Mortal Engines
Universal

Le réalisateur du Seigneur des Anneaux a co-écrit et produit cette adaptation de l’univers steampunk de Philip Reeve.

Première diffusion en clair pour Mortal Engines, ce soir sur TMC, quelques jours après sa mise en ligne sur Netflix. Un film de SF qui ne manque pas d'ambition, comme nous l'écrivions à sa sortie, en décembre 2018. Notez que son co-scénariste et producteur Peter Jackson a depuis sorti un documentaire en trois parties à ne pas manquer sur les Beatles, Get Back, diffusé sur Disney Plus.

Mortal Engines est né de la longue amitié entre Peter Jackson et Christian Rivers

A l’heure où les adaptations de comics, suites et remakes se multiplient à Hollywood, Mortal Engines augurait un peu de fraîcheur, avec son histoire de mégalopoles roulant sur la Terre pour dévorer de plus petites villes, son design steampunk et son casting rempli de jeunes acteurs méconnus. La promesse est en partie tenue : cette adaptation d’un roman pour ados de Philip Reeve écrite par Peter Jackson, Fran Walsh et Philippa Boyens (l’équipe derrière Le Seigneur des Anneaux) et réalisée par Christian Rivers (spécialiste des effets spéciaux qui s’est formé auprès de Jackson) ne manque effectivement pas d’ambition.

Esthétiquement, Mortal Engines est très réussi. On comprend d’emblée pourquoi Peter Jackson a misé sur Rivers, chargé de concevoir les storyboards et multiples effets visuels de ses précédents films, de Braindead au Hobbit en passant par Fantômes contre fantômes ou King Kong. La scène d’ouverture est bluffante : la ville-monstre de Londres, dotée de puissants moteurs et de roues de la taille d’immeubles, poursuit un village bavarois. La course folle des deux engins, lancés à pleine allure au beau milieu d’une terre dévastée, évoque le combat de David contre Goliath, l’ogre dirigé par l’autoritaire Thaddeus Valentine (Hugo Weaving) étant si puissant qu’on s’attache immédiatement à sa victime, petite cité faite de bric et de broc qu’on rêverait de voir s’échapper. La caméra file de l’un à l’autre, change d’échelle pour donner aussi un aperçu des habitants des villes en question et met tout de suite dans l’ambiance : l’univers mécanique, fait de tôle et d’objets récupérés ici et là, a en grande partie été construit en dur. L’équipe a obtenu un budget conséquent (environ 100 millions de dollars) pour designer tout cela et ça se voit : esthétiquement, le résultat vaut vraiment le coup d’œil.

L’autre défi de Jackson et ses coéquipiers, c’est d’avoir misé sur un casting de comédiens méconnus. Le plus célèbre d’entre eux est donc Hugo Weaving, déjà dans Le Seigneur des Anneaux, qui apporte charisme et droiture à un personnage assez ambigu. Ensuite, ils ont fait appel à Stephen Lang (le méchant d’Avatar) pour un rôle absolument méconnaissable : il joue Shrike en performance capture, un personnage clé de l’intrigue dont on ne dévoilera pas l’histoire ici pour garder la surprise. Le jeune Tom, qui se retrouve malgré lui à s’opposer à Valentine auprès de l’héroïne Hester Shaw, est incarné par l'Irlandais Robert Sheehan, vu notamment dans la série Misfits, et enfin la jeune fille qui porte le film est une quasi-inconnue : Hera Hilmar est une Islandaise de bientôt 30 ans, vue en second rôle dans Anna Karénine et Two Birds. Quant à Anna, une pilote sans peur dont la tête est mise à prix, elle est jouée par la musicienne coréenne Jihae, plus célèbre pour ses titres rock que pour sa carrière au cinéma (pour l’instant, on l’a surtout vue dans la série Mars). Ce choix de monter un tel blockbuster sans star à proprement parler est audacieux, et ça paye : il est effectivement rafraîchissant de suivre ces comédiens encore peu vus sur grand écran.

Ce qui pêche, en revanche, c’est l’intrigue, qui peine à captiver de bout en bout tant elle fait défiler très rapidement une multitude d’enjeux et de personnages. Mieux vaut trop que pas assez ? Dans l’ensemble, les enjeux de Mortal Engines sont sombres, traités avec sérieux, et ils ouvrent vers des réflexions politiques intéressantes (sur le Brexit, entre autres), mais parfois, c’est plutôt bancal : on a par exemple du mal à comprendre pourquoi le peuple de Londres est aussi fier d’aller combattre. Certes, leur mentor est montré comme un être charismatique, mais de là à le suivre aveuglément pour assister à un conflit comme s’il s’agissait d’un spectacle… C’est d’autant plus perturbant que certaines scènes de combat "choc" rythment l’intrigue en insistant bien sur le fait que les actes de chacun peuvent avoir de véritables conséquences meurtrières. Côté émotion, seul le parcours de Shriker est efficace, les autres sous-intrigues étant trop effleurées pour vraiment fonctionner. Il est d’ailleurs dommage que plusieurs personnages qu’on pensait d’abord importants soient si vite laissés au bord de la route, tant les scénaristes ont des choses à raconter. Même le duo principal est parfois sacrifié pour faire avancer l’histoire ! Enfin, les multiples références au 7e art sont trop appuyées : Terminator est notamment cité plusieurs fois, jusque dans la musique (signée Junkie XL, le compositeur de Mad Max Fury Road, elle est parfois assourdissante), et plusieurs scènes sont directement inspirées par La Guerre des Etoiles. Au final, à force de ressembler à plein d’autres œuvres, Mortal Engines s’efface peu à peu derrière ses modèles et laisse une impression de déjà-vu. Reste qu’à défaut d’un épisode de Star Wars en cette fin d’année, il devrait tout de même satisfaire les amateurs de SF et de bravoure visuelle.


Mortal Engines : les coulisses de ce film aux visuels époustouflants