David Cronenberg a finalement abandonné la suite des Promesses de l'ombre, révèle Vincent Cassel
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Viggo Mortensen, le héros des Promesses de l'ombre, évoquait son rôle de nervi russe, et sa collaboration féconde avec David Cronenberg, deux ans après A History of Violence, dans Première au moment de la sortie du film en 2007.

Comment est né Les Promesses de l’ombre ?
Cronenberg et moi avons évoqué la possibilité de retravailler ensemble après A History of Violence. Il a même été question d’une comédie ! Mais David devait d’abord digérer le succès du film et aussi faire le tri dans toutes les propositions qu’il recevait. Puis est arrivé ce script formidable de Steve Knight.

Cronenberg n’avait donc pas l’idée d’un diptyque, voire d’une trilogie, sur la violence ?
Je ne crois pas. David a juste aimé le script. Comme moi, il s’intéresse à la sous-culture.

Comment avez-vous appréhendé le rôle de Nikolaï ?
Quand David me l’a proposé, j’ai hésité car je craignais de manquer de temps pour me préparer. Je savais qu’il me faudrait effectuer beaucoup de recherches sur le sujet, sur l’accent de mon personnage notamment... J’ai finalement réussi à trouver des Russes installés aux États-Unis qui avaient connu le goulag et qui m’ont apporté de précieuses informations. J’ai également passé deux semaines en Russie pour m’imprégner de la culture et de la langue.

Votre personnage n’était-il pas très écrit ?
Pour ce genre de rôle, bon nombre d’éléments restent abstraits. L’humeur, la façon de penser de Nikolaï, par exemple, je ne les ai déterminées qu’après avoir discuté avec d’anciens truands.

Comment Cronenberg dirige-t-il ses acteurs ?
La plupart du temps, on ne parle pas. Il interfère si nécessaire mais n’est pas du tout dirigiste. David a confiance en lui, en son cinéma et dans les gens qu’il choisit.

Votre complicité dans la vie a-t-elle été un atout ou un handicap sur le tournage ?
Cela facilite beaucoup le travail. Je n’ai pas à le questionner sans cesse, et lui n’a pas à me recadrer. Toute mon attention peut ainsi se porter sur les scènes et sur les autres acteurs. Notre but commun est de raconter l’histoire de la meilleure des façons.

La mise en scène est très précise, très chorégraphiée. Prenez-vous du plaisir à jouer dans ces conditions ?
C’est étrange... De l’extérieur, les films de Cronenberg paraissent rigides, voire mécaniques. Mais je vais vous surprendre : David ne fait pas de story-board. Il arrive sur le plateau, répète la scène avec les acteurs et, seulement après, décide comment placer la caméra. Ce n’est pas le genre de réalisateur à s’abriter derrière la technique, qu’il maîtrise parfaitement. Il laisse la vie venir… Chacun de ses films est meilleur que le précédent car il ne se cantonne pas à une formule.

Parlons de cette séquence stupéfiante durant laquelle vous combattez totalement nu contre deux tueurs. Qu’avez-vous pensé en la lisant ?
Elle n’était pas vraiment détaillée, du genre: "Nikolaï est dans un hammam quand surgissent deux tueurs armés jusqu’aux dents." Au moment d’évoquer la séquence avec David, il nous a semblé évident que, pour une question de réalisme, mon personnage devait être nu puisqu’il se débat violemment en se défendant : il ne pouvait pas garder sa serviette ! J’ai dit à David qu’il était libre de me filmer comme il le désirait. Je me doutais bien qu’il n’y aurait aucun voyeurisme de sa part. C’est une bonne scène, mais il y en a plein d’autres. Je suis assez surpris de son impact. La nudité masculine fait toujours cet effet-là, non ?

Ne pensez-vous pas que A History of Violence et Les Promesses de l’ombre parlent davantage de la famille que de la violence ?
Certainement. De la compassion, aussi. Les personnages sont très complexes. Ils ont tous un code d’honneur, une éthique. La brutalité est plus mentale et émotionnelle que physique. Les moments violents restent dans la tête parce qu’ils sont montrés de façon directe. David ne filme pas la violence comme un ballet pour sécuriser le spectateur. Il vous implique.

Il paraît que vous avez effrayé un couple de Russes dans un bar avec vos tatouages...
C’était au début du tournage, dans le centre de Londres où vit une forte communauté russe. Quand ce couple a vu mes mains – les tatouages restaient quelques jours si je faisais attention en me lavant –, ils se sont brusquement arrêtés de parler et ont paru inquiets. Il faut dire que je les écoutais pour saisir leur accent ! J’aurais pu leur dire que j’étais juste un acteur, mais je me sentais si embarrassé que je suis parti. Ils ont dû croire que j’allais faire mon rapport...
Interview Christophe Narbonne


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