Thunderbolts
Marvel

Plus intéressé par l’intériorité de ses super (anti-)héros que par l’action pur jus, plus simili-Pixar que Douze Salopards, le nouvel épisode du MCU brosse un portrait de groupe attachant, propulsé par la toujours excellente Florence Pugh.

C’est la fin de la phase 5 du MCU. Un soulagement, celle-ci ayant surtout été marquée par les déceptions commerciales et les bérézina artistiques, d’Ant-Man et la Guêpe : Quantumania à The Marvels. Thunderbolts* tient d’ailleurs moins lieu de bouquet final que de contre-programmation, en faisant le portrait d’une bande de super-misfits pas spécialement identifiés du grand public, héros d’un long-métrage teasé par la promo depuis plusieurs semaines comme un "film indé façon A24". Mais on a appris au moins depuis le Suicide Squad de David Ayer (autre film de mercenaires masqués en mission commando kamikaze) à se méfier comme de la peste de ces fausses promesses publicitaires cinéphiles qui débouchent sur du vent. 

On est néanmoins rapidement rassuré par Thunderbolts*, qui ne cherche pas à se la jouer Douze Salopards du pauvre, mais impose d’emblée son ton, à la fois ironique et mélancolique, en s’arrimant aux idées noires et aux pulsions de mort de Yelena Belova (Florence Pugh), super-assassine endeuillée par la mort de sa sœur Natasha Romanoff (la Black Widow précédemment jouée par Scarlett Johansson), et qui va tenter de retrouver un sens à sa vie en affrontant puis en s’associant à une bande d’aventuriers dupés par la machiavélique Valentina Allegra de Fontaine (Julia Louis-Dreyfus) : un ex-super-héros soviétique chérissant le souvenir de sa toute-puissance (le Red Guardian joué par David Harbour), ce bon vieux Bucky Barnes (Sebastian Stan), le "Captain America en carton" John Walker (Wyatt Russell), etc. Réussiront-ils à faire triompher la solidarité salvatrice et l’effort collectif plutôt que l’individualisme autodestructeur ? Non, nous ne spoilerons pas.

Thunderbolts
Marvel

La façon dont le film tient sa note intime et bluesy est en grande partie due à l’investissement de Florence Pugh, qui fait exister son personnage au-delà des figures imposées et des lignes de dialogue mécaniques – un acteur qui rencontre un personnage, c’est au fond la clé du MCU depuis le premier Iron Man. Et le réal’ Jake Schreier, à travers elle, parvient à signer un film qui s’insère harmonieusement dans sa propre filmo, faite de gentilles fables SF (Robot & Frank) et de produits Netflix sachant capter l’air du temps (Acharnés). L’esthétique est celle d’un film d’action/espionnage plein de parano gouvernementale et de barbouzerie internationale (dans la lignée des Captain America, du Soldat de l’hiver à Brave New World), mais Schreier se révèle surtout à l’aise dans les petits pas de côtés. Quand il filme son groupe de mercenaires s’évadant d’un bunker sous-terrain qui menace d’être leur tombeau, il les montre défiant comiquement les lois de la gravité, plus proches de Woody et ses amis dans un Toy Story, ou des acrobaties cartoon d’Ethan Hunt, que des superstars du MCU.

Et quand, dans le dernier acte du film, New York est menacé par le grand méchant (personnage bien introduit, et disposant d’un pouvoir de destruction d’une pureté graphique assez élégante), Schreier cherche moins à rivaliser avec les plans-séquence mythologiques et grandiloquents du Avengers de Whedon qu’à faire fructifier son temps passé à bosser aux côtés de Michel Gondry sur la série Kidding : et voilà soudain les Thunderbolts propulsés dans un labyrinthe mental mi-Eternal Sunshine of the Spotless Mind, mi-Everything Everywhere All At Once – où l’on comprend mieux ce que la promo voulait dire en parlant d’un feeling A24.

Le problème, comme souvent chez Marvel, est qu’à peine esquissée cette sortie de route esthétique un peu "audacieuse" (du moins inattendue), le film revient aussitôt sur ses rails – de la même façon que chaque moment dramatique du film est compensé par une intervention bruyante de David Harbour, très crispant en comic relief parfumé à la vodka et aux clichés. On sort de Thunderbolts* en ayant le sentiment d’avoir encore une fois vu un épisode intercalaire du MCU, certes élégamment troussé, mais qui sert surtout à rafistoler l’univers, boucher les trous d’air et annoncer le film suivant. C’est bon, on est prêt ? Les choses sérieuses peuvent (re)commencer ? Allez, envoyez les 4 Fantastiques !

Thunderbolts*, de Jake Schreier, avec Florence Pugh, David Harbour, Lewis Pullman… En salles le 30 avril.