Après Baron noir, Éric Benzekri revient avec une série qui part du milieu du foot pour raconter la communication de crise et les luttes d’opinion. Aussi fascinante qu’angoissante, sa démonstration met malheureusement les émotions en sourdine.
Grâce à Baron noir, Éric Benzekri était un peu devenu le Russell T. Davies de Years and Years. À savoir un oracle, la pythie des grands mouvements politiques et sociétaux qui agitent la France. À tel point, comme le racontait récemment un article du Monde, que des conseillers présidentiels se seraient pressés au domicile du scénariste pour découvrir ce que renfermait La Fièvre. Cette nouvelle série marque son retour à la création originale de Canal+. Comme un contrechamp de Baron noir, cette fresque regarde moins frontalement l’homme politique que la société qui l’entoure dans toute sa frénésie.
Un footballeur dérape face caméra et devant le gotha du métier, les réseaux sociaux passent en surchauffe, les experts des chaînes d’info le clouent au pilori et la société civile se fracture en deux camps (pour ou contre). Sa sortie devient un terreau fertile des guerres d’influence et des passes d’armes entre communicants de crise qui vont manoeuvrer pour faire pencher la balance d’un côté comme de l’autre. Le sujet est aussi fascinant qu’anxiogène et Benzekri se concentre sur la confrontation entre Sam Berger (Nina Meurisse), spin doctor idéaliste, et Marie Kinsky (Ana Girardot), sa némésis qui assoit son leadership en se vautrant dans le populisme. Mais rivé à des archétypes, le showrunner fait défiler des personnages un peu trop rigides (celui de Girardot ou l’activiste antiraciste…), dont la fonction neutralise la puissance d’émotion.
Thriller parano
Les images récurrentes des écrans de la war room, gimmick visuel qui traverse la série pour traduire le climat de divisions et le sentiment d’urgence, n’aident pas. C’est paradoxalement quand elle s’échappe de l’enceinte du club de foot où se noue l’action et qu’elle investit d’autres terrains que la série libère son potentiel. C’est là que La Fièvre monte véritablement dans un enchaînement de cause à effet de plus en plus destructeur. À ce moment, grâce à un montage alterné très efficace, l’émotion contamine la société et la fiction. Le réalisateur Ziad Doueiri, qui a réalisé les trois saisons de Baron noir, est de retour aux manettes et donne à la série les atours d’un thriller parano qui tend un miroir à la France d’aujourd’hui. Rien que pour cela, on a très envie de connaître la suite.
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