Première
par Thierry Chèze
La Petite dernière qui marquait l’entrée dans la compétition cannoise d’Hafsia Herzi réalisatrice prolonge en montant de plusieurs crans ce qui a fait le sel de ses films précédents, Tu mérites un amour et Bonne mère. Cette mise en scène qui magnifie les visages, les regards et les corps. Sa virtuosité dans l’art des dialogues. Cette même maestria à orchestrer des scènes chorales agitées que des moments d’intimité. Le tout au service de son tout premier exercice d’adaptation. Celui du roman autobiographique de Fatima Daas, récit de construction personnelle d’une jeune femme musulmane, qui aime les femmes. Et ce film, on le vit avec Fatima, à travers elle, ses hontes, ses doutes, ses emballements du cœur, ses peurs … Hafsia Herzi bouscule tous les passages obligés – la confrontation à sa mère comme à un Imam – en les emmenant, tant par leurs positions dans le récit que par ce qui s’y dit, toujours loin de ce qu’on aurait pu pressentir. Dans la même logique, tout passe ici d'abord et avant tout par les baisers et les mots (scène irrésistible de son premier date avec une femme plus âgée qui l’initie par un sens aiguisé de la description au plaisir de la chair entre femmes). Pas par peur des corps. Mais parce que là encore, Hafsia Herzi nous place dans la tête de son personnage et sa manière de vivre ces moments-là. Une héroïne incarnée par Nadia Melliti dont l’intensité et le charisme illuminent l’écran. Dans la tchatche comme dans l’écoute. Dans les moments où son personnage se fissure comme dans ceux où elle prend le lead. Plus qu’une révélation, un surgissement couronné du prix d’interprétation cannois