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Ce soir, TF1 a diffusé un reportage de 10 minutes sur l'Afghanistan dans lequel on voit un soldat marcher sur une mine artisanale... Scène d'une extrême violence au sein d'une mise en images inhabituelle, seulement assortie d'un petit avertissement de la part de Laurence Ferrari. Un tel reportage a-t-il sa place dans un JT ? Attention, images violentes dans la vidéo.

Ce soir, TF1 a diffusé un reportage de 10 minutes sur l'Afghanistan dans lequel on voit un soldat marcher sur une mine artisanale... Scène d'une extrême violence au sein d'une mise en images inhabituelle, seulement assortie d'un petit avertissement de la part de Laurence Ferrari. Un tel reportage a-t-il sa place dans un JT ? Attention, images violentes dans la vidéo. TF1 a bien eu conscience que le reportage diffusé dans son 20h00 n'était pas comme les autres. Tout d'abord par sa durée : près de 10 minutes là où les reportages plafonnent d'habitude à 2 minutes seulement. Mais ensuite par les images qu'il montre.Le sujet mérite sa place dans un Journal télévisé : le quotidien des soldats américains en Afghanistan face aux Talibans. Pourtant, on se retrouve devant un mélange des genres étonnant. Ainsi, des séquences sont accompagnées de musiques qui appuient le propos. On se retrouve devant un véritable petit film, (très réussi par ailleurs).Le réalisateur du sujet utilise d'autres artifices propres à la fiction comme le "split screen" que l'on retrouve dans 24h00 chrono où les gros plans sur les regards que n'auraient pas reniés Sergio Leone. Encore plus surprenant, des images filmées depuis les soldats faisant rappeler incontestablement le jeu vidéo Call of Duty. Alors que l'objectif avoué est bien de montrer une réalité du terrain, on se retrouve dans le monde du cinéma et des jeux vidéo.Le sujet n'aurait pas tant prêté à polémique s'il n'y avait pas eu les images de ce pauvre soldat qui saute sur une mine (cf extrait). Du jamais vu ? Du sensationnel ? Fallait-il diffuser ces images très dures même si elles ne sont pas sanguinolentes. Ces cris d'horreur, la peur panique des autres et ce reporter qui continue de filmer, figé, glacent le sang. Place à l'émotion par rapport à l'information. Si bien qu'à elle seule cette scène et ses conséquences occupent la moitié du sujet au bas mot. Le soldat a perdu ses 2 jambes et un bras.pagebreakLaurence Ferrari se reconvertit psyPour compléter ce sujet hors norme dans un JT, le reportage est suivi d'une interview des 2 journalistes (Gilles Parrot et Michael Scott) qui ont rapporté ces images, dans un cadre inédit. Assis dans des canapés dans un studio noir égayé par un écran de télé, ils ont répondu aux questions de Laurence Ferrari reconvertie en psy d'un jour pour exorciser le traumatisme.Mais ces images choc et ce dispositif hors norme étaient-ils utiles et devaient-ils figurer dans le journal télévisé le plus vu de France ?pagebreakQuand la forme prend le dessus sur le fondLa présence de ce reportage est pleinement légitime vis-à-vis du sujet traité. La guerre en Afghanistan fait rage, et les opérations militaires là-bas continuent. On ne peut que se réjouir que TF1 laisse 10 minutes de son JT pour diffuser un seul sujet d'une telle importance ! Mais voilà, là où le bât blesse, c'est au niveau du traitement. Pour retenir les téléspectateurs (ou par goût du sensationnel) des effets propres à la fiction et au jeu vidéo ont été apportés, si bien que les images léchées, le montage soigné et rythmé nous plonge dans un mini-Platoon. On se retrouve loin du propre du journalisme qui demeure de retranscrire la réalité d'une situation au mieux. Bien entendu, tous les jours des soldats se retrouvent horriblement mutilés par ces engins sournois, mais voilà la forme "hollywoodienne" de ce sujet abasourdit plus qu'elles ne révolte ou n'indigne pour utiliser un terme à la mode. Au final on se retrouve avec un magnifique reportage, très prenant qui rappelle 60 minutes, le magazine d'investigation américain, mais qui place une situation glauque et horrible dans l'écrin des paillettes hollywoodiennes. Un mélange des genres dont on ne peut qu'interroger la pertinence dans un journal télévisé.Arnaud Morisse