Heads of State
Prime Video

John Cena et Idris Elba jouent deux politiciens métamorphosés en héros d’action dans cette comédie pétaradante et plutôt marrante, signée par le réalisateur de Nobody.

Difficile de s’exciter pour les films d’action qui débarquent en rangs serrés sur les plateformes de streaming – de Netflix à Prime Video, de Back in Action à Shadow Force – de plus en plus médiocres et interchangeables. Dès l’intro de Heads of State, pourtant, on lève un sourcil : une opération des services secrets britanniques y est noyautée par des terroristes en pleine Tomatina, cette fête espagnole où les participants se jettent des tomates mûres les uns sur les autres dans la joie et la bonne humeur. Très vite, l’hémoglobine se mêle au jus de tomate, et cette gigantesque gerbe de couleur rouge est filmée avez suffisamment d’humour, d’énergie et de style pour qu’on se dise qu’il y a un "vrai" réalisateur aux manettes. En l’occurrence : Ilya Naishuller, sale gosse survolté auteur en 2015 du défouloir façon FPS Hardcore Henry, qui lui ouvrit en grand les portes de Hollywood, puis de Nobody, succédané de John Wick avec Bob Odenkirk en Monsieur-tout-le-monde (ou plutôt en Monsieur-personne) qui passait sans crier gare en mode Keanu Reeves et défonçait tous les sales types qui croisaient son chemin.

Heads of State
Prime Video

Le ton outrancier et cartoonesque désormais caractéristique de Naishuller est au cœur de Heads of State, buddy movie mettant en scène deux hommes politiques qui se détestent cordialement. A notre droite, un président des Etats-Unis fraichement élu (John Cena), ancien héros de films d’action qui ne fait pas beaucoup de différence entre la réalité et la fiction – soit un mix entre Reagan, Trump et le Schwarzenegger gouverneur de Californie. A notre gauche, un Premier Ministre à la peine dans les sondages, joué avec cool et une pointe de lassitude par Idris Elba. La menace d’un mystérieux criminel international très énervé – énervé au point de faire exploser Air Force One en plein vol – va provoquer le rapprochement des deux politiciens. Egarés au beau milieu de l’Europe, ceux-ci vont être obligés d’unir leurs forces, de montrer les muscles, de sortir les flingues, puis de tout faire péter, le temps d’une traversée explosive du continent qui doit les mener jusqu’à un sommet de l’OTAN. Avec, au passage, un petit coup de main de Priyanka Chopra Jones en agente du MI6 amatrice de jeux de mots foireux, et de Jack Quaid, aussi remonté que s’il arrivait tout droit du plateau de Novocaïne.

On est donc dans une sorte de Tango et Cash revu à la sauce White House Down, et l’idée de Naishuller est faire se succéder les scènes de plus en plus pétaradantes et invraisemblables, agrémentées de gags visuels plus ou moins sophistiqués et d’humour gentiment graveleux (le passage le plus marquant dans ce registre-là implique un contact très rapproché entre le visage de John Cena et les pis d’une chèvre). L’alchimie entre les deux acteurs principaux (qui s’étaient déjà croisés au générique de The Suicide Squad de James Gunn), essentielle à toute bonne comédie de copains, cimente le tout : Elba fait très bien le clown triste quand Cena confirme son talent pour camper les couillons attachants. Quant à l’aspect volontairement crétin et bourrin de l’ensemble, il est tempéré in fine par une ode très raisonnable à l’entraide internationale et au multilatéralisme… De là à regretter que Heads of State ne soit pas sorti en salles, où il aurait fait office de gros défouloir de l’été dans les multiplexes ? N’exagérons rien : c’est sans doute en streaming que ce film passe le mieux. Après tout, les buddy movies auxquels Naishuller se réfère ici furent avant tout des plaisirs de vidéoclub.

Hugo Saroyan

Heads of State, de Ilya Naishuller, avec John Cena, Idris Elba, Priyanka Chopra Jones… Disponible sur Prime Video.