Date de sortie 10 décembre 2015
Durée 115 mn
Réalisé par Jacques Audiard
Avec Jesuthasan Antonythasan , Kalieaswari Srinivasan , Vincent Rottiers
Scénariste(s) Jacques Audiard, Thomas Bidegain, Noé Debré
Distributeur UGC Distribution
Année de production 2015
Pays de production France
Genre Thriller
Couleur Couleur

Synopsis

Dheepan est un combattant de l'indépendance tamoule, un Tigre. La guerre civile touche à sa fin au Sri Lanka, la défaite est proche, Dheepan décide de fuir. Il emmène avec lui une femme et une petite fille qu'il ne connaît pas, espérant ainsi obtenir plus facilement l'asile politique en Europe. Arrivée à Paris, cette «famille» vivote d'un foyer d'accueil à l'autre, jusqu'à ce que Dheepan obtienne un emploi de gardien d'immeuble en banlieue. Dheepan espère y bâtir une nouvelle vie et construire un véritable foyer. Bientôt cependant, la violence quotidienne de la cité fait ressurgir les blessures encore ouvertes de la guerre. Le soldat Dheepan va devoir renouer avec ses instincts guerriers pour protéger ce qu'il espérait voir devenir sa «vraie» famille...

Toutes les séances de Dheepan

Critiques de Dheepan

  1. Première
    par Vanina Arrighi de Casanova

    Avant même l’apparition du titre sur l’écran, on comprend que "Dheepan" va se jouer sur le terrain du fantasme. Quand le personnage éponyme émerge du noir, au milieu de lumières clignotantes et au son du "Cum Dederit" de Vivaldi, plan sublime à la dimension mystique qui coupe déjà le souffle, on sait que Jacques Audiard ne fait pas là son grand film sur l’immigration. "Dheepan" est une fable, douloureuse et puissante, loin de la morale univoque d’une chronique sociale malgré son ancrage dans le réel. Simplement, le réel n’a de réalité qu’à travers le regard des deux protagonistes, Dheepan et Yalini, et se matérialise dans leurs visions, leurs rêves, leurs illusions. Après une courte séquence d’exposition – un charnier, un homme qui finit d’enterrer ses morts, une femme qui cherche à "adopter" une orpheline pour être éligible à l’émigration – dans laquelle Audiard exerce son art de l’économie narrative avec une efficacité redoutable, on sait qu’il ne versera pas dans le misérabilisme. En trois ou quatre scènes, on comprend la guerre et ses ravages, la détresse des personnages qu’on va suivre, ce qu’ils fuient, ce qu’ils espèrent. Arrivés en France, Dheepan, Yalini et Illayaal, la petite fille embarquée au hasard dans cette nouvelle vie, font rapidement les démarches liées à leur statut de réfugiés et sont installés dans une cité qu’on imagine de la grande banlieue parisienne. Jacques Audiard évoquait les "Lettres persanes" pour décrire son projet, et on peut entendre l’écho de Montesquieu dans ce récit qui regarde la France avec les yeux d’étrangers qui la découvrent. Mais l’humour et la clairvoyance des philosophes persans sont ici remplacés par la peur et l’incompréhension des réfugiés tamouls. La misère dans laquelle ils tentent de reconstruire quelque chose, la violence au milieu de laquelle ils doivent vivre finissent par faire ressembler leur terre d’asile à l’enfer qu’ils ont fui. Dans les dealers armés qui contrôlent la cité, ils voient la version occidentalisée des gangs de leur pays. À mesure que le danger prend corps, la nature guerrière de Dheepan se réveille sous son masque placide et explose dans une séquence stupéfiante de violence dont la mise en scène, proche du FPS (first person shooting) des jeux vidéo, rappelle qu’il s’agit moins de montrer le réel que le cauchemar ou peut-être le rêve de vengeance enfin assouvi du personnage principal. Énoncé dès le départ, le rêve de sa compagne d’infortune conditionne, lui, la fin du film, très mal reçue par le public cannois. On peut en effet y voir un bras d’honneur fait à la France, mais on peut aussi le recevoir comme un fantasme de cinéma, le moment où les illusions de Yalini deviennent réalité ; où, dans des banlieues propres et fleuries, les voisins, de toutes origines, se rassemblent le dimanche autour d’un barbecue ; où, surtout, on possède un foyer (en France, en Angleterre, au Sri Lanka, peu importe) au sein duquel on peut enfin trouver la paix.

  2. Première
    par Sylvestre Picard

    Même s’il se laisse aller à quelques facilités surprenantes (quand Dheepan picole au fond d’une cave il est violemment éclairé en rouge, been there, done that), la maîtrise formelle d’Audiard n’est plus à démontrer ; les quinze première minutes, avec le bûcher funéraire et l’apparition du titre, sont de vraies baffes. Aucun autre cinéaste français ne sait mêler le réalisme pur et les visions oniriques (chez les autres l’apparition du dieu à tête d'éléphant Ganesh aurait filé direct chez Nanarland). Il nous plonge dans la vraie vie, dans la guerre, le no man’s land, la zone de conflit dans un espace abandonné où la force fait le droit. Cinéma guérilla, comme celle perdue par les Tigres Tamouls : cinématographiquement Dheepan est fait de coups de main imprévisibles, de frappes irrégulières, de travers, de scènes brutales jetées puis abandonnées, parfois avec justesse parfois moins (pourquoi avoir abandonné le personnage de l’ex-colonel tamoul ?) et c’est ça aussi la guerre. Non pas l'affrontement mais son incertitude.

    Au fond l’exploit du film est de ne pas parler d’immigration (qui pourrait amener des débats nauséabonds) mais d’intégration ou plutôt de réintégration. Dheepan raconte le combattant revenu de la guerre qui réalise (ou pas) qu’il a passé humainement un point de non-retour. C’est Les Guerriers de l'enfer, Rambo et compagnie et effectivement, Audiard, qui aime sincèrement les films de genre, se permet donc à partir de ce pitch de traiter le drame du come-back en lui greffant un compte à rebours violent vers le vigilante movie qui explose dans son ultime chapitre. Mais Dheepan raconte aussi la formation d’une famille envers et contre tout, entre le héros et sa fausse compagne, à travers des crises plus ou moins violentes, ce qui curieusement affaiblit le film. Non pas à cause de l’héroïne (Kalieaswari Srinivasan, incroyable) dont le récit de sa relation touchante avec le big boss de la téci (Vincent Rottiers) est aussi fort que celui de Dheepan, mais tout simplement parce qu’il donne au film un épilogue assez peu crédible en forme d’happy end ensoleillé, qui affaiblit forcément l’impact du film.

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