Toutes les critiques de Man on fire

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    "Man on fire", ou un voyage au Mexique en compagnie de Denzel Washington sous une pluie de feu, de balles, d'explosions et un déluge d'images sous LSD. Musclé, mélo et avec sa morale à l'ancienne contestable, le nouveau film de Tony Scott se révèle un objet inégal et pourtant presque fascinant.
    Tony Scott c'est Top Gun, Le dernier Samaritain, ou encore Ennemi d'état. Une filmographie peu situable mais dont le point commun, le rare leitmotiv se trouve être une sorte de plaisir non feint pour la vitesse et l'action. Très soucieux d'efficacité, Scott est une sorte de styliste sans véritable marque de fabrique. De film en film il reproduit une esthétique dont le seul beau souci réside presque invariablement dans une forme d'épate visuelle qui ne se poserait jamais la question d'une quelconque morale de l'image.A immoralité de l'image, immoralité du sujet et de son traitement. Dans Man on Fire, nouveau film de Tony Scott, John Creasy (Denzel Washington), ancien agent de la CIA transformé en garde du corps de l'innocente Pita (Dakota Fanning), se trouve dans un Mexique en proie au chaos. Venu pour protéger la jeune fille des hordes de kidnappeurs qui sèment la terreur dans la ville, il devient rapidement une sorte d'ange exterminateur prêt à tout pour accomplir sa vengeance et récupérer la jeune fille avec qui il s'est lié d'amitié.. De cette histoire il n'y a pas grand chose à attendre. Elle remplit son contrat sans excès, sans trop d'originalité. Dans la première partie, l'amitié naît entre la brute alcoolique au grand coeur et la jeune fille délaissée par ses parents à renfort de scènes le plus souvent en pilotage automatique. Le visage de la jeune Dakota Fanning est toujours aussi éblouissant depuis qu'on l'a découverte dans Taken (la série produite par Spielberg). Enfant star au regard perçant et troublant, à la fois trop adulte et trop juvénile, elle magnétise chaque plan de sa présence et le déséquilibre entre la belle et la bête est d'autant plus convaincant. En arrière fond le Mexique est un terrain miné que Scott filme avec des couleurs chaudes et une ambiance évidemment humide. Totalement imprégné d'un climat trop moite et presque suffocant, le film joue à fond la carte du cliché triomphant d'un pays sale, dangereux jusque dans son atmosphère. On tremble un peu pour quelques fausses alertes, se demande quelles sont les relations des parents, quel est le passé si douloureux de John... le rythme du film trouve son souffle, un semblant d'équilibre, puis on attend, on attend l'enlèvement.C'est dans cette seconde partie que le film devient le plus étonnant et presque indescriptible, indéfinissable et limite iconoclaste. Tony Scott, filmant alors son personnage transformé en véritable machine de guerre en pleine rédemption cathartique, est en roue libre, se laissant aller à un montage hystérique et totalement halluciné. Ce montage, il l'avait déjà expérimenté largement dans son court métrage Beat the Devil pour BMW (bmwfilms.com) avec Gary Oldman et James Brown. Sauf que là, il ne s'agit plus de filmer une poursuite en voiture, mais la vengeance excessive et meurtrière d'un homme. Il s'agit de faire abattre un déluge de feu, soit un déluge d'images : couleurs archi saturées, tremblement intempestif du cadre, images dédoublées, gros grains presque poreux, jump cut en rafale, accélérations, ralentis, l'image paraît incontrôlable. Cette oscillation démesurée sur laquelle va alors jouer le film pendant près d'une heure est une surenchère d'effets visuels presque gratuits, dont l'entêtement finit par devenir fascinant. Complètement risqué, très déroutant, Scott ne semble avoir que faire d'une quelconque « morale stylistique ». Il balaie tout joyeusement d'un revers en s'entêtant dans ce montage où les effets finissent par devenir eux-même des commentaires sur la furie destructrice de Denzel Washington. Un tel parti pris esthétique, réussi ou non, va si bien droit dans le mur que le film force le respect. Avec une absence de scrupule manifeste, il devient tout à coup un objet emprunt d'une certaine liberté. Parfois grotesque, vulgaire et avec sa morale old school, Man on Fire ne fait pas dans le détail, il se complait largement dans ses excès et ne s'en cache jamais. Ses prétentions outrancières ne dissimulent aucun discours ou aucune vision du monde qu'il n'assumerait pas. Parfois grossier, il a autant la larme que l'arme facile et ça ne semble jamais le déranger. Ici pas d'imposture. A l'heure de l'assainissement de la pensée par les milices bien pensantes du monde entier, le film de Scott fait grincer des dents avec son apologie de la vengeance très Chuck Norris ou Stallone eighties. Film bourré d'alcaloïdes, obsédé par une toute puissance de l'image nourrie de toutes ses plus grandes impuretés contemporaines, Man on Fire est un petit baril de poudre dans la mine des blockbusters hollywoodiens.Man On Fire
    Un film de Tony Scott
    U.S.A, 2004, 146 mn
    Avec : Denzel Washington, Dakota Fanning, Christopher Walken.
    Sortie nationale le 13 octobre 2004[illustrations : © UFD]
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    - Le site de BMW Films