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Le dernier film du réalisateur de La Famille Tenenbaum est une réussite.

Un écrivain célèbre se remémore sa rencontre avec Zero Moustafa, devenu propriétaire d’un grand hôtel européen. Un demi-siècle plus tôt, l’endroit était fréquenté par le gratin et Zero était l’apprenti d’un concierge légendaire, monsieur Gustave, dont les services étaient très appréciés des riches veuves... Avec son style inimitable, Wes Anderson s’est affirmé comme l’un des créateurs d’univers parmi les plus importants depuis David Lynch et Tim Burton. Dans The Grand Budapest Hotel, il aborde des thèmes qui contredisent sa supposée frivolité – la conscience du temps qui passe, la valeur accordée aux choses et aux personnes, la postérité et la transmission –, le tout traité avec légèreté par le biais d’un personnage qui est l’incarnation de la vanité. Monsieur Gustave règne en maître sur l’un des plus prestigieux hôtels de son époque. Lorsqu’un jeune groom ambitieux se présente, il reconnaît en lui un alter ego et entreprend de lui enseigner sa philosophie. En dépit de leurs différences – l’un est aussi bavard que l’autre est laconique –, tous deux se complètent et ils vont développer une relation de maître à élève au cours d’un voyage initiatique mouvementé.

Wes Anderson : "Chacun de mes projets est lié aux autres"

Le miracle de ce film gigogne, c’est qu’on n’est jamais perdu, en dépit d’une forme alambiquée. Chez Anderson, tout commence (et finit) par le cadre, qu’il soit narratif ou visuel. Un premier conteur, écrivain de métier, se découvre sous diverses apparences selon les époques : d’abord statufié, puis vieux (sous les traits de Tom Wilkinson) et enfin jeune (Jude Law). C’est à ce dernier que le vrai narrateur (F. Murray Abraham) raconte son histoire à la première personne. Anderson utilise ce dispositif en hommage à Stefan Zweig, qu’il cite comme inspiration et auquel il emprunte la géographie (l’Europe, une première pour le cinéaste texan). Quant au contexte historique, il est multiple, chaque époque déterminant un format d’image particulier, entre le CinémaScope pour les années 60 jusqu’au 4/3 presque carré pour l’action principale située au début des années 30. De là, Anderson déroule son récit avec énergie et fluidité, dans une profusion de décors naturels et artificiels méticuleusement composés. S’il navigue toujours entre la comédie et la gravité, il le fait avec une dextérité inédite qui rend les transitions invisibles. Mais c’est le texte, plus encore que la musique pourtant alerte d’Alexandre Desplat, qui donne au film sa cadence et sa dynamique. Son importance n’a jamais été aussi forte, pour le plus grand bonheur des acteurs, Ralph Fiennes en tête, mais aussi Jeff Goldblum, qui fait un come-back bienvenu au milieu d’un rassemblement d’habitués. Certains motifs peuvent paraître familiers, mais cette fois Anderson innove dans la continuité avec l’un de ses films les plus séduisants et les plus aboutis.
Gérard Delorme

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The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, en salles le 26 février. Extrait :