Photo

Il ne suffit pas de filmer Lisbonne pour y faire naître des mystères. Et coudre de fil blanc une histoire éculée de recherche du père n’est pas le meilleur moyen de susciter l’intérêt du spectateur. En passant pour la première fois derrière la caméra, le scénariste de Mário Barroso et de Raoul Ruiz se lance dans une quête dont le Graal aurait pu être la compréhension de la contestation portugaise dans les années 70. Au lieu de cela, de faux hasards en vrais clichés, Carlos Saboga ne nous livre qu’une très pâle idée de l’ambition ayant présidé à la naissance de son film.

« Photo » organise la rencontre entre deux époques dont les morts marquent le mouvement de la vie. Pour sa première réalisation, Carlos Saboga, scénariste des « Mystères de Lisbonne », ville qu’il a fuie dès qu’il a pu, s’interroge avec délicatesse sur cette question qui nous habite : comment vivre avec les disparus ?

On sent que Saboga a voulu éviter le film de scénariste : il n’y échappe pas totalement (on lit trop les “chapitres” du parcours d’Elisa), et ses efforts pour “faire cinéma” (cadrages précis, respirations dans le récit et les plans…) semblent un peu appliqués. Malgré cette facture qui frise l’académisme, Photo imprime la rétine et y laisse un peu de persistance.

Quête et enquête romanesque caractérisent ce portrait féminin. Un peu nébuleux parfois, mais on aime la manière d'évoquer l'existence comme un exil intérieur, procurant autant de volupté que d'amertume.

Sur une trame politique à priori émouvante, Carlos Saboga suit un schéma usé jusqu'à la corde : celui de l'enquête, rythme par des cartons annonçant chaque nouvel interlocuteur...

Dans "Photo", l'histoire est une blessure filiale dont on ne vient jamais à bout. Un croisement de témoignages dont les points de vue approchent le vrai sans faire voler en éclats le mensonge et les non-dits.

A force d’épure cinématographique, Carlos Saboga passe à côté de son sujet, pourtant passionnant, et laisse le spectateur sur le bord du chemin.

Chez le scénariste de Mystères de Lisbonne et des Lignes de Wellington, on imagine aisément une affinité avec les récits de feuilleton historique. Si Photo, son premier long métrage de réalisateur, en offre un écho lointain, on peut regretter que le souffle de tels récits ne se soit pas également infiltré jusqu’ici.

Elisa (Anna Mouglalis) part pour le Portugal, à la recherche d'un père inconnu. Le refus de l'émotion et la raideur de l'actrice principale sont de puissants arguments pour se désintéresser de cette quête.

Fasciné plus qu'inspiré par l'univers de Raoul Ruiz, le scénariste des "Mystères de Lisbonne" navigue à vue entre des thèmes flous et des personnages creux.

Comment le passage à la mise en scène de Carlos Saboga, scénariste des "Mystères de Lisbonne" et des "Lignes de Wellington", a-t-il pu aboutir à une variation si scolaire sur la mémoire individuelle et collective ?

La mise en scène tente de camoufler une intrigue qui ne va nulle part.