Cannes jour 4
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Tous les jours, le point à chaud en direct du 78e festival de Cannes.

Le film du jour : Eddington d’Ari Aster (en comédie)

Avant, Ari Aster réalisait des films d’horreur – Hérédité ou Midsommar. Maintenant, il signe des comédies noires – Beau is Afraid et aujourd’hui Eddington. Mais ses comédies sont encore plus flippantes et cauchemardesques que ses films d’horreur…

Le cauchemar que dépeint Eddington, c’est celui de l’Amérique d’aujourd’hui – ou de mai 2020, très précisément, quand le shérif d’un bled du Nouveau-Mexique (Joaquin Phoenix) part en vrilles politico-psychotiques, sur fond d’épidémie de Covid et de manifs Black Lives Matter. Le film, une sorte de western avec des smartphones à la place des flingues (mais quand même aussi avec des flingues), nous plonge dans la folie US ordinaire contemporaine – théories conspi, fake news, délires sectaires, polarisation politique en surchauffe, la totale – avec une rage assez démente.

Ereintant, hilarant, terrifiant, constamment surprenant, Eddington confirme le génie formel éblouissant d’Ari Aster. Au moment où on écrit ces lignes, en plein milieu de la nuit, le débrief du film dans l’appart Première dure depuis bientôt six heures. Et n’a pas l’air prêt de s’arrêter. 

Eddington Cannes 2025
ABACA

L’interview du jour : Kristen Stewart pour The Chronology of Water

Pour son premier long de réalisatrice, elle signe un film puissamment sensoriel en adaptant le roman autobiographique de Lidia Yuknavich qui y racontait comment elle avait réussi à s’extirper par la littérature d’un environnement familial toxique ravagé par la violence. Kristen Stewart s’est confiée à Première sur son processus de création à rebondissements.

"Ce que j’ai ressenti en lisant The Chronology of water va bien au-delà du coup de foudre : il a fait surgir un nombre hallucinant de cadavres bien planqués jusque là chez moi dans un placard. J’ai même commencé à réfléchir au film que je pourrais en faire avant même de l’avoir terminé mais il m’a fallu énormément de temps pour réussir à faire tenir en un seul long métrage les mille et une pièces qui composent ce kaléidoscope. J’ai pris des années pour écrire ma version de chaque page du livre. Ce scénario a donc évolué en fonction de mon évolution personnelle. J’ai grandi, j’ai mûri, mon rapport au livre aussi. Si bien que ma version finale du scénario contenait cinq films différents.

Mais en dépit d’un budget serré, j’ai tout tourné car j’étais certaine que ce serait le seul moyen de trouver mon film. En fait, la confection de The Chronology of water a ressemblé à du free jazz. Et pendant au moins un an, durant tout le début du montage, je pensais que j’avais tout foiré. Je traversais une sorte de deuil tant je m’en voulais de ne pas avoir été à la hauteur. Et puis d’un coup, le film m’est apparu. J’avais réussi à construire mon kaléidoscope. Et parmi la quinzaine de films possibles à partir de mes rushes, je suis parvenu à en faire un. Qui ressemble à ce que j’avais ressenti comme lectrice. Le voyage fut long et éprouvant mais je ne me suis jamais sentie autant en vie"

Kristen Stewart sur le tournage de The Chronology Of Water
© Les films du Losange Instagram / Andrejs Strokins

La révélation du jour : Nadia Melliti dans La Petite dernière de Hafsia Herzi

On pourrait passer des heures et des pages à lister pourquoi on a adoré le nouveau long métrage d’Hafsia Herzi qui marque sa première sélection dans la compétition cannoise, quelques mois après son César de la meilleure actrice. Sa mise en scène vibrante qui magnifie les visages, les regards et les corps, Sa virtuosité dans l’art des dialogues. Sa même maestria à orchestrer des scènes chorales agitées que les moments intimes de découverte de la chair et de la passion amoureuse. La manière dont elle a su faire sien l’héritage de celui qu’elle considère comme son mentor, Abdel Kechiche.

Mais dans cette adaptation du roman autobiographique de Fatima Daas mettant en scène l’émancipation d’une jeune femme musulmane lesbienne, elle impressionne aussi par son sens du casting et de la direction d’acteurs. Avec comme figure de proue, celle qui incarne le rôle-titre, vierge de toute expérience cinématographique, choisie après des mois et des mois de casting. Nadia Melliti qui a pratiqué le football à haut niveau (notamment dans l’équipe U19 du PSG) et dont la présence, l’intensité, le charisme illuminent autant qu’ils crèvent l’écran. Dans la tchatche comme dans l’écoute. Dans les moments où son personnage se fissure comme dans ceux où elle prend le lead et occupe tout l’espace. Plus qu’une simple révélation, un surgissement.

La Petite Dernière
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La perf du jour : Claes Bang dans L'Inconnu de la Grande Arche 

Vous connaissez Claes parce qu’il était venu à Cannes pour The Square, un carré, là c’est pour un cube. Claes, tu es le plus grand acteur géométrique qui soit.” 

 C’est par ce bon mot que Stéphane Demoustier a introduit Claes Bang lors de la présentation de L’inconnu de la Grande Arche, en compétition à Un Certain Regard. L’histoire folle de l’architecte danois Johann Otto von Spreckelsen, concepteur de la Grande Arche de la Défense, racontée dans un roman-enquête paru en 2016 et portée à l’écran par le réalisateur de Borgo. Un Brutalist à la française qui nous replonge dans les années 80 pendant le premier septennat de François Mitterrand.

Le grand Bang porte le film sur ses larges épaules et incarne à merveille ce rêveur, plus artiste que bâtisseur, qui remporte le concours à la surprise générale et va se retrouver confronté à la dure réalité d’un chantier démesuré, pris entre les contraintes politiques (dont Xavier Dolan en conseiller du président) et le pragmatisme de l’architecte français (Swann Arlaud) appelé à la rescousse pour mener à bien le projet. De l’insouciance à la vanité, il épouse la trajectoire icarienne de son personnage avec une justesse folle, jusque dans sa maitrise des dialogues dans la langue de Molière (qu'il ne parle pas du tout). Une partition première Claes. 

L'Inconnu de la Grande Arche
Le Pacte

La tyrannie du jour : The Plague de Charlie Polinger

On ne savait pas trop à quoi s’attendre avec The Plague (« la peste »), premier long de sorte de Charlie Polinger, sélectionné en Un Certain regard et où Joel Edgerton (également producteur) passe une tête. La rumeur cannoise, pas totalement fausse, parlait d’un thriller en milieu adolescent : on est en fait plus proche du drame que du film à suspense, même si le niveau de tension y est tout à fait spectaculaire.

L’histoire se déroule aux États-Unis, dans un camp d’été de water-polo pour garçons de 12-13 ans. Fraîchement arrivé, Ben découvre que les autres mômes ont pris en grippe un de leur camarade, atteint d’éruptions cutanées sur une bonne partie de son corps et désormais traité comme un pestiféré. Extrêmement gêné par la situation, Ben est partagé entre son instinct qui lui dicte de mettre fin à ce harcèlement horrible et l’envie de se faire accepter par le groupe…

The Plague traduit très justement la complexité de l’adolescence, multiplie les tours de force visuels (les scènes shootées sous l’eau) et révèle (au moins) deux jeunes acteurs : le déjà très impressionnant Everett Blunck et la formidable tête à claques Kayo Martin. On ne sait pas encore quand ça sortira chez nous, mais il faudra répondre présent le jour J.

The Plague
Festival de Cannes

La voix du jour : Mylène Farmer dans Dalloway 

Après son très remarqué (et très émouvant) hommage à David Lynch lors de la cérémonie d’ouverture du festival, Mylène Farmer revient par la petite porte dans Dalloway de Yann Gozlan (Burn Out, Boîte Noire, Visions…), présenté en séance de minuit. Elle est y est la voix d’une intelligence artificielle qui contrôle l’appartement de Clarissa (Cécile de France, toujours super), romancière en panne sèche d’inspiration, qui tente de se débloquer en rejoignant une résidence d’artistes. Mais l’assistante virtuelle devient de plus en plus intrusive…

Un rôle d’une importance capitale, sur lequel repose une bonne partie du suspense et de la crédibilité du projet. Farmer est d’une subtilité totale, à la juste frontière entre l’intonation légèrement robotique d’une IA et des modulations beaucoup plus humaines. Dommage que le film tire en longueur et peine à entretenir le trouble entre thriller complotiste et potentiel délire paranoïaque de son héroïne.

Mylène Farmer Cannes 2025
ABACA

Aujourd’hui à Cannes

On se fait un petit Kika à la Semaine de la critique (où passe également Des Preuves d'amour en Séance spéciale), on rattrape Sons of the Neon Night (la Séance de minuit d'hier soir) et on enchaîne Nouvelle Vague de Richard Linklater et Die My Love de Lynne Ramsay en compétition, ainsi que Dangerous Animals à la Quinzaine des réalisateurs. Pas mal, non ?

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