Festival de Cabourg 2023- Jour 2
Fred Gervais/ Salzgeber & Co. Medien/ StudioCanal

Chaque jour, retour sur les temps forts de l’édition 2023 du festival du film romantique.

Le bonheur du jour : Simple comme Sylvain de Monia Chokri

On avait craqué pour La Femme de mon frère en 2019, adoré Babysitter l’an passé. Inutile donc de préciser notre niveau d’attente devant le troisième long métrage mis en scène par Mounia Choukri. Et le film dépasse encore ces attentes. La Québécoise y met en scène Sophia une prof de philo qui va faire voler en éclats son couple de 10 ans par coup de foudre pour Sylvain, le charpentier en charge de rénover leur maison de campagne. Avec cette rom’com’, la cinéaste décide de scruter le couple et l’amour mais en mode lutte des classes, façon choc entre le Québec d’en haut et le Québec d’en bas. Son sens du comique de situations et des dialogues aussi hilarants que percutants s’y déploient majestueusement, parce qu’elle n’avance pas avec le frein en terrain parfois miné. Les tenants du politiquement correct risqueront de s’étrangler par exemple devant le dîner dans lequel Sophia rencontre la famille de Sylvain et va de consternation en consternation devant les propos flirtant avec la beaufitude qu’ils tiennent. La scène est casse- gueule mais, parce que Mounia Choukri aime ses personnages et ne doute jamais de son regard porté sur eux, elle fait mouche sans mépris, ni condescendance. Même absence de snobisme dans la BO où Thelonious Monk côtoie le Still loving you des Scorpions et Linda Ronstadt le duo des 80’s La première fois qu’on s’aimera Michel Sardou/ Sylvie Vartan. Ce geste comme sa manière de parler d’amour est politique, en raillant les a priori et les esprits de chapelle sans pour autant faire de la rencontre des contraires un salut. Joyeux, grinçant et souvent poignant, Simple comme Sylvain touche juste.

En salles le 8 novembre 2023

 


La révélation du jour : David Warner avec Lieutenant Eismayer

« Les pédés n'ont rien à faire dans l'armée. C'est comme mettre des pédophiles dans un jardin d'enfants.” Cette phrase prononcée par un gradé de l’armée autrichienne dans ce premier long métrage est d’autant plus glaçante que celui- ci est inspiré d’une histoire vraie. Celle du coming out de l’instructeur le plus redouté de l’armée de son pays qu’on pourrait croire échapper du Full metal jacket de Kubrick. Derrière la caméra, David Warner a le mérite de ne jamais précisément se contenter de suivre scolairement ce récit programmatique aussi édifiant soit- il. Tant dans la relation de ce Lieutenant Eismayer avec sa femme que dans son trouble grandissant pour une jeune recrue fraîchement arrivée à la caserne et affichant lui ouvertement son homosexualité. Et c’est parce qu’il sait mettre du dynamisme dans son récit que rien ne paraît appuyé ou pataud et que les scènes attendues d’explication fonctionnent. Mais aussi parce qu’il sait écrire une diversité de personnages et aller au- delà des archétypes qui les caractérisent dans les premiers instants. Grand Prix de la Semaine de la Critique de la Mostra 2022, Lieutenant Eismayer révèle un talent à suivre.  

En salles le 13 décembre 2023


Le duo du jour : Karin Viard et Alex Lutz dans Une nuit

Un métro bondé. Une bousculade. Le ton qui monte entre un homme et une femme avant que ce ping- pong verbal sous tension bascule en une irrésistible montée de désir et que ce quadra et cette quinqua passent des noms d’oiseaux à une étreinte passionnée dans la cabine d’un photomaton. Ainsi débute le nouveau long métrage d’Alex Lutz, le troisième après Le Talent de mes amis et Guy, co- écrit avec sa co- interprète Karin Viard et qui raconte donc une nuit comme échappée aux petits tracas du quotidien. Une nuit pour refaire le monde, confesser ses histoires passées, vivre intensément le présent sans forcément se projeter dans le futur. C’est drôle, vif, émouvant tout en dressant, sans jamais pontifier, un état des lieux des relations hommes- femmes d’aujourd’hui. C’est surtout porté par un duo d’enfer dont la complicité alimente ce feu qui brûle leurs personnages et fait même oublier un son double twist final (que nous ne dévoilerons évidemment pas) qui aurait gagné à être zappé pour ne pas briser le charme quelque peu hors- sol de ces moments.

En salles le 5 juillet 2023