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Les applaudissements nourris à la fin de la projection de Saint Laurent, biopic élégiaque et élégant, se sont poursuivis lors de l’arrivée de l’équipe du film en conférence de presse où les mines paraissaient soulagées. Il faut dire que la production de ce Saint Laurent a été particulièrement chaotique : émergence d’un projet concurrent ; menaces publiques de Pierre Bergé ; sortie différée… En débarquant à Cannes, Bertrand Bonello jouait donc un peu à quitte ou à double, au regard de ce qui s’est passé ces deux dernières années.« Pierre Bergé a manifesté son opposition à un film qui n’a jamais été contre lui »« Je n’ai pas vu l’autre film », évacue rapidement le cinéaste en réponse à l’inévitable question sur le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert. Plus disert, le producteur Éric Altmayer rappelle que leur projet était antérieur à la concurrence et n’élude pas les problèmes liés à l’intransigeance de Pierre Bergé. « Les circonstances ont amené Jalil Lespert à obtenir le soutien de Pierre Bergé qui a ensuite manifesté son opposition à un film qui n’a jamais été contre lui. » Bonello enchérit : « Depuis le début, nous avons défendu une seule chose : faire le film qu’on voulait. » Ce véto de Bergé n’a cependant pas été sans conséquences. « Nous n’avons eu accès à rien. Nous avons tout recréé, des robes à l’appartement rue de Babylone, confesse le producteur. Bizarrement, l’émergence d’un deuxième film a libéré Bertrand des contraintes du biopic habituel pour aller vraiment vers ce qu’il voulait faire ».« L’idée était de rendre Saint Laurent vrai et juste, de ne pas pousser un simple mimétisme » Dans la peau d’Yves Saint Laurent, Gaspard Ulliel est phénoménal de ressemblance et de fragilité. L’acteur revient sur son interprétation et sur la méthode Bonello. « La base de mon travail d’acteur, c’était de me documenter sur Yves, sur son entourage, sur l’époque (1967-1976), puis de me libérer de tout ça pour me l’approprier. L’idée était de le rendre vrai et juste, de ne pas pousser un simple mimétisme. Je n’ai par exemple pas réfléchi à sa voix avant d’arriver sur le plateau. Ça s’est fait naturellement. L’amaigrissement m’a en revanche permis de sortir de moi, d’aller vers Yves et de l’emmener ailleurs, car le film de Bertrand dépasse le simple biopic : c’est une œuvre sur le processus créatif. Parfois nous arrivions sur le plateau et nous faisions l’opposé de ce que nous avions prévu. Avec nous, Bertrand était, je dirais, plus dans l’accompagnement que dans la direction. Comme je connaissais bien Jérémie Rénier avant (il joue Pierre Bergé), nous n’avons pour ainsi dire pas eu besoin de travailler beaucoup la relation entre nos deux personnages. » « Le film commence en 1967, bien après que les deux hommes se sont rencontrés, conclut Bertrand Bonello. Il fallait croire à leur histoire d’emblée. Quand j’ai vu Gaspard et Jérémie au cadre, j’ai tout de suite vu que ça marchait. »Christophe NarbonneVoir aussiLa review de Saint Laurent