Pierre Lescure, Tom Cruise et Thierry Frémaux à Cannes 2022
ABACA

Tous les jours, entre le film, l'interview et le fait du jour, le point à chaud en direct du 75e festival de Cannes.

Le film du jour : La Femme de Tchaïkovski de Kirill Serebrennikov

La course à la Palme démarre fort. Pour sa troisième participation à la compétition, Kirill Serebrennikov nous gratifie d’une sacrée claque, tout en montrant sa capacité à se renouveler sans ne rien perdre de la puissance de sa mise en scène. Après l’univers rock en noir et blanc de Leto, après puis le trip fébrile et surréaliste de La Fièvre de Petrov, le voici aux commandes d’une histoire d’amour impossible et donc tragique : l’union entre Piotr Tchaïkovski et Antonina Milioukova à laquelle le compositeur du Lac des cygnes a consenti en 1877 pour tenter de cacher son homosexualité qui commençait à ternir sa réputation. A travers elle, Serebrennikov signe un magistral portrait de femme, amoureuse jusqu’à la déraison, prête à tout endurer pour rester auprès d’un homme qui, lâche, demande à ses proches de tout faire pour l'éloigner. L'actrice Alenina Mikhailova déploie une intensité et une capacité fascinante à incarner les facette multiples et contradictoires de cette Antonina. Elle met la barre très haut dans la course au prix d’interprétation féminine.

La Femme de Tchaïkovski ouvre magistralement la compétition cannoise [critique]

 

La star du jour : Tom Cruise

Tom Cruise à la rescousse ! Alors que l’industrie du cinéma toute entière, mise à mal par le Covid, l’essor du streaming et un contexte international peu propice à la gaudriole, tremble sur ses bases (un malaise dont a témoigné la cérémonie d’ouverture du 75ème festival de Cannes), qui pour venir à son secours ? Tom Cruise, bien sûr. La plus grande superstar de la galaxie était de retour à Cannes, trente ans après Horizons lointains. Il a été accueilli comme il se doit, comme l’incarnation absolue d’un star-system lui aussi déclinant, mais qu'on pourrait grâce à lui croire éternel : projection de l’euphorisant Top Gun : Maverick, master class ponctuée de jolies punchlines ("Pourquoi je fais des cascades ? C’est comme demander à Gene Kelly pourquoi il dansait !"), survol du Palais des Festivals par la Patrouille de France, et une Palme d’or spéciale pour emballer le tout. Tom Cruise peut retourner fignoler ses prochains blockbusters, ouf, on respire, les stars brillent encore, le cinéma continue de faire rêver. Mission : accomplie.

La blague du jour

Alors que Tom Cruise emmène les spectateurs au septième ciel et que la Patrouille de France fait rugir ses F-18 (ou un modèle dans ce goût-là) à des années-lumières du boucan et du spectacle chromé côté Palais, ambiance beaucoup plus rurale, indé et politique à la Quinzaine des réalisateurs. Après un discours vénère (pour le maintien de l'exception culturelle et contre le règne omnipotent des plateformes), les représentants de la SRF remettent le carrosse d'or à Kelly Reichardt, cinéaste de la lenteur, de la sérénité et de l'americana. Un beau clip bucolique et contemplatif pour résumer sa carrière, et hop, la cinéaste monte sur scène. Elle remercie ses collaborateurs, et enchaîne : "Ce prix me donne surtout l'occasion de raconter une histoire. Quand j'avais 16 ou 17 ans, alors que je m'apprêtais à quitter la Floride pour vivre ma vie de réalisatrice - sans trop savoir ce que ça voulait dire -, ma mère a vu un livre dont la couverture représentait une femme qui tenait une caméra. Elle m'a offert ce livre en inscrivant sur la page de garde : 'peut-être qu'un jour l'histoire de cette femme sera aussi la tienne'".

Pause, traduction, applaudissements.

"Ce livre racontait la vie de Leni Riefenstahl" (la réalisatrice du 3e Reich, NDLR) .

Demain à Cannes

Grosse journée en compétition : on découvrira d'abord Armageddon Time, le nouveau film de James Gray, qui revient à Cannes en mode autobiographique, neuf ans après The Immigrant. Puis le nouveau Jerzy Skolimowski, Hi-Han, qui raconte le parcours d'un âne changeant de propriétaires tout au long de sa vie - à la Au Hasard Balthazar, le road movie devrait être un prétexte à la peinture des travers humains...

On surveillera également Rodéo, le premier film de Lola Quivoron à Un certain regard et Hunt, le thriller coréen réalisé par la star de Squid Game, Lee Jung-Jae, en séance de minuit.