrit dans la lignée des thrillers d'espionnage post-Bourne, prétendant revisiter le genre via un angle original. Cette fois-ci, il s’agit de transformer un rat de bibliothèque en machine à tuer. Rami Malek incarne Charles Heller, analyste CIA au teint blafard et à la silhouette famélique, propulsé vengeur quand sa femme est assassinée à Londres. L'idée est savoureuse mais James Hawes la saborde avec une mise en scène aussi inspirée qu'un mémo administratif, sans que Rami Malek, au jeu trop neurasthénique, ne puisse redresser la barre. Et si quelques séquences sortent du lot – une exécution dans une piscine suspendue entre deux tours – elles sont rares, comme les sourires du protagoniste. The Amateur n’est pas assez spectaculaire pour rivaliser avec les grands noms du genre, ni assez profond. Cette mission, comme beaucoup d'opérations secrètes, aurait peut-être mieux fait de rester dans les tiroirs.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéZION ★★☆☆☆
De Nelson Foix
Chris, petit dealer guadeloupéen adepte de rodéos en moto, se fait repérer par un caïd du quartier voisin. Ce dernier lui confie une livraison à risque mais le jour de l’opération, Chris découvre un bébé livré à lui-même et n’a pas d’autre choix que de l’emmener avec lui. Le début d’une course infernale… Malgré son indéniable patte visuelle (la Guadeloupe a rarement eu une telle ampleur à l’écran) et quelques scènes d’action vraiment bien charpentées, Zion paye cher son scénario en ligne droite.
François Léger
A LA LUEUR DE LA CHANDELLE ★★☆☆☆
De André Gil Mata
Une belle et grande demeure bourgeoise au lustre un tantinet décati. Le temps et l’Histoire ont fait leur œuvre, y ont déposé les sédiments d’une mémoire. Le portugais André Gil Mata (L’Arbre (Dvro)) use d’une mise en scène attentive qui scrute le moindre espace cherchant par l’essence gracile de sa mise en scène à enivrer le regard. Au sein de la maison, les générations se côtoient, se croisent, s’entremêlent, des destins se jouent, la parole est rare, les gestes empruntés… Tous s’agitent à pas feutrés, jusqu’à l’épuisement du procédé.
Thomas Baurez
HER STORY ★★☆☆☆
De Yihui Shao
Comédie féministe et pop qui cite le cinéaste Jia Zhangke en private joke, Her Story distille une énergie assez réjouissante. Carton surprise en Chine, il raconte la vie d’une célibataire qui élève seule sa fille et voit des hommes pas forcément mal intentionnés, chercher à pénétrer son intimité. Elle forme un duo avec sa voisine un peu distraite et pas toujours très à l’aise (à part sur scène devant un micro !) Ça va vite, c’est drôle mais finit par tourner en rond à force de marteler ses intentions. Dommage.
Thomas Baurez
SEBASTIAN ★★☆☆☆
De Mikko Makelä
Vertige de la création où l’auteur se confond avec son personnage. A moins que ce ne soit l’inverse. Sebastian ne sait plus très bien, lui qui dans la « vraie » vie est en réalité Max, un jeune écrivain. Ce dernier use de son avatar pour vendre ses charmes à des hommes plus âgés. Le récit fonctionne à la manière d’un thriller très sensuel où les frontières disparaissent. Sebastian/Max aussi actif sexuellement que passif dans ses rapports directs joue à fond la carte du mystère. Un mystère qui finit par ne plus en être un à force d’installer la mise en scène dans une atmosphère ouatée où le pêché de redondance guette.
Thomas Baurez
PREMIÈRE N’A PAS AIME
LA JEUNE FEMME A L’AIGUILLE ★★☆☆☆
De Magnus van Horn
Dans le Danemark de 1918, une jeune ouvrière (Vic Carmen Sonne, intrigante) abandonnée par son mari vit dans la misère, se tape le patron de l’usine qui la met enceinte avant de la larguer, son mari revient défiguré de la guerre, elle le jette, elle essaie de s’avorter à l’aiguille aux bains publics… Une aimable confiseuse (la toujours géniale Trine Dyrholm) va la sauver et l’entraîner dans un drôle de trafic d’enfants. Tourné dans un noir et blanc très soigné avec une musique ambient cauchemardesque, le film mélange détails atrocement sordides et envolées oniriques, entre Katie Tippel et Elephant Man. Sans hélas l’énergie de Verhoeven ni la vision de Lynch, ou la force du Lars Von Trier de la grande époque -celle de Breaking the Waves ou de Dancer in the Dark… Reste un film de vampire crapuleux, qui semble très bien savoir ce qu’il fait pour choquer son public : à quel endroit planter les aiguilles.
Sylvestre Picard
Et aussi
Doux Jésus, de Frédéric Quiring
Les Guerres de Christine S., de Philippe Valois
Moon le panda, de Gilles de Maistre
Les reprises
Brice de Nice, de James Huth
Leïla et les loups, de Heiny Srour
Requiem for a dream, de Darren Aronofsky
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