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Maillons essentiels dans la vie d’un film, les attachés de presse se sont rassemblés autour d’une association baptisée CLAP pour faire bouger les choses. Entretien à deux voix.

Femmes et hommes de l’ombre, les attachés de presse de cinéma sont essentiels dans la mise en lumière d’un film. En manque de reconnaissance au sein même de l’industrie du cinéma à laquelle ils sont censés pleinement appartenir, certains d’entre eux ont décidé de s’associer pour se faire entendre. De cette nécessité est née le C.L.A.P pour Cercle Libre des Attaché(e)s de Presse de cinéma.

Les attachés de presse sont, en effet, le lien entre le film et le journaliste, celui qui permet à une œuvre d’exister aux yeux des médias (voire d’exister tout court). Lorsqu’un distributeur décide de l’exploitation en salles d’un long-métrage il doit, en effet, réfléchir à une date de sortie idéale et donc à un plan média adapté (affiche, bande-annonce, festival, rencontre avec le cinéaste, les comédiens…). Si certains films bénéficient d’une notoriété évidente, il en va autrement pour des œuvres plus confidentielles parfois extrêmement fragiles. Celles-ci ont donc besoin d’être intelligemment accompagnées sous peine d’être mort-nées.

Outre l’organisation des projections privées pour les journalistes et la planification des interviews et séances photos, un(e) attaché(e) de presse doit avant tout défendre le film auquel elle/il croit. Pour cela, il/elle a tissé des liens de confiance avec les journalistes afin de l’alerter par exemple sur ce film serbo-croate en noir et blanc tourné intégralement à l’envers et entièrement muet mais qui « je t’assure est une merveille poétique ! Viens-le voir tu m’en diras des nouvelles ! »

Un rôle devenu de plus en plus important à l’heure où l’éventail des films proposés chaque semaine ne cesse de s’élargir (et on ne parle pas ici de l’offre de plus en plus abondante des plateformes), rendant souvent difficile notre exhaustivité. Pour évoquer ce « combat », nous avons interviewé Laurence Granec et Viviana Andriani - respectivement la présidente et la trésorière du Clap – mais surtout deux attachées de presse qui défendent depuis plusieurs années le cinéma d’auteur français et international.  

Quand est né le désir de cette association ?

Laurence Granec : Les réflexions remontent à plusieurs mois, mais nous n’avions jamais pris le temps de nous poser pour nous lancer. Cette période particulière avec la soudaine fermeture des salles de cinéma, a précipité les choses. La crise que nous traversons rend plus prégnante encore la fragilité de notre profession. Je parle ici des attaché(e)s de presse indépendants, c’est-à-dire, celles et ceux qui ne sont pas intégrés à un studio ou à une boite de communication. Chacun d’entre nous a compris la nécessité d’être solidaire pour parvenir à surmonter tout ça. 

Quels sont vos principales revendications ?

Viviana Andriani : La reconnaissance de notre métier au sein de l’industrie du cinéma et principalement auprès du CNC. Nous ne siégeons par exemple dans aucune des commissions d’aides et sommes en dehors des réflexions sur l’évolution de l’industrie, contrairement aux producteurs ou aux distributeurs. Or nous travaillions avec ces derniers au quotidien. Lorsqu’un distributeur fournit son devis pour le lancement d’un film et ainsi bénéficier d’une aide éventuelle, le travail de l’attaché(e) de presse est bien-sûr inclus dans son budget. Preuve, s’il en est que nous existons et sommes partie prenante de la promotion d’un long-métrage.

Laurence Granec : … Face à la situation actuelle, le CNC a réuni les producteurs, les distributeurs et les exploitants afin de trouver des solutions pour aider le secteur. Il a été ainsi question du bouleversement exceptionnel de la chronologie des médias pour que des films avancent leurs sorties en VOD voire sortent directement en ligne sans passer par la salle (c’est le cas de Forte de Katia Lewkowicz). Nous sommes restées totalement en dehors de ces discussions. Ce n’est pas normal. Cette association, c’est une manière de dire : « Attention nous sommes fragiles, pourtant notre rôle est important ! » La notoriété d’un film – et je ne parle pas que de succès public – tient en grande partie à notre travail. C’est cette notoriété et donc cette valorisation du travail qui permettent à un cinéaste d’exister au sein de la profession et donc de poursuivre sa carrière. 

Une plus juste reconnaissance passe aussi par un changement des pratiques…

Viviana Andriani : C’est évident.  Il n’est pas normal, par exemple, qu’aucun contrat ne soit signé lorsque nous nous engageons sur un film. Les choses se basent sur la confiance voire l’amitié parfois, mais il faudrait mieux encadrer les choses.

Laurence Granec : …N’ayant aucune protection, il nous est très difficile de faire valoir nos droits. C’est très précaire comme profession. 

Quelle réaction avez-vous reçue au sein de l’industrie ? 

Viviana Andriani : Très positive. Les distributeurs qui sont nos principaux clients, nous soutiennent.

Laurence Granec : Le CNC ne nous a toujours pas répondu officiellement. On nous a promis de nous intégrer aux réflexions en cours avec les pouvoirs publics. Il va falloir se montrer patient.

Tous vos collègues ont-ils répondu présents ?

Laurence Granec : Lorsque nous avons évoqué le lancement de l’association, en moins de 24 heures, nous avons reçu cinquante réponses positives. Cela traduit bien la raison d’être de cette association.