Toutes les critiques de Seven Swords

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Tsui Hark a souvent conçu son cinéma comme une réponse à Hollywood ou à la production locale hongkongaise. Derrière son apparente simplicité en regard de ses dernières productions (Time and Tide, Legend of Zu), Seven Swords est un récit épique banal mais au montage bien cadencé. Une chevauchée plus complexe qu'il n'y paraît ?
    Wu Xia Pian (aka "Films de sabre", lire le dossier Wu Xia Pian), polar, super héros, images de synthèse, Tsui Hark n'a jamais fait de remake ou d'interrogation d'un genre ou d'une technique. Ses films ont plutôt parfois été définis comme des expérimentations stylistiques tendant à dépasser des modèles. Ici, il lui importe juste d'aller à 360 à l'heure. Seven Swords est une fresque épique de deux heures trente, que l'on sait abondamment coupée pour tenir en salle. A l'origine, le film devait durer quatre heures. C'est un peu son Gangs of New York. Sauf que ce n'est pas le Scorsese que Tsui Hark a visé cette fois, mais plutôt la trilogie de Peter Jackson, le Seigneur des anneaux, auquel le film fait étrangement penser. Concours de circonstances peut-être, puisque Seven Swords est tiré d'un roman populaire, et qu'après tout une fresque épique peut bien ressembler à une autre. N'oublions pas aussi que le Tsui Hark producteur a vu Hero de Zhanh Yimou, et qu'il compte bien lui rendre sa vision du genre.On comprend mieux pourquoi le film sert de pilote à la série télé (produite et supervisée par Tsui Hark). Seven Swords est une oeuvre pleine d'incohérences, de turbo ellipses invraisemblables, de scènes en suspens jamais résolues. Un film bourré d'amorces, de tentatives, d'histoires entre personnages parfois esquissées. A chaque scène correspond un fort potentiel narratif, des bifurcations - on imagine facilement plus de quatre heures de film, un film à l'ampleur interminable, en envisageant une histoire pour chaque personnage. A la première vision le film paraît trop grand : trop d'espaces, de décors, de paysages, de costumes, de récits, de personnages, et surtout trop de bavardages. Tsui Hark paraît débordé. Lui qui excelle dans l'exploitation des espaces confinés (voir la scène finale, magistrale et dont on vous réservera la surprise), il semble être pris au piège de l'opulence de ses décors et de son ambition. Pire, on doute même de la sur-présence du scénario.La deuxième vision vient corriger les aléas de la première. On se concentre alors sur la mise en scène. Par sa recherche esthétique, Seven Swords s'impose : il conjugue la légèreté dans l'action, l'agilité et la souplesse à un chaos de métal visuel et sonore. Tsui Hark propose surtout ici un montage où sans cesse le mouvement se précipite, s'accélère et ralentit jusqu'à la pose, au photogramme. Novateur même, il utilise lors de la scène de la rivière empoisonnée le ralenti comme effet mnésique de façon inédite. Un ralenti discret comme effet de montage rétroactif. Le film est parsemé d'effets de ce genre, l'ouverture étant à ce titre un modèle presque programmatique du film : la vitesse et le montage s'accomplissent en fonction de la découverte de chaque arme.Cette musicalité singulière du montage, où la vitesse invente une partition aux chorégraphies, tient plus à une tentative de représentation des armes que des corps. Si l'épée est au geste et le geste à l'esprit de celui que le crée, elle tient ici le rôle principal (malgré les apparences, l'épée influence conceptuellement plus le montage que les corps). D'où l'étrange compromis du film, entre la place importante laissée au récit et celle laissée à la figuration. Les deux semblent parfois mal cohabiter et c'est pourtant ce qui fait de Seven Swords une oeuvre importante. En voulant créer sa plus grande fiction populaire, Tsui Hark abandonne en surface son radicalisme esthétique, revient par exemple aux combats réalistes après l'excès numérique de Legend of Zu : il donne ainsi l'impression d'un certain pragmatisme où son cinéma céderait du terrain au formalisme. Sauf que c'est en contrebande que Hark fait passer son inventivité, dans un parti pris esthétique et stylistique plus discret mais toujours plus sidérant. De quoi faire oublier le plan final et la musique de Kenji Kawai.Seven Swords
    Tsui Hark
    Hong-Kong, 2004
    Durée : 2h30
    Avec : Donnie Yen, Charlie Young, Leon Lai
    Titre original : Seven swords of Mount Tian
    Sortie en salles en France : 30 Novembre 2005[illustrations : © Pathé Distribution]
    A lire sur Flu :
    - Lire le mini-dossier Wu Xia Pian
    - Lire la chronique de Hero (Zhanh Yimou, 2003)
    - Lire la chronique de Gangs of New York (Martin Scorsese, 2002)A voir sur le web :
    - Le site officiel
    - Consulter salles et séances sur Allociné