Francis Lawrence transpose à l’écran l’un des textes les plus intrigants de Stephen King. Écrit à 18 ans sous le pseudonyme de Richard Bachman, ce roman dystopique, profondément marqué par la guerre du Vietnam, décrivait une jeunesse sacrifiée dans un rituel absurde : cent adolescents, tirés au sort, se retrouvent condamnés à marcher sans fin à travers les plaines américaines sous l’œil d’un public fasciné. S’ils s’arrêtent, ralentissent ou tentent de fuir, les militaires qui les encadrent leur donnent un avertissement. Trois avertissements et c’est la mort. A la fin, un survivant, récompensé par le « prix de ses rêves ».
Le film très efficace garde la sécheresse narrative du roman : pas de complot caché, pas de miracle, juste une “longue marche” épuisante où chaque pas rapproche de la tombe. Cooper Hoffman incarne Ray Garraty, figure fragile de résistance, confrontée à la cruauté glacée du Major campé par Mark Hamill. Et cette mécanique implacable, miroir du Vietnam hier, résonne aujourd’hui avec d’autres guerres médiatisées et l’obsession contemporaine pour le spectacle de la souffrance. Visuellement, on voit bien que Lawrence revendique l’héritage Hunger Games : caméra immersive, intensité sensorielle, casting jeune et charismatique. Mais là où la saga YA ouvrait sur l’espoir et la rébellion, Marche ou crève choisit l’abîme. Ce n’est pas un divertissement, mais une expérience : un film où l’angoisse du présent se superpose aux fantômes du passé, et où la victoire a le goût amer de la survie nue.