Benicio Del Toro : "Sur Sicario, j'ai tout de suite compris à quel point mon personnage serait radical"
StudioCanal

Le thriller de Denis Villeneuve reviendra ce dimanche sur Arte.

Vous allez en prendre plein la vue, ce soir sur la 7e chaîne avec la rediffusion de Sicario, le film coup de poing de Denis Villeneuve, écrit par Taylor Sheridan (Commancheria) et porté par Emily Blunt, Josh Brolin et Benicio Del Toro. A sa sortie, fin 2015, ce fut un coup de coeur pour première, qui avait d'ailleurs rencontré l'acteur dont le personnage donne son titre au film.Flashback.

Sicario réalise un fantasme longtemps resté inassouvi [critique]

Une question un peu bizarre pour commencer : quand vous approchez un rôle, vous vous efforcez de jouer le personnage ou de jouer le film ?
(Il se marre.) Elle n’est pas bizarre du tout, ta question ! Non, je joue le film. Bien sûr, il faut être dans le moment, dans l’émotion juste de la scène. Mais il ne faut jamais perdre de vue le ton général du film, le sens de l’histoire qu’on est en train de raconter. Attention, je ne me préoccupe pas de ce qu’ils font au son ni du travail du chef opérateur, n'exagérons rien. Ça, ce n'est pas mon problème, surtout quand c’est Roger Deakins, l'homme aux mains d'or – ou à l'œil d'or, plutôt – qui s'y colle. Moi, je joue la scène, le rôle, le type, mais je garde le film en ligne de mire : l'histoire, la fin, le voyage pour y parvenir. Parfois, c'est très facile, parfois moins. Denis (Villeneuve) comprend ça aussi bien que moi. C'est ce qui fait qu'on a pu s'entendre et collaborer aussi efficacement. C'est comme au base-ball : on dit qu'il est impossible de voir la balle, parce qu'elle va trop vite. Et en même temps, il faut avoir les yeux rivés sur elle. Tu ne peux pas t'occuper que de la destination ou de la finalité. Pour y parvenir, tu dois aussi être fixé sur la balle. Elle n'est pas bizarre, ta question. Des gens pourraient écrire un bouquin là-dessus.

On s'y met quand vous voulez !
Toi, tu l'écris. Je le lirai.

Ce dont vous parlez est d’autant plus crucial dans un film comme Sicario. Il y a des films qui jouent sur les ruptures de ton. Pas celui-ci. Il s’agit d’abord de trouver le ton, puis de s'y tenir, coûte que coûte.
Je suis d’accord. Il faut que le réalisateur ait ça constamment à l’esprit. C'est lui le commandant en chef, lui qui fixe ce cap, les acteurs ne peuvent pas le faire tout seuls. Le commandant en chef doit savoir créer ce feeling sur le plateau, s'y tenir et l'emmener avec lui en salle de montage. Sur certains projets, il m'arrive d’être moins au clair moi-même, où que le réalisateur soit moins précis sur ce qu'il cherche à obtenir, et ça peut créer de la confusion, voire du conflit. Mais sur Sicario, on savait. Je savais. Et c’était l’une des raisons qui me poussaient à le faire. Dès le début, je comprenais où le film devait aller et à quel point mon personnage serait radical. Ensuite, c’était à Denis d'en être le garant au montage, que ce soit pour moi, pour Emily (Blunt), et même pour Josh (Brolin), avec son espèce d’attitude détachée.

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Cette consistance de ton a-t-elle beaucoup à voir avec le script de Taylor Sheridan (acteur dans Sons of Anarchy, en passe de devenir l'un des scénaristes les plus recherchés de Hollywood) ? Les idées-clé étaient là dès le début, même si le script a pas mal bougé. Denis et moi pensions en particulier que mon personnage exprimait un peu trop sa profondeur, qu'il s’expliquait trop. Pas besoin... Ce scénariste est tellement fort en dialogue qu'il en mettait partout. Mais ça, ce n’est jamais un problème. Enlever, c’est facile. Le problème, c'est plutôt quand le réalisateur doit rajouter du dialogue parce que les idées ne passeraient pas sans...

Vous aimiez les films précédents de Denis Villeneuve ?
Oui. Mais je vois où tu veux en venir : Sicario est sans doute le plus focused, le plus précis, le plus ramassé. Incendies était excellent, Prisoners aussi, mais un peu plus, disons... pas vraiment « éparpillé », mais il partait dans les coins. Celui-ci parvient à tenir son ton, son rythme, ses idées, son sujet. Il y a une maîtrise plus grande, comme un fil tendu du début à la fin.

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