Top Gun : Maverick (critique)
Paramount Pictures

Parfois alourdie par sa déférence envers le classique de Tony Scott, cette suite tardive n’en reste pas moins un "ride" grisant, porté par un Tom Cruise conquérant.

Tony Scott, réalisateur du premier Top Gun en 1986, résumait les choses ainsi : "Les scènes entre les personnages ne sont que des pauses entre les scènes d’avions". En gardant cette idée en tête, on ne peut pas trop en vouloir à Top Gun : Maverick d’être plus à l’aise dans les airs que sur le plancher des vaches. On dira que c’est une manière de rester fidèle à l’original… A terre, cette suite tardive (36 ans après !) est en effet plombée par une espèce de nostalgie surjouée, mécanique. Photos jaunies accrochées au mur, flashbacks, hommages aux vétérans du premier film…Cette révérence excessive envers le passé ne provoque que très peu d’émotion, d’abord parce qu’on commence à être franchement lassé de la fixette eighties dans laquelle se noie le cinéma américain mainstream depuis une bonne quinzaine d’années (le réalisateur Joseph Kosinski a lui-même commencé sa carrière de cinéaste avec TRON : L’Héritage, en 2010), mais aussi parce que ce passéisme appuyé souligne par ricochet les limites de la mythologie Top Gun, l’étroitesse d’un univers quand même assez rudimentaire (patriotisme tout sourire, femmes cantonnées à la figuration…). Difficile de convoquer des extraits du premier film sans attirer l’attention sur le fait qu’elles ne sont pas du tout les vignettes de grand cinéma classique qu’on aimerait nous faire croire qu’elles sont. L’expulsion franchement inélégante du personnage de Kelly McGillis au profit d’un nouveau love interest joué par Jennifer Connelly, parachuté artificiellement dans l’intrigue, montre bien le rapport compliqué que Top Gun : Maverick entretient avec le film originel.

Tom Cruise s'improvise instructeur dans la nouvelle bande-annonce de Top Gun : Maverick
Paramount

Maverick décolle totalement, en revanche, quand il se laisse aller aux joies de la vitesse, de l’euphorie cinétique, de la sensation pure. Sans singer l’esthétique « soleil couchant » de Tony Scott, Joseph Kosinski impose sa patte, élégante, mélange de chromos Americana post-Michael Bay et de fluidité supersonique. Les scènes aériennes clouent franchement au fauteuil. Les vingt premières minutes, qui conjuguent L’Etoffe des héros et Rock à l’heure des drones de combat, procurent un plaisir de cinéma suprême. Beaucoup de choses ici, en vérité, sont bien meilleures que dans le Tony Scott – à commencer par l’intrigue "militaire", Tom Cruise et le fidèle Christopher McQuarrie (ici producteur et co-scénariste) s’amusant en cours de route à transformer ce Top Gun 2 en une sorte de Mission : Impossible 6 ½. Arrivé dans le film en vétéran fatigué, presque en fantôme (c’est sans doute le premier film de sa carrière où l’acteur joue autant sur son âge, sur une forme d’inadaptation au monde contemporain), confronté au rôle qui l’a mis sur orbite et qui a défini sa persona, Tom Cruise ressort de l’aventure régénéré, presque ressuscité, affirmant sa nature de super-VRP de "l’expérience cinéma" (c’est un film à voir en salles, obligé). La mythologie de Top Gun est peut-être limitée, mais celle de sa star, elle, semble inépuisable.

Top Gun : Maverick, de Joseph Kosinski, avec Tom Cruise, Miles Teller, Jennifer Connelly… Au cinéma le 25 mai.