"Il ne m’a pas violée ni frappée, mais il a eu des gestes très déplacés", dénonce la comédienne. Sophie Marceau salue au passage le courage de Judith Godrèche après sa prise de parole et son discours à la cérémonie des César.
A l’occasion d’une entrevue pour Vogue France, Sophie Marceau s’est penchée sur la récente libération de la parole dans le milieu du cinéma. Une nouvelle vague #MeToo (hommes et femmes) a quelque peu fait trembler le 7e art, depuis que Judith Godrèche a accusé Benoît Jacquot, son ex compagnon, et Jacques Doillon d’avoir usé de leur "couverture" de réalisateurs pour exercer sur elle une domination malsaine, alors qu’elle était mineure.
Propulsée à l’âge de 13 ans par le retentissant La Boum, Sophie Marceau est également une comédienne qui a grandi sous le feu des projecteurs. Le public français l’a vue grandir et évoluer au rythme des projets cinématographiques. Sans langue de bois, elle aborde avec franchise les frasques systémiques du milieu :
"On est en train de dire l’envers du décor, ce qui était occulté. Du coup, on comprend mieux le monde dans lequel on vivait à l’époque. Car, quand on est môme, qu’on commence, on n’est pas dans l’analyse. On vit dans le moment présent. On n’est pas prévenue ni aguerrie. On se débat là-dedans, on se débrouille."
Sophie Marceau a eu l’occasion d’entamer une carrière de réalisatrice, avec Parlez-moi d’amour, avec Judith Godrèche. L'actrice-réalisatrice revient sur les révélations de sa consœur :
"Elle est courageuse, Judith. Elle met les pieds dans le plat. Il faut parler ! Elle a raison. Réaliser était un peu un passage obligé pour moi. Je ne connaissais rien de ce qu’il lui était arrivé mais, a posteriori, je comprends pourquoi mon scénario lui a plu."
A la fin du mois de décembre 2023, Sophie Marceau a réagi chez Paris Match aux accusations dont Gérard Depardieu fait l’objet et à la pétition mise en ligne à la suite de ce remous. L’actrice a eu l’occasion de partager l’affiche avec le colosse dans Fort Saganne (disponible sur PremièreMax) et Police (1985) de Maurice Pialat.
Elle avait déclaré au mois de décembre2023 : "J’ai dit publiquement à l’époque que je ne supportais pas son attitude, grossière et très déplacée. Beaucoup de gens se sont alors retournés contre moi en me faisant passer pour la petite peste. Et j’ai toujours refusé ensuite les films avec lui (…) La vulgarité et la provocation ont toujours été son fonds de commerce."
Aujourd’hui, elle témoigne à nouveau sur son expérience avec le comédien :
"Oui, mais à l’époque on ne m’a pas écoutée ! C’était moi le petit diable, “la grosse connasse” comme Maurice Pialat et Gérard Depardieu l’avaient joliment dit à la télé. Et ça n’a choqué personne ! Plein de metteurs en scène m’ont dit ensuite que, sur le moment, ils avaient pensé que jamais ils ne tourneraient avec moi. La parole convenue était de dire : “Comment elle traite son metteur en scène...” Je n’ai pas été blacklistée mais je crois que beaucoup ont été refroidis."
Elle ajoute :
"Gérard Depardieu, sur Police, c’était une autre paire de manches. Il était ailleurs. Je l’avais connu sur Fort Saganne, où il avait été super. En acceptant le film de Pialat, je m’étais dit: “Il n’y aura pas de problème, il y a Depardieu à côté de moi et il va m’aider.” Et non! Il a été terrible.
Il est versatile, Gérard. Pendant Fort Saganne, il était de bon esprit, drôle, avec un franc parlé, mais je n’ai pas le souvenir de quelqu’un de choquant ou provocateur. Gérard est brut de pomme et je pense que le système l’a beaucoup encouragé à persévérer. Car le cinéma a adoré cette personnalité, cette nature, cette vérité, comme on disait. Il s’est transformé en Mister Hyde sur Police. C’était à qui mettrait le plus grand chaos. Il était très mal élevé, mal poli. Il ne m’a pas violée ni frappée, mais il a eu des gestes très déplacés. Ce n’était que de la provoc, de l’humiliation, de la prise de pouvoir. Et tout ça sous prétexte de rire... Après, je n’ai plus eu envie de tourner avec lui. Jamais. Je trouvais qu’il dépassait les bornes mais que les autres qui le laissaient faire, les dépassaient également. Tout le monde entrait dans son jeu."
La journaliste interroge l'actrice sur les raisons d'excuser ce "monstre du cinéma" pour ses écarts :
"Alors oui, il vient d’un milieu dur où l’on ne s’offusque peut-être pas autant des agressions. Mais on ne peut pas en rester à l’âge de pierre. Il faut arrêter de croire qu’on n’est pas responsable de ce qu’on fait parce qu’on a eu une enfance difficile. Je viens de la cité, pour moi aussi, la vie était plus dure que celle de la plupart des gens qui font ce métier. On me dit souvent : “Mais tu es dure, toi.” Ce n’est pas moi qui suis dure, ce sont les autres qui sont mous du genou. Et la vie est rarement un chemin de roses", affirme-t-elle.
Aujourd’hui, Sophie Marceau a pris du recul sur sa carrière d’actrice. Elle est l’autrice de La Souterraine, un recueil de textes et de poèmes, paru aux éditions Seghers. Elle est aussi à l’affiche de La Note, une pièce de théâtre avec François Berléand.
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