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Mark Hamill est en couverture de Première. Extraits.

Alors que la nouvelle bande-annonce de Star Wars 8, de Rian Johnson, vient de tomber, nous publions le début de l'interview de Mark Hamill issue du 479e numéro de Première. A découvrir en entier dans les kiosques.

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Le meilleur rôle de Mark Hamill, c'est Mark Hamill : toujours en représentation, toujours prêt à livrer une anecdote, exécuter une imitation (c’est littéralement un génie dans cet exercice) ou enregistrer sur un smartphone un message de félicitations pour le mariage d'une consœur (« que la Force soit avec toi pour ton mariage » avec cette voix si chaude, si particulière). Rajeuni, ressuscité par son come-back dans Star Wars – Le Réveil de la Force, Hamill a finalement dépassé le simple statut d’idole de conventions de fans. Aujourd’hui, George Lucas et Harrison Ford font profil bas ; Carrie Fisher a disparu ; c'est donc à lui qu’échoit la mission d’être le dernier gardien de la légende Star Wars. N’attendez pas de lui un spoiler sur les épisodes VIII et IX de la saga – il sait que chacun de ses mots sera repris, jugé et analysé par la presse et le fandom. C’est un sage. Un homme qui en a beaucoup vu. Assis en tailleur sur son fauteuil, Mark Hamill ressemble à un bodhisattva cool et barbu, aussi volubile et imposant que son apparition dans L’épisode VII était brève et silencieuse. Et quelle apparition ! Épilogue parfait, moment bouleversant de gravité où le visage de Luke, d'une beauté usée, exprimait une nostalgie et une inquiétude immenses. C'est peut-être par là qu’il faut aborder le dernier des Jedi.

Par Sylvestre Picard

PREMIÈRE : Commençons par évoquer la fin de l’épisode VII : que pensiez-vous de l’idée de revenir avec une scène aussi brève, sans dialogue ?
MARK HAMILL : J'ai dit à J.J. Abrams que la fin du Réveil de la Force était l'introduction d'un personnage la plus élaborée de toute l'histoire du cinéma. Tout le monde parle de Luke pendant deux heures et on ne le voit que deux minutes à la fin. Je me rappelle qu’en lisant le script de L'épisode VII, au moment du duel entre Kylo et Rey, quand le sabre-laser file à travers l'écran, j'ai crié : « Génial ! C'est là où j'apparais ! Le sabre-laser va arriver dans la main de Luke ! » Et… Non. (Rire.) Pour cette scène de fin, J.J. ne m'a pas vraiment dirigé, on a simplement parlé du ton général de la scène. En fait j’ai laissé passé plusieurs types d’émotion sur mon visage sans parler, en une seule longue prise, pour qu'il puisse faire son choix au montage. J'ai joué la surprise, l’interrogation, la méfiance... Mais jamais je n’ai pris l’air accueillant ou amical. Et J.J. a tout gardé.

Ce qui surprenait aussi, c’était cette barbe. Elle vient d'où ?
Elle est vraie. Ma femme l'adore. Et ça cache mes bajoues. Si je me rase je ressemble à Richard Nixon. J'aime le look de Luke âgé parce que ça montre le passage du temps. Les gamins pensent que j'ai tourné les premiers Star Wars le mois dernier. Quand leurs parents qui me croisaient disaient à leurs enfants « regarde, c'est Luke », ils étaient terrifiés ! Ils devaient se demander ce qu’il m’était arrivé ! Maintenant Luke a vieilli, c'est bon, c'est acté. Je vais faire moins peur aux gamins.

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Après Le Retour du Jedi, pensiez-vous rejouer Luke un jour ?
Je me demandais si j'allais revenir au rôle. George se sent tellement mal quand il tourne un film. (Il fait une voix timide.) « Coupez ! Bon, euh. Mmm. Mmmm. Refaites-la... Mais en mieux. » Voilà le genre de direction d'acteurs nommée à l'Oscar. (Rire.) Il essayait de nous encourager, mais il sentait bien que ce qu'il faisait ne serait jamais à la hauteur de son imagination, alors il était toujours vaguement déprimé. Pendant le tournage des prequels, quand je l'appelais ou quand je visitais le plateau, il me répétait : « Je ne ferai pas les épisodes VII, VIII, IX. Je ne veux pas tourner ça quand j'aurai 70 ans. » Et je lui répondais : « Je ne te le reproche pas. » Je pensais sincèrement que la nouvelle trilogie serait tellement éloignée dans le futur de Star Wars qu'ils n'auraient même pas besoin de nous.

Comment avez-vous été convaincu ?
C'était prévisible, d'une certaine façon. On avait fait une trilogie début-milieu-fin, et puis il y a eu cette longue pause... Je ne pensais pas que George allait mettre seize ans à faire les prequels. Trois ou quatre ans, tout au plus. Les épisodes I, II et III ont montré que l'enthousiasme et la passion des fans n’avaient pas faibli. Je me souviens... C'était l'été 2012, pour la Star Wars Celebration. On a reçu un coup de fil de George qui voulait déjeuner avec Carrie et moi. Je me suis dit qu’il devait préparer quelque chose, parce qu'il ne voulait que nous deux – pas nos femmes, pas sa fille... Carrie m'a dit qu'il devait vouloir tourner une nouvelle trilogie. Je me suis marré, en pensant : non, il ne peut pas, il ne veut pas... Il l'avait dit. No more Star Wars. Et là il nous annonce qu'il passe la main à Kathleen Kennedy et qu’il compte tout vendre à Disney. « Je vais acheter des actions Disney », j'ai pensé. « On va faire une nouvelle trilogie, si vous ne voulez pas, on ne vous recastera pas. » Carrie a gueulé : « Je suis partante ! Il y a une place pour ma fille aussi ?» Moi, j’ai fait ma meilleure « poker face ». Je suis resté impassible. Après, j'ai seulement dit à Carrie : « Ne sois pas si enthousiaste ! Sinon ils te voudront moins. » C'est comme cette nana du lycée, plus tu lui montrais que tu la désirais, moins elle voulait sortir avec toi.

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Quel était votre état d'esprit à l'idée de retrouver le personnage de Luke ?
J'étais terrifié. Les gens avaient été tellement méchants avec la Prélogie… J'étais sûr que Harrison Ford ne le ferait pas. Il est trop riche, trop installé, trop grognon. Mais il fallait qu’on soit tous là, sinon, ça aurait été comme de réunir les Beatles sans Ringo. On devait être là, tous les trois. Je ne l'ai pas fait pour l'argent, je vous le jure. J'ai économisé et je n'ai plus besoin de travailler. Mais dès que j'ai appris que Harrison le faisait, j'ai su que j'étais enrôlé. Si je ne l'avais pas fait, j'aurais été le mec le plus haï du fandom. Ils m'auraient attendu devant ma maison avec des fourches et des sabres-laser, comme la foule à la fin de Frankenstein. Cependant, à nos âges il y a un réflexe de méfiance, de résistance. Carrie a survécu avec son humour cynique qui cachait une vraie vulnérabilité. C'était une femme très forte, mais elle était aussi très tendre et douce. Quand on s’est rencontrés, elle avait 19 ans et j’avais 24 ans. C'était une gamine pour moi ! (Rire.) C'est terrible, sa disparition. Cela ajoute de la mélancolie à un film qui n'en avait pas besoin. Je lui en veux. Elle aurait dû être là pour sa nomination à l'Emmy (pour le téléfilm “Catastrophe”). Elle aurait dû être là pour Les Derniers Jedi. Pour L'épisode IX. Carrie me faisait confiance. Elle savait que je n'allais pas profiter d'elle.

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Les Derniers Jedi sortira le 13 décembre au cinéma. Bande-annonce :