Les Mondes de Ralph
Disney

A l'occasion de la sortie au cinéma de Ralph 2.0, le premier opus revient à la télévision.

Mise à jour du 12 février 2019 : Bon timing pour 6Ter, qui programme ce soir Les Mondes de Ralph, juste avant que sa suite Ralph 2.0 ne débarque sur grand écran. On en profite pour republier notre long papier sur la création de cette saga de Disney, qui s'adresse aux gamers, qu'ils soient petits ou grands.


Disney parle aux gamers dans Les Mondes de Ralph

Article publié le 12 décembre 2012 : Les Mondes de Ralph est le nouveau Disney de Noël. Mais c’est surtout un fantasme de retrogamer et un ride spectaculaire dans les mondes de jeux vidéos. On embarque avec le réalisateur Rich Moore, le producteur Clark Spencer et l’animateur Renato dos Anjos.

« Au début, Ralph devait être une exploration de TOUS les univers de jeux »
Prenant prétexte de la crise identitaire d’un bad guy et de sa fuite à travers les jeux, Les Mondes de Ralph révèle dans sa première demi-heure une aptitude folle au voyage. Ride sensationnel à travers les univers de jeux différents, idéalement rythmé, dialogué et « caractérisé », il embrasse à chaque plan les gameplay et l’identité visuelle de chaque jeu qu’il visite. Mais quand il arrive dans l’univers glucose de Sugar Rush, Ralph pose ses valises et le film ne redécollera plus jamais. Rich Moore : « C’est vrai qu’il y avait cette promesse de voyage à travers les jeux. Mais on s’est vite rendu compte que si on multipliait les univers on perdrait le spectateur en route. Parce que chaque monde différent impliquait l’installation des codes, l’explication des règles et du gameplay... problème : en 90 minutes, tu ne peux pas te permettre de décliner ça à l’infini. A l’origine, j’avais même développé un monde qui s’appelait Extreme Easy Living 2. Ca intervenait dans le troisième acte du film, quand Ralph part en voiture. Plutôt que de rentrer chez lui, à Fix it Felix, il partait dans un univers qui était un croisement entre SIMS et GTA. Un truc sombre, amoral, sans loi... où Ralph touchait vraiment le fond. Mais on avait déjà trop de niveaux différents. Je m’y suis attaché longtemps, mais à un moment, j’ai dû me résigner... C’est marrant parce que John adorait ce monde, et je me souviens que quand je suis allé le voir, je lui ai dit : « John, je vais couper Extreme Easy Living 2, ça ne marche pas ». Je craignais vraiment sa réaction. Mais il s’est tourné vers moi et m’a dit « Rich : pour Toy Story, on avait des tonnes d’idées qu’on a dû abandonner. Et notamment Lotso et le Daycare Center » Et il m’a souri. Ces deux idées ont finalement atterri dans Toy Story 3. Quand Lasseter te dit un truc pareil, c’est un boost incroyable. »

« Ralph sans Bowser, c’est comme Roger Rabbit sans Bugs Bunny »
Ralph est un défilé de personnages de jeux vidéo. Une madeleine de gamers où l’on croise Bowser, Zangieff, Sonic, Pacman. C’était la condition sine qua non de Moore : « J’avais prévenu John : soit on a les droits d’utiliser les personnages cultes, soit je ne fais pas le film. Ca n’avait pas de sens de faire Ralph sans faire apparaître les figures du gaming. C’est comme si Zemeckis avait fait Roger Rabbit sans Bugs Bunny ». Obtenir les licences de ces personnages se révéla évidemment très compliqué comme l’explique le producteur Clark Spencer : « Il a fallu négocier avec les studios, obtenir les licences et voir comment incorporer leurs personnages. On a multiplié les allers-retours entre Disney et les concepteurs de jeux. Ce qui a fait la différence, c’est qu’on a choisi avec Rich de ne pas laisser le lead au juridique. On a pris notre téléphone pour appeler directement les studios. De créatifs à créatifs. C’était plus humain et quand on les a rencontrés à l’E3, ça a fonctionné ». Au prix de sacrés casse-têtes. Moore : « La réunion des méchants ! Pffff... soyons honnêtes, ce fut un enfer à mettre en place ! Quelle taille a Zangieff ? Quelle taille fait le méchant de Pacman ? Est-il plus petit que Zombie ? On devait trouver la taille relative de tous ces personnages, ce qui est déjà bien compliqué. Mais quand tu rajoutes le problème des studios, ça devient vite infernal. J’avais des discussions surréalistes avec des développeurs : « pourquoi mon personnage serait plus petit que l’autre ? » ». Mais Spencer relativise : « Ils connaissent mieux que nous leurs persos. Et ils ont tous vraiment joué le jeu. Sans eux Ralph n’aurait pas vu le jour ».   

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« Le 8 Bit fut un défi technique pour les animateurs »
La première partie de Ralph est une plongée délirante dans les jeux de plateforme 80’s. Le jeu commence d’ailleurs par un mouvement de caméra sublime qui enlace l’immeuble et fait « pénétrer » dans la réalité tridimensionnelle de Fix it Felix. Promesse implicite de ce plan inaugural : Ralph sera une visite des coulisses d’un jeu rétro. Un fantasme de gamer, mais surtout un sac de nœud comme l'explique Moore : « Sur le plan du design c’était passionnant, mais sur le plan technique, ce fut un cauchemar. Faire bouger les Nicelander de manière “primitive” est absolument contraire à l’approche désormais réaliste de l’animation. En clair, aujourd’hui, on ne sait plus faire avancer des personnages de manière saccadée et bi-directionnelle. Les logiciels ne permettent plus de faire ça ! Il a fallu ruser, créer de nouveaux softs... c’était dingue ». Et cette ambition rétro amenait également des logiques d’animation différentes et autant de défis narratifs. L'animateur Dos Anjos a eu quelques sueurs froides : « John Lasseter est venu nous voir au début des storyboard pour demander pourquoi Ralph ne marchait pas en 8 Bit comme les Nicelanders. Il ne laisse rien passer (rires)... Pourquoi ? Tu veux savoir ? Ah ah ! C’est simple : d’abord les deux principaux personnages des jeux 80’s avaient plus de data que les autres (parce qu’ils faisaient plus d’actions) et donc plus de complexités. Mais surtout, Ralph est plus sophistiqué que les autres personnages de son jeu. Ca fait 30 ans qu’il fait ça, 30 ans qu’il s’ennuie, qu’il rumine et il en a marre... Il a une conscience finalement plus développée ».

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« Ce n’est pas parce que j’ai réalisé Steamboat Itchy des Simpsons que Disney représente le Mal absolu »
Une héroïne qui est en fait un bug de programme et refuse finalement d’être une princesse ; un méchant qui accepte sa condition de bad guy ; un humour qui décape... Ralph est un Disney pas comme les autres ; un dessin animé iconoclaste et qui dépote. Normal : avant de passer chez Mickey, Rich Moore fut l’un des réalisateurs des Simpson et, notamment, le réalisateur d’un épisode qui ressemblait à une déclaration de guerre contre l’Empire Mickey (Steamboat Itchy). Le dégoupilleur de grenades constate : « On m’a beaucoup parlé de Steamboat Itchy. On me l’a presque reproché (rires)… Mais j’adore Disney. En tout cas, en venant me chercher, John savait ce qu’il faisait. La mission c’était de faire péter des coutures tout en respectant l’esprit. Ce n’est pas parce que j’ai réalisé Steamboat Itchy que Disney représente le Mal. Au contraire. Pour moi il s’agissait d’un hommage aux cartoons classiques des 30’s. Regardes-les : tu te rends compte que Mickey était un personnage frondeur. C’était un malin, un peu goguenard, un peu provocateur... Loin, très loin du Mickey Mouse lisse d’aujourd’hui. Et j’ai conçu mon Ralph à l’image du premier Mickey : avec des failles et beaucoup d’humour. Mieux : il fait des choix mauvais, il se trompe. Comme Pinocchio. Et c’est un freaks au fond, solitaire et triste. Comme Dumbo. Ralph appartient à la grande famille Disney ». Disney ou Pixar ? Parce qu’entre Rebelle (3D) qui ressemblait à un Disney princesse et Ralph qui arbore triomphalement son esprit Pixar à chaque plan, la frontière semble clairement bouger. Spencer : « C’est vrai que la frontière est plus floue aujourd’hui. Au fond, John ne tient pas à ce que Disney ne fasse que des contes de fée. Il veut surprendre les spectateurs. Ce qui l’intéresse ce n’est pas de savoir si tel film a un ADN Disney ou un ADN Pixar. Mais plutôt : est-ce que ça fera un bon film ? »

« Lasseter ? C’est un filet de sécurité »
Puisqu’on en parle… Dès le titre VF (clin d’oeil à Nemo ?), un spectre hante Les Mondes de Ralph. Entre les références évidentes à Pixar et son implication personnelle sur la production, Ralph porte à chaque plan la présence du gourou à chemise hawaïenne. Normal puisque pour Dos Anjos, « John est notre mentor. Il était très impliqué. Il avait un avis très tranché sur beaucoup de choses. Mais c’est génial de travailler avec lui surtout parce qu’il sait ce qu’attendent les spectateurs et ce qu’ils pensent ». Confirmation de Rich Moore : « Une fois par semaine, il venait voir les progrès du film. Son avis était essentiel parce qu’il a un point de vue objectif, une intuition folle et un instinct de filmmaker. Quand tu bosses avec lui, c’est comme un filet de sécurité. Tu sais qu’il sera là pour te rattraper si tu tombes. Du coup, le revers, c’est qu’il faut parfois lutter pour imposer ton point de vue. Il n’y a pas eu de conflit, mais parfois, quand il me faisait une réflexion, je devais rentrer, y réfléchir et puis... soit je faisais les modifications, soit je devais argumenter pour le convaincre du contraire. Attention, ce n’est pas un dictateur ! Mais c’est un défi de travailler avec un type comme ça. Et le succès du film aux US a montré qu’il n’avait pas tort sur tout ».
Gaël Golhen


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